Chapitre 5

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Le troisième jour au château commença sous un ciel couvert, comme si la météo s'accordait à mon humeur. Les souvenirs de la veille me pesaient encore, mais je refusais de me laisser abattre. Je m'étais levée avant l'aube, décidée à ne pas montrer le moindre signe de faiblesse devant Hernando ou quiconque d'autre.

Après avoir revêtu l'uniforme impeccable des domestiques, je descendis dans les cuisines pour me préparer à une nouvelle journée d'apprentissage. Hernando m'attendait déjà, son visage sévère accentué par les ombres du petit matin. Aujourd'hui, il allait m'apprendre l'art du service à table, une tâche qui demandait précision, discrétion, et une parfaite connaissance de l'étiquette.

« Aujourd'hui, tu seras au service lors des repas, » annonça-t-il d'une voix sans appel. « Ce n'est pas une tâche facile, surtout pour une novice, mais il faut bien commencer quelque part. »

Il m'expliqua en détail le protocole à suivre, de la manière de poser les plats aux règles strictes du service, en passant par la manière d'anticiper les besoins des invités sans jamais être intrusive. Chaque geste devait être mesuré, chaque mouvement fluide, presque chorégraphié. Il n'y avait pas de place pour l'improvisation.

« L'important, c'est de rester invisible, » insista-t-il en me montrant comment tenir un plateau sans faire le moindre bruit. « Si tu fais bien ton travail, les invités ne se rendront même pas compte que tu es là. »

La matinée fut consacrée à des exercices pratiques. Hernando me fit répéter encore et encore la manière correcte de poser une assiette, de remplir un verre de vin sans éclabousser, ou encore de débarrasser la table sans faire de bruit. À chaque erreur, il me corrigeait sans ménagement, mais il y avait quelque chose de différent dans son attitude, comme une légère patience que je n'avais pas perçue auparavant.

Je tentais de rester concentrée, même si je sentais le poids de son regard sur moi à chaque instant. Le moindre faux pas semblait amplifié sous son observation attentive, et je me forçais à ne pas montrer l'anxiété qui montait en moi. Cependant, malgré la rigueur de son enseignement, il y avait aussi des moments où Hernando me donnait des conseils plus personnels, me montrant des astuces qu'il avait apprises au fil des années.

« N'oublie pas, » me dit-il alors que nous nous apprêtions à entrer dans la salle à manger pour un premier exercice pratique. « Ici, ce n'est pas qu'une question de service. C'est un art de la discrétion, une danse silencieuse où chaque mouvement a son importance. »

La porte de la salle à manger s'ouvrit devant nous, révélant une pièce somptueusement décorée, prête à accueillir la famille royale pour le déjeuner. Les grandes fenêtres laissaient entrer une lumière douce qui éclairait la table déjà dressée avec soin. Mon cœur battait plus vite alors que nous nous avancions, chaque pas résonnant faiblement sur le sol de marbre.

« Allez, montre-moi ce que tu as retenu, » murmura Hernando en me tendant un plateau.

Je pris une profonde inspiration et m'avançai vers la table, tentant de me souvenir de chaque détail qu'il m'avait enseigné. J'avais l'impression que tout pouvait mal tourner au moindre faux mouvement, mais je fis de mon mieux pour rester calme.

Je commençai par servir l'eau aux différents sièges, veillant à ne pas déborder le liquide en remplissant les verres, puis je passai aux couverts, vérifiant qu'ils étaient bien alignés selon les règles d'or du service. Chaque geste était minutieusement calculé, chaque mouvement dicté par la pratique répétée de la matinée.

Le temps semblait ralentir, chaque seconde pesant lourd alors que je m'efforçais de bien faire. Hernando observait en silence, son visage impassible, et je me demandais ce qu'il pensait de mes progrès.

Entre Ombre et CouronneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant