Chapitre 37

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Le temps n'avait plus de sens. Minutes, heures, jours ? Je ne savais plus. Ce que je savais, c'est que je m'étais battue. J'avais lutté avec chaque fibre de mon être, refusant de laisser l'obscurité m'avaler complètement. La douleur, le froid, la fatigue... tout cela n'était plus qu'un bruit de fond face à la volonté de vivre, face à cette détermination farouche qui m'avait guidée.

Et enfin, après ce qui m'avait semblé une éternité, j'ouvris les yeux.

La pièce était plongée dans une obscurité presque totale, à l'exception de la faible lueur d'une bougie. Cette lumière tamisée projetait des ombres mouvantes sur les murs, créant une atmosphère presque irréelle, comme si j'étais entre deux mondes. Mon cœur battait à un rythme régulier, apaisé par le calme qui régnait dans la pièce.

C'est alors que je l'aperçus.

Près de moi, sur une chaise, se trouvait le prince, assoupi. Son visage, habituellement sévère et implacable, était adouci par le sommeil. Les traits détendus, il semblait presque vulnérable, comme s'il avait déposé ses fardeaux le temps de quelques heures. Je n'avais jamais vu une telle expression sur son visage, et ce spectacle me bouleversa.

Je ne pouvais détourner les yeux, captivée par cette vision inattendue. L'homme qui, quelques jours plus tôt, incarnait la menace et la froideur, était là, veillant sur moi. Et dans cette lueur douce qui l'enveloppait, il était le plus beau spectacle qui m'avait été donné de voir.

Un mélange de soulagement, de gratitude, et quelque chose de plus profond, plus inexplicable, m'envahit. Cette vision effaça temporairement la douleur, le froid, et la peur qui m'avaient accompagnée ces derniers jours. Pour la première fois depuis longtemps, je me sentis en paix.

Je restai immobile, les yeux fixés sur le prince endormi. Je ne voulais pas briser ce moment. Il était si rare de le voir sans son masque d'autorité, sans cette distance glaciale qu'il imposait entre lui et le monde. Dans son sommeil, il semblait presque humain, dénué de l'armure qu'il portait en permanence. Cela me troublait, plus que je ne l'aurais imaginé.

Je me demandais combien de temps il avait passé à veiller à mes côtés, combien de fois il avait repoussé le sommeil pour s'assurer que je m'en sortirais. Cette simple pensée réchauffa mon cœur. Peut-être n'étais-je pas qu'une simple sélectionnée à ses yeux. Peut-être y avait-il quelque chose de plus, quelque chose qu'il cachait, même à lui-même.

Mes yeux commencèrent à picoter sous l'effet de la fatigue, mais je luttais pour ne pas les fermer. Je voulais graver cette image dans ma mémoire, m'en souvenir à chaque fois que je douterais, que je me sentirais faible. J'inspirai profondément, essayant de ne pas penser à la douleur qui menaçait de revenir à chaque respiration. C'est alors que le prince bougea légèrement, comme s'il sentait mon regard sur lui.

Ses paupières frémirent, et un instant plus tard, ses yeux s'ouvrirent. Notre regard se croisa, et le temps sembla s'arrêter. Il y eut un moment de flottement, un silence lourd de significations non dites. L'expression dans ses yeux changea à mesure qu'il réalisait que j'étais éveillée. Il se redressa lentement, se penchant vers moi avec une attention nouvelle, mais ce fut à peine s'il cacha une lueur de soulagement.

« Vous êtes réveillée, » murmura-t-il, sa voix rauque trahissant les heures passées sans sommeil.

Je tentai de répondre, mais aucun son ne sortit trop épuisée pour répondre et gênée par mon masque à oxygène. Le prince s'approcha de moi et me fixa de ses yeux perçants. Je pouvais sentir la tension dans l'air, la chaleur de sa présence tout près de moi, et cela déclencha en moi une vague de sensations nouvelles, un brasier que je ne comprenais pas encore.

Entre Ombre et CouronneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant