7 - L'unique priorité de l'empire (2/2)

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La flamme de la bougie venait de s'éteindre, noyée dans une flaque de cire fondue. Les ombres dansantes sur les murs s'évaporèrent, mais pas les cauchemars qu'elles avaient fait naître. Allongée dans son lit, Meï-Nuage sentait le poids de ses peurs peser sur sa poitrine. Une perle de transpiration dévala son front pâle. Sa peau était aussi brûlante que ses muscles lui paraissaient froids.

La nuit, les angoisses sont démultipliées ; les douleurs aussi. La princesse peinait à respirer. La fièvre et les migraines qu'elle endurait depuis dix jours ne participaient qu'à aggraver ces instants crépusculaires qu'elle redoutait depuis sa tendre enfance. Son guide à travers le tunnel de la nuit était la pensée qu'au matin les choses lui sembleraient moins insupportables, alors elle se carapaçonnait derrière un mur de déni en espérant que son supplice serait le plus bref possible. Demain, le soleil réchaufferait sa peau. Demain, elle aurait peut-être la chance de voir Calliope.

Soudain, un courant d'air sécha les sueurs froides sur le visage blême de l'adolescente. Elle frissonna. Une lueur scintilla près de la table de nuit et une nouvelle bougie fièrement dressée éclaira la chambre comme un petit phare perdu dans un espace trop vaste. La lumière chaude caressa le visage souriant de Calliope.

— Surprise, petit nuage.

Meï était trop faible pour se redresser et enlacer son amie. Elle se contenta de serrer sa main posée sur les couvertures.

— Tu es encore entrée par la fenêtre ? reprocha-t-elle d'une voix soucieuse.

— T'inquiètes pas, je connais par cœur le rythme des tours de garde.

— Ce n'est pas pour les gardes que je m'inquiète, tu le sais très bien. C'est dangereux de grimper sur la façade du palais. Je ne veux pas te retrouver écrasée dans la cour au petit matin.

Calliope retira ses bottes avant de se glisser sous les draps. Elle emprisonna la princesse entre ses bras pour la faire profiter de sa chaleur.

— Je suis un vrai petit singe, arrête de t'inquiéter pour rien.

Meï abdiqua et se pelotonna contre son amie. Leurs rencontres étaient rares ; tout au plus parvenaient-elles à se voir une heure ou deux dans la semaine ; cela n'en rendait ces moments que plus précieux. Cependant, la récente maladie de la princesse confirmait l'adage prétendant qu'à tout malheur quelque chose est bon. Depuis qu'elle était souffrante, elle occupait seule la chambre qu'elle partageait d'habitude avec Meï-Satin, la plus coquette et sophistiquée de ses sœurs. Ces occasions de retrouver plus souvent Calliope étaient de véritables bouffées d'oxygène dans un quotidien étouffant. Prisonnière du carcan impérial en vue d'un rôle qu'elle n'occuperait probablement jamais, mais néanmoins soumise à autant de règles figées dans une stricte tradition millénaire.

— Comment tu vas aujourd'hui, mieux ? se soucia Calliope, le menton posé contre le front de la malade.

— L'équipe du médecin impérial est repartie déçue. Ils espéraient une rémission miraculeuse, au lieu de quoi mon système immunitaire semble particulièrement paresseux.

— Mais tu vas guérir ?

Inquiète, la soldate recula la tête pour mieux sonder le regard de son amie souffrante.

— Ils disent que la guérison tarde parce que mon organisme est affaibli. Je mange trop peu et ma volonté de vivre ne serait pas assez forte...

A ces paroles, Calliope se redressa d'un bond outré.

— Arrête de dire des choses comme ça ! s'offusqua-t-elle. Tu m'as promis de t'accrocher, j'ai besoin de toi moi aussi.

— Je sais, et je fais de mon mieux pour tenir bon, mais ce n'est pas qu'une question de volonté, tu dois le comprendre.

Les Héritiers des ChimèresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant