🐲 1321 – Année de l'ondine 🐲
Un soleil brûlant inondait la salle d'entraînement à travers les ouvertures immenses. Le courant d'air qui balayait la pièce ne faisait que réchauffer encore l'atmosphère déjà étouffante. Il en fallait plus pour décourager Calliope.
Malgré la transpiration qui collait la tunique de combat contre son corps, la farouche guerrière était déterminée à l'emporter sur son adversaire. En face, un jeune capitaine de cavalerie lui donnait du fil à retordre. Il avait été désigné volontaire pour mettre à l'épreuve la fille du régent ; si elle était capable de le battre, elle aurait l'honneur de diriger sa propre escouade à seulement seize ans.
L'armée avait été un choix de carrière naturel pour l'adolescente. Après tout, elle fréquentait les soldats de la garde impériale depuis sa naissance et avait probablement passé plus de temps en leur compagnie qu'avec son propre père, toujours accaparé par les affaires de l'état. Les entraînements martiaux lui avaient d'abord été imposés comme un moyen de canaliser son énergie trop anarchique pour une jeune fille de bonne famille, et puis elle y avait pris goût, trouvant dans les coups et les parades une sensation de liberté délicieuse.
Réticent au départ, Li-Peng s'était résolu à accepter cette passion un brin violente. Après tout, si Calliope y trouvait son bonheur et son épanouissement, il ne voyait pas de mal à s'en accommoder. Bien sûr, la jeune recrue partait avec un avantage non négligeable sur ses camarades de rang, mais les élans de favoritisme se firent toujours à son insu lorsqu'elle grimpait les échelons. On ne pouvait toutefois lui nier un réel talent au combat. Calliope se battait avec la férocité de celle qui n'envisage pas la défaite et l'inconscience de la jeunesse pour qui la mort n'est qu'un lointain concept.
Cet affrontement avec le capitaine Isidore durait depuis trop longtemps. Ils étaient à bout de souffle l'un comme l'autre. La combattante essuya son front poisseux d'un revers de main avant de reprendre une posture d'attaque réglementaire. Elle capta une lueur d'hésitation dans l'œil clair de l'officier et aggrava le trouble de celui-ci en lui envoyant une œillade provocante assortie d'un baiser. Le jeune homme n'eut pas le temps de déglutir qu'une furie se projeta contre ses jambes, l'entraînant dans une roulade chaotique à l'extrémité du tatami.
Assise à califourchon sur le perdant, Calliope pressa son avant-bras contre la gorge du malheureux et se pencha tout contre son visage cramoisi.
— Trop lent, Isi, le nargua-t-elle, espiègle.
Le maître d'arme, un vieil homme sec comme un arbre mort, à la chevelure grise aussi longue qu'un saule pleureur, s'avança pour interrompre l'élan de vantardise de son élève.
— Cela suffit, vous avez démontré votre supériorité, demoiselle Calliope.
Elle libéra aussitôt le capitaine embarrassé de se trouver en posture si inconvenante avec la fille du régent. Elle ne se retint pourtant pas de lui adresser un dernier clin d'œil polisson pour s'assurer qu'il n'oublie pas leur corps à corps de sitôt.
— Vous avez passé cette épreuve avec brio, félicita le maître d'arme. J'informerai votre père et les généraux que je vous estime apte à diriger une escouade à présent.
— Merci, sensei, je dois mon succès à vos précieux enseignements.
Elle s'inclina pour marquer le respect qu'elle portait à son maître. Le vieil homme se montrait dur, mais il avait su tirer le meilleur d'elle.
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Les Héritiers des Chimères
FantasiaDepuis des siècles, le trône de l'empire des chimères voit se succéder les descendants d'une même lignée. Ils tiennent leur légitimité des divinités qui, à chaque génération, désignent parmi eux leur Héritier, porteur d'un pouvoir surnaturel unique...