Entre Ombre et Couronne

Chapitre 16

Face à la révélation du prince, j'étais complètement désemparée. L'idée même qu'il puisse vouloir de moi comme épouse, après tout ce qu'il m'avait fait subir, semblait surréaliste. Mais ce qui était encore plus déstabilisant, c'était de le voir se livrer ainsi, de le voir se dévoiler d'une manière que je n'aurais jamais imaginée.

Il me parla de son père, de ses ambitions politiques et de l'insupportable Princesse Erica, cette même femme qui m'avait ordonné de lui apporter de l'eau le jour de notre première rencontre. Elle était plus qu'un simple obstacle pour lui; elle représentait tout ce qu'il haïssait dans son existence de prince. Son père voulait les marier pour sceller une alliance stratégique, un mariage de convenance qui servirait avant tout le royaume. Pour le prince, cette union représentait une prison, un renoncement à toute liberté.

Avant mon arrivée, il semblait résigné à son sort. Se marier avec Erica, régner, et sacrifier ses désirs personnels au nom du devoir, voilà ce qu'il avait prévu. Mais tout avait changé dès l'instant où il m'avait vue. Ce qu'il décrivait comme des certitudes, une vie toute tracée, s'étaient effondrées. Il n'était plus sûr de rien, hormis une chose : il ne pouvait plus envisager de suivre le chemin qui lui était destiné sans prendre en compte ce qu'il ressentait pour moi.

Je restais silencieuse, la gorge nouée, tentant de comprendre ce qu'il attendait de moi. Mais avant même que je ne puisse poser une question, il poursuivit. Il avait convaincu son père de changer les règles, de ne plus imposer un mariage arrangé, mais d'organiser une sélection, à l'image de celle du Prince Maxon du royaume d'Illeá. Une compétition où toutes les jeunes filles du peuple auraient leur chance, y compris Erica. Le roi, toujours pragmatique, avait accepté, mais à une condition : Erica devait participer avec les mêmes chances que les autres.

Le prince savait pertinemment que son père ne me choisirait jamais comme prétendante. Le roi voulait quelqu'un de plus malléable, de plus noble de naissance. Mais le prince voulait que je participe à cette sélection, malgré tout.

Il me regarda avec une intensité que je n'avais jamais vue en lui, une flamme ardente dans ses yeux, comme s'il s'attachait désespérément à un espoir fragile. "Tout ce que je vous ai fait subir... c'était pour vous préparer à ce qui va venir," avoua-t-il. "Je savais que si vous pouviez supporter ça, vous pourriez supporter bien pire, car mon père... lui, ne vous ménagera pas. Je veux que vous soyez prête, que vous gagnez cette sélection... et que vous soyez celle qui m'épousera."

Le poids de ses mots me laissa sans voix. Il avait planifié tout cela, chaque humiliation, chaque épreuve, dans le but de m'endurcir, de me préparer à un défi encore plus grand. Mon cœur battait à tout rompre, partagé entre la colère et une étrange forme de compassion. Il ne me demandait pas seulement de l'épouser, il me demandait de me battre pour lui, de risquer tout ce que j'avais pour une chance d'être à ses côtés.

Mais au fond de moi, une question persistait : comment pourrais-je lui faire confiance après tout ce qu'il avait fait? Comment pourrais-je accepter d'entrer dans ce jeu cruel, où je serais une simple pièce sur l'échiquier de ses ambitions? Et pourtant, une partie de moi était tentée. L'idée de défier le roi, de me tenir à ses côtés en tant qu'égale, était presque séduisante. Mais à quel prix?

Mon regard se posa sur l'horizon, cherchant désespérément une réponse dans la vastitude du ciel nocturne. Devais-je vraiment entrer dans ce jeu dangereux, ou devais-je refuser, quitte à perdre toute chance de liberté?

Le silence s'étira entre nous, chargé de tension. Le prince attendait, son visage impassible masquant à peine l'incertitude qui le rongeait. Il ne pouvait pas me forcer à accepter, mais il savait aussi que ma décision changerait tout.