Chapitre 63

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Alexandre me conduisit avec une grâce naturelle au centre de la pièce, encore vide, les autres invités semblant hésiter à prendre part à la danse. Le murmure des conversations s'éteignit doucement, remplacé par la mélodie enivrante qui emplissait le salon. Chaque pas que nous esquissions semblait captiver l'attention, comme si le reste du monde avait cessé d'exister.

Je m'efforçai de garder un sourire radieux, ma main posée sur son épaule, l'autre dans la sienne, tandis que mes pieds suivaient instinctivement la cadence. Mais il y avait quelque chose dans son regard, un éclat d'amusement, qui me déstabilisait légèrement.

Finalement, Alexandre rompit le silence avec un sourire malicieux. « Vous vous doutez bien que si je vous ai invitée, c'est parce que j'ai bien deviné que vous aviez des questions à me poser. »

Je plissai les yeux, feignant l'offense. « Vraiment ? Alors ce n'était pas pour mon charme irrésistible ou mon extrême beauté ? » lançai-je avec un ton faussement outré.

Il éclata de rire, un rire léger et sincère qui adoucit un instant l'ambiance lourde de la soirée. « C'est vrai que je pourrais également plaider coupable pour cela, » répondit-il avec une exagération qui me fit sourire davantage.

Nous continuâmes de danser, le silence s'installant brièvement à nouveau, seulement troublé par les notes fluides de la musique. Mais mon regard finit par dériver, presque inconsciemment, vers la duchesse qui se tenait en retrait. Elle observait notre danse avec une intensité à peine voilée, ses lèvres pincées en une expression qui oscillait entre jalousie et frustration.

Revenant à Alexandre, je brisai ce moment en demandant doucement : « Êtes-vous seulement conscient de l'effet que vous lui faites ? »

Il tourna la tête légèrement, suivant mon regard, avant de revenir à moi avec un sourire désarmant. « Je m'en doute, » répondit-il, presque avec insouciance, avant d'ajouter d'un ton légèrement moqueur : « Mais je ne peux pas dire que je m'en plains. »

Je laissai échapper un petit rire en secouant la tête. « Vous êtes incorrigible. »

Il inclina légèrement la tête en signe de remerciement, comme s'il prenait cela pour un compliment. Puis, avec une intensité inhabituelle dans la voix, il ajouta : « Et vous, mademoiselle Haydé, êtes-vous consciente de l'effet que vous, vous faites ? »

Je tentai de reprendre mon calme et, pour détourner l'attention, décidai de changer de sujet. « Dites-moi, Comte, » commençai-je d'un ton plus sérieux, « est-ce que tout va bien ? Vous sembliez... différent tout à l'heure en revenant avec le prince. »

Son sourire s'effaça légèrement, et son regard s'adoucit alors qu'il baissait les yeux, comme pour réfléchir à ma question. Il pivota légèrement, guidant nos mouvements avec une fluidité remarquable, mais je sentais que son esprit était ailleurs.

« Vous êtes observatrice, » finit-il par répondre, sa voix plus grave. « Mais il n'y a rien dont vous devriez vous soucier. »

Je plissai les yeux, peu convaincue. « C'est une façon très polie de dire que cela ne me regarde pas, n'est-ce pas ? »

Il releva les yeux vers moi, esquissant un sourire qui ne parvenait pas à dissimuler une certaine fatigue. « Disons simplement que certaines discussions sont faites pour rester dans l'ombre. »

Je fronçai légèrement les sourcils, mais je n'insistai pas, respectant son silence. Pourtant, une part de moi ne pouvait s'empêcher de s'interroger sur la nature de cette conversation entre lui et le prince.

« Vous savez, » repris-je avec un sourire léger pour alléger l'atmosphère, « si je ne savais pas que vous riez des ennuis, je pourrais presque croire que vous en avez rencontré quelques-uns. »

Entre Ombre et CouronneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant