Entre Ombre et Couronne

Chapitre 20

Le lendemain, à dix heures précises, tout le personnel du château fut rassemblé dans la grande salle de projection. Les murs de la pièce semblaient resserrés par la tension qui régnait, comme si les pierres elles-mêmes retenaient leur souffle, conscientes de l'importance du moment. Un murmure incessant parcourait l'assemblée, un mélange de curiosité, d'anxiété et d'envie. Tous les yeux étaient fixés sur l'écran géant où, dans quelques minutes, le prince allait dévoiler les noms des jeunes femmes sélectionnées pour ce concours hors du commun.

Je me tenais là, au milieu de cette foule de visages tendus, le cœur battant à tout rompre. Hernando se trouvait à ma droite, droit comme un piquet. Son regard, habituellement si tranquille, trahissait une nervosité palpable. Peut-être même était-il plus anxieux que moi. Je pouvais sentir sa tension se propager, comme un courant électrique qui aurait pu me renverser si je n'étais pas déjà figée par l'appréhension. Mon esprit se débattait entre l'espoir et la peur, deux forces opposées qui me déchiraient de l'intérieur. Si le prince ne s'était pas moqué de moi, alors mon nom, mon visage apparaîtraient sur cet écran devant tout le monde. Un seul instant suffirait pour changer ma vie à jamais.

À ma gauche, Élara se tenait proche, silencieuse mais rassurante. Elle avait choisi de ne pas participer à la sélection, mais elle était là, comme une sentinelle, une présence fidèle à mes côtés. Son calme apparent contrastait avec le tourbillon d'émotions qui me traversait. Elle ne disait rien, mais je sentais la force de son soutien. Mes deux alliés étaient là, près de moi, comme une armure invisible contre les regards malsains qui se posaient sur nous.

Car ces regards étaient bien là, chargés de malveillance et de jalousie. Je pouvais sentir les yeux des autres servantes sur moi, certains remplis de dédain, d'autres de suspicion. Des rumeurs avaient circulé provenant de je ne sais où car les gardes étaient plutôt discrets. Pour certains, j'étais une favorite inexplicable ; pour d'autres, une rivale à abattre. L'atmosphère était lourde, étouffante, comme si un nuage noir planait au-dessus de nos têtes, prêt à éclater.

Leurs murmures ne faisaient qu'amplifier la pression. Chaque mot susurré, chaque regard échangé semblait un jugement en soi. « Si elle est sélectionnée, ce sera par favoritisme... » entendis-je dans un coin de la salle. « Elle ne mérite pas d'être ici... » chuchota une autre voix, cruelle et pernicieuse.

Je serrai les poings, tentant de repousser ces pensées qui menaçaient de m'écraser. Les battements de mon cœur résonnaient dans mes oreilles, et il me fallut une force inimaginable pour ne pas céder à la panique. Je devais me tenir droite, ne rien laisser paraître. Après tout, Hernando et Élara étaient à mes côtés, mes deux phares dans cette mer déchaînée. Rien ne pourrait m'arriver tant qu'ils étaient là, non ? Pourtant, malgré leur présence, une partie de moi se sentait désespérément seule, prisonnière de cette peur sourde qui ne me lâchait pas.

L'écran clignota, et le silence tomba comme un couperet. Chaque respiration, chaque battement de cœur sembla suspendu, en attente de la sentence que le prince allait rendre publique. Je me sentis vaciller, comme si le sol sous mes pieds menaçait de se dérober. Ce moment que j'avais tant redouté était enfin arrivé.

Le suspense dans la salle était devenu presque insupportable. Quinze sélectionnées étaient attendues, et dix noms avaient déjà été révélés. Parmi eux, Erica, la princesse que tout le monde attendait. Son nom avait déchaîné des réactions diverses, entre admiration et jalousie, mais une chose était certaine : sa place dans la sélection semblait inévitable. Pourtant, parmi ces dix premières élues, aucune servante ne figurait encore, et l'atmosphère dans la salle était empreinte d'une tension insupportable.

Puis, lorsque le prince annonça la onzième sélectionnée, un changement se produisit. L'écran afficha l'image d'une employée du château, une femme que je connaissais de vue, sans doute une domestique travaillant dans les étages supérieurs. Aussitôt, un cri strident déchira le silence de la salle. Son exclamation de surprise et de joie résonna comme un coup de tonnerre, coupant court aux murmures qui avaient commencé à s'élever autour de nous.

Son cri emplit l'atmosphère d'une onde de choc. Les regards se tournèrent instantanément vers elle, une étincelle d'envie dans les yeux de celles qui l'entouraient. Sa réaction intense, presque hystérique, attira une attention immédiate, faisant naître une foule d'émotions contradictoires. Certaines femmes dans la salle se contentèrent de murmurer entre elles, les lèvres pincées par l'envie. D'autres, moins discrètes, échangèrent des regards lourds de jalousie et de ressentiment. C'était comme si ce cri avait éveillé en elles une prise de conscience douloureuse : leurs chances s'amenuisaient avec chaque nom affiché.

Quant à moi, ce cri strident me fit frissonner. Je ressentis un mélange complexe d'émotions. D'un côté, je ne pouvais m'empêcher de compatir à la joie explosive de cette femme qui, comme moi, devait rêver d'une vie meilleure. D'un autre côté, chaque nom qui apparaissait à l'écran me rapprochait un peu plus de cette vérité que j'étais trop terrifiée pour affronter : le prince allait-il réellement tenir parole ? Mon cœur battait à un rythme effréné, et le sentiment de vertige s'intensifiait à mesure que le moment de vérité approchait.

Autour de moi, Hernando resta immobile, stoïque, mais je pouvais sentir son anxiété dissimulée derrière son masque de calme. Elara, elle aussi, semblait tendue, ses doigts jouant nerveusement avec un pan de sa robe. Le cri de la onzième sélectionnée continuait de résonner dans l'air, une sorte de prélude inquiétant à ce qui allait suivre.

Chaque nouvelle image sur l'écran était un pas de plus vers un avenir incertain, et alors que les prénoms restants s'égrenaient, la tension devenait presque insupportable. L'inconnu me paralysait, et pourtant, je savais que d'ici peu, je saurais si mon nom, mon visage, mon destin seraient à leur tour projetés sur cet écran, devant tout le château, tout le royaume.