Au retour au château, tout avait changé pour moi. Au lieu de rejoindre les autres servantes dans notre chambre commune, j'avais été conduite dans une nouvelle chambre, isolée des autres quartiers du personnel. Cette nouvelle pièce était petite, presque austère, avec seulement un lit, une table, et une petite fenêtre grillagée par laquelle la lumière du jour peinait à entrer et une petite salle d'eau attenante à la chambre. Il n'y avait aucun doute : j'étais désormais à la merci du prince.
Je n'avais plus le droit de sortir sans autorisation, ni de me mêler aux autres serviteurs. Tout contact extérieur m'était interdit. Les journées, déjà si longues, semblaient interminables dans cette solitude imposée.
Chaque fois que le prince entrait dans la pièce, il y régnait une atmosphère oppressante. Je ne savais jamais ce qu'il allait me demander, quel nouveau test ou épreuve il avait imaginé pour moi. Il prenait un malin plaisir à maintenir une ambiguïté constante, me forçant à deviner ses intentions sans jamais être sûre de ce qui allait suivre.
Je réalisai alors que, dans cette chambre, je n'étais plus qu'une marionnette entre ses mains. J'avais signé un pacte sans m'en rendre compte, troquant une liberté limitée pour une servitude plus insidieuse. Chaque regard, chaque mot qu'il prononçait me rappelait que j'avais presque vendu mon âme au diable en acceptant son offre.
Cette chambre n'était pas seulement un lieu d'habitation, c'était une extension de la prison dans laquelle il m'avait enfermée. J'étais piégée dans un jeu où il fixait les règles, et où chaque faux pas pouvait me coûter cher.
La solitude me rongeait, tout comme la peur. Je savais qu'il me testait, qu'il attendait de voir combien de temps je tiendrais avant de céder. Mais il y avait autre chose, une lueur de défi qui persistait en moi. Même si je devais affronter le pire, je ne lui donnerais pas le plaisir de me voir brisée. Pas encore. Pas maintenant.
Le prince semblait prendre un plaisir sadique à multiplier les exigences étranges et épuisantes, chacune plus déstabilisante que la précédente.
Il me faisait nettoyer sa chambre à des heures improbables, au milieu de la nuit ou juste avant l'aube. Rien ne devait être laissé au hasard, pas même une seule miette de poussière. Après avoir terminé, il inspectait chaque recoin, souvent en silence, avant de me donner des ordres contradictoires. Il demandait par exemple que le lit soit refait pour la quatrième fois, ou que le sol soit nettoyé à nouveau parce qu'il y avait soi-disant une trace invisible que je ne pouvais même pas voir.
Un jour, il m'avait demandé de dresser une table pour un dîner imaginaire, mais il voulait que chaque couverts, assiette, et verre soient disposés à une distance exacte de quelques millimètres. Il me regardait travailler en silence, se penchant parfois pour mesurer la distance avec un petit mètre, me forçant à recommencer si les mesures n'étaient pas à la hauteur de son exigence.
Le prince me donnait parfois des livres complexes, souvent des traités philosophiques ou des poèmes anciens, et m'ordonnait de lui en faire la lecture à voix haute. Il s'attendait à ce que je lise parfaitement, sans la moindre hésitation, malgré la difficulté du texte. Si je trébuchais sur un mot ou si ma voix faiblissait, il me demandait de reprendre depuis le début.
Une autre fois, il m'avait fait m'asseoir devant lui pendant des heures, exigeant que je garde une posture droite et élégante, sans bouger. Il scrutait le moindre tressaillement, et à la moindre erreur, il me demandait de recommencer, m'imposant ainsi une souffrance physique tout en testant ma capacité à rester impassible.
Parfois, il me donnait des tâches absurdes, comme compter les carreaux du sol ou polir les poignées de porte jusqu'à ce qu'elles brillent parfaitement, même si elles étaient déjà impeccables. Il se plaisait à trouver des défauts imaginaires, simplement pour le plaisir de me voir m'efforcer de les corriger.
Ces exigences n'étaient pas seulement des épreuves physiques, mais aussi des moyens pour lui de m'humilier, de tester ma patience et ma résilience. Chaque tâche était conçue pour m'épuiser, me frustrer, et me rappeler l'étendue de son pouvoir sur moi. Mais malgré tout, je m'efforçais de ne pas céder à l'angoisse, de ne pas lui donner le plaisir de voir mon esprit brisé.
Ce petit manège a duré des mois, un véritable calvaire qui semblait s'étendre à l'infini. Chaque jour apportait son lot de nouvelles humiliations et de tâches insensées, toutes destinées à m'épuiser physiquement et mentalement. Le prince s'assurait que je n'avais aucun répit, me maintenant constamment sous pression, comme un jouet dont il contrôlait chaque mouvement.
Il jouait avec mes nerfs, mes limites, et même ma santé, mais il s'assurait toujours de ne jamais franchir la ligne qui aurait pu briser complètement mon esprit ou déclencher une rébellion trop brutale. C'était un jeu pour lui, un jeu cruel et calculé. Il se délectait de voir jusqu'où il pouvait pousser mon endurance, me plongeant dans un cycle incessant de fatigue et de frustration, tout en m'empêchant de sombrer complètement dans le désespoir.
Le temps avait fini par perdre toute signification pour moi. Les jours se confondaient, devenant un long cauchemar ininterrompu. Chaque matin, je me réveillais dans cette chambre isolée, le corps douloureux, l'esprit embrumé, redoutant ce que le prince pourrait exiger de moi. Les rares moments de répit étaient empreints d'une angoisse constante, car je savais que ce n'était qu'une question de temps avant qu'il ne revienne avec une nouvelle demande ou un nouveau test.
Mais au-delà de la fatigue et de la terreur, quelque chose d'autre grandissait en moi, quelque chose de plus sombre : un désir de vengeance, une haine profonde pour cet homme qui jouait avec ma vie comme un chat avec une souris. Je rêvais du jour où je pourrais inverser les rôles, où ce serait lui qui se tiendrait devant moi, impuissant. C'était une pensée dangereuse, presque autant que la situation elle-même, mais elle m'aidait à tenir, à ne pas sombrer complètement dans la folie de cet enfermement psychologique et physique.
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Entre Ombre et Couronne
Fiksi RemajaHaydé, une jeune femme du peuple, se voit contrainte de remplacer son père au Palais Royal. En entrant dans l'univers fastueux mais impitoyable de la cour, elle rencontre le prince Ivan Leister, un homme connu pour sa dureté et son caractère glacial...