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21 - Psychologie

Contrairement à mes attentes, la psychologue du lycée n'est pas une vieille femme fripée et acariâtre. J'imaginais une sorte de crapaud austère, les lèvres coincées dans une moue de dégoût. En réalité, elle est particulièrement jeune et ne doit pas dépasser les vingt-cinq ans. Sa beauté m'étonne immédiatement. Elle porte une jupe et un tailleur qui la font plus ressembler à une business woman de banque d'affaire qu'à une employée d'école. 

Elle me désigne un fauteuil avant de s'assoir derrière son bureau en croisant les jambes. Il n'y a pas de divan pour m'étaler, comme dans les films et les séries, mais le fauteuil est déjà suffisamment moelleux pour que l'envie d'y faire une sieste s'impose instantanément. Sauf que dormir dans une entrevue où il est question de prouver que je ne suis pas fatiguée ne me semble pas être un plan particulièrement intelligente. 

— Alors Zoé, comment tu vas ? Il paraît que tu manques de concentration en classe, c'est ça ? Est-ce que tu peux m'en dire plus ? 

— Les profs s'inquiètent parce que je suis un peu fatiguée, mais honnêtement, ils font beaucoup de bruit pour pas grand chose. J'ai d'excellente note et je pense pas que le reste devrait les concerner. 

— Pourquoi est-ce que tu es fatiguée ? Tu fais des insomnies ? 

— Non. C'est simplement que je n'ai pas le temps de dormir. 

— Tout le monde a la même quantité de temps. Si le reste des élèves trouve le temps de dormir, tu devrais pouvoir t'en sortir aussi. Qu'est-ce qui, selon toi, a plus d'importance que ton sommeil ? 

— C'est que je suis dans l'équipe de foot du lycée, et je m'entraîne pas mal sur ça. Et puis je bosse plus dur que la plupart des autres élèves, honnêtement. 

— Pourquoi tu penses que tu travailles plus que tes camarades ? Tu as plus de difficultés, c'est ça ? J'ai vu dans ton dossier que tu venais d'un lycée difficile. La différence d'environnement te pèse ? 

Je me raidis sur mon fauteuil. Derrière sa bouille d'ange et son sourire accueillant, elle finit par me faire la même remarque méprisante que les autres : je ne serais pas à la hauteur parce que je ne suis pas issue du même milieu que le reste des élèves. Cette séance de psychologie est déjà vouée à l'échec. 

— Non, ça n'a rien à voir. Si vous aviez bien regardé mon dossier, vous auriez vu que je suis parmi les meilleures élèves de ma classe.

— J'ai remarqué ça, ne t'inquiètes pas. Il ne faut pas que tu te braques, je ne suis pas là pour te juger, simplement pour comprendre. C'était justement ça le sens de ma question : pourquoi est-ce que tu ressens le besoin d'être parmi les meilleures de ta classe ? Si tu travailles autant, pourquoi ne pas relâcher la pression et perdre quelques places au classement. 

— Parce qu'ensuite, vous et les profs, vous pourrez dire que vous aviez raison quand vous disiez que j'étais moins douée parce que je venais d'un mauvais lycée. 

— Personne n'a dit ça Zoé. Mais donc, si je reformule, tu veux être la meilleure pour prouver que même si tu es issue d'un milieu difficile, tu ne vaux pas moins que les autres ? C'est ça ? 

— Non c'est... Je... Enfin c'est surtout que j'ai envie d'avoir une bonne école, ensuite. De faire des études. Et j'ai besoin de bonnes notes pour ça. 

— Quelle école est-ce que tu veux faire ? 

— Je sais pas encore. Mais justement, je veux garder la possibilité de choisir quand il faudra, j'ai pas envie de me fermer les portes en ayant une moyenne qui m'empêche de faire ce que je veux. 

— Mais tu as au moins une idée de la filière ? Tu as beau avoir de plutôt bonnes notes dans toutes les matières, tu peux avoir une préférence pour la littérature, ou les sciences par exemple ? Ou le sport, d'ailleurs ?