Soraya

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Je tournai la tête vers Edros, les sourcils froncés. Une pensée se glissa, impossible à retenir :

Faire de nous une équipe soudée ? C'est presque mission impossible...

Edros pivota lentement, croisant mon regard avec une intensité troublante, comme s'il avait deviné le fond de mes pensées. Je détournai les yeux, un frisson de malaise me parcourant. Sunniva, elle, se retourna brusquement, évitant soigneusement de croiser mon regard. Est-ce qu'elle pense que je vais lui lancer une pique cinglante ? Honnêtement, je n'en avais même pas l'envie. Pas aujourd'hui.

Aveline, toujours cette aura lumineuse autour d'elle, prit enfin la parole, une positivité dans une situation où tout semblait voué à l'échec.

- Il va falloir du temps, mais on va y arriver, j'en suis certaine ! lança-t-elle avec une détermination qui n'appartenait qu'à elle.

Un raclement de gorge déchirant le silence me fit lever les yeux. Pao se redressa.

- Du temps ? On n'en a pas ! Les Mirages ont déjà une équipe, et ils s'entraînent depuis bien plus longtemps que nous, s'exclama-t-il, son ton empli d'une frustration à peine contenue.

Je ne pus m'empêcher de répondre, la colère montant en moi comme une vague prête à tout engloutir.

- Eh bien, Edros n'avait qu'à choisir des personnes plus compétentes ! Arrêtez de nous faire porter le chapeau alors qu'on n'a jamais rien demandé !

Elios, toujours si calme, murmura à mes côtés, sa voix douce tentant de m'apaiser.

- Soraya, calme-toi...

Son ton avait beau être apaisant, je ne pus réprimer le coup d'œil glacial que je lui lançai. Mon regard disait tout : pas maintenant, Elios. Pas maintenant.

Je sentais encore la colère bouillonner en moi, comme une braise mal éteinte. Devant moi, Edros, observait le sol d'un air pensif, comme s'il cherchait des réponses dans la terre même du jardin. La lumière du soleil jouait sur son visage marqué par les années et l'expérience, mais ce jour-là, même lui semblait fatigué.

Aveline, malgré sa positivité, avait l'air pensive. Elle se tenait près de la fontaine, les yeux baissés, jouant distraitement avec une feuille qu'elle avait ramassée. Sunniva se tenait à l'écart, comme toujours, cachant ses pensées derrière ce masque de froideur.

Edros prit enfin une profonde inspiration et leva les yeux vers nous. Quand il parla, sa voix était grave, chargée de ce poids que seuls les sages portent.

- Vous avez tous raison, commença-t-il d'une voix mesurée. Le temps n'est pas de notre côté, c'est vrai. Les Mirages ont un avantage, c'est indéniable.

Il marqua une pause, sondant nos réactions, avant de continuer, plus doucement.

- Mais ce n'est pas une question de compétence, Soraya. C'est une question d'unité. Vous avez été choisis non parce que vous êtes les meilleurs individuellement, mais parce que vous avez quelque chose que les autres n'ont pas. Ce groupe... vous avez le potentiel d'être plus qu'une équipe, si vous apprenez à travailler ensemble.

Ses mots flottèrent dans l'air, mais je n'arrivais pas à les accepter. Qu'est-ce qu'il voyait en nous que je ne voyais pas ? Un potentiel ? Je sentis mes poings se serrer malgré moi. L'idée même d'être comparée aux Mirages, toujours si parfaits, me faisait monter la rage.

- Et si on n'y arrive pas ? fis-je, d'une voix que je ne reconnaissais même pas tant elle était basse, presque un murmure.

Edros posa sur nous un regard empreint de gravité, ses yeux marqués par l'expérience et les batailles passées. Il prit une profonde inspiration, puis lâcha, d'une voix qui résonna comme un coup de tonnerre dans le calme du jardin :

- Honnêtement ? Vous allez y arriver.

Un frisson me parcourut, j'ai l'impression que cette dernière phrase avait parcouru tous les royaumes avant de venir, brutalement, s'écraser sur moi et me faire douter encore plus. Même Aveline, baissa les yeux, la peur de l'échec.

- Une équipe soudée, continua Edros, c'est quelque chose qui se construit avec le temps, la confiance... et beaucoup d'efforts. Or, nous n'avons ni le temps, ni la confiance, ni même la moindre cohésion. Et ça... c'est notre plus grande faiblesse.

Ses mots frappèrent comme un coup de massue. Je ne m'attendais pas à l'entendre dire cela. Je déglutis, le goût amer de l'échec m'envahissant peu à peu.

- Alors... on fait quoi ? demandai-je d'une voix presque éteinte, cherchant une lueur d'espoir dans ses paroles.

- Ce qu'on peut, répondit-il simplement. Mais je ne vais pas vous mentir, Soraya. Nous sommes face à une mission qui vous demandera des efforts, beaucoup d'efforts.

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Les héritiers du cielOù les histoires vivent. Découvrez maintenant