2 - Ablutions

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Je me dépêche d'éteindre mon réveil avant que Célia ne sorte du sommeil. J'enfile ma tenue de sport le plus silencieusement possible, tout en ayant l'impression que le moindre de mes gestes pourrait la réveiller. L'internat dort encore : les couloirs sont vides et le soleil levant projette ses teintes orangées à travers les fenêtres. 

Courir le matin,  dans la solitude de l'aube, est très probablement mon activité préférée. On ne croise personne, sinon les quelques sportifs suffisamment motivés pour eux-aussi quitter leur lit aux aurores. On se reconnaît entre nous, on se salue, réciproquement fiers d'avoir sacrifié notre nuit au profit de cette activité matinale. Un album dans les oreilles, je découvre les environs du lycée, la nature, les ruelles commerçantes. Je me sens libre. Je me laisse porter par une suite de gestes que je maitrise à la perfection, le sentiment que mon corps m'obéis, que mes jambes savent exactement ce qu'il faut faire, que l'effort n'en est pas un. Et puis, à la fin, je profite de la libération d'endorphine provoquée par l'exercice terminé en m'étirant. 

De retour dans la chambre, Célia dort encore. Je récupère une serviette, de quoi me laver, et je m'aventure dans la salle de bain commune en m'imaginant naïvement que l'heure avancée suffira à m'offrir la solitude. Malheureusement, les trois cabines sont déjà occupées, et trois autre filles attendent leur tour. Les deux premières portent un t-shirt large et un short en toile. La troisième, que je reconnais d'hier soir, est couverte par un pyjama complet, pantalon et chemise de nuit assortis d'un même bleu pâle. J'essaie de me remémorer son nom, Célia me l'avait présentée avant que l'irruption de Lola ne fasse disparaître toute ma capacité d'attention : elle s'appelle Manon. 

— Y'a la queue comme ça tous les matins ? demandé-je. 

— Ouaip. Enfin les jours de cours c'est encore pire, parce que tout le monde se lève au même moment. 

— On attend combien de temps en moyenne ? 

— Ça peut prendre jusqu'à vingt minutes, parfois... S'il y a plus de cinq personnes qui attendent, en général je me tire. 

— Vingt minutes ??? T'es pas sérieuse ? 

Elle fait "si" de la tête en affichant une moue compatissante. Une fille sort d'une des douches, une serviette enroulée autour du corps et une autre autour des cheveux. Sa place est immédiatement récupérée. Plus que deux avant moi. 

— Bienvenue en internat. 

— Et personne a pensé à faire un programme, un truc pour s'organiser où chacun choisirait des créneaux horaires ? 

— Si, mais personne ne les respecte. Tu crois quand même que des lycéennes vont accepter de retarder l'heure de la douche parce qu'un petit bout de papier leur a demandé !

Je baisse les bras. Encore transpirante dans ma tenue de sport, j'ai l'impression d'être soumise à une forme intensive de torture. Je ressens une haine croissante pour les filles en train de se laver, qui prennent visiblement tout leur temps sans préoccupation pour la queue qui s'allonge. 

— T'es sortie faire du sport ? Tu cours ? me demande Manon pour relancer la discussion. 

— Ouaip. 

— Tu vas faire ça comme sport obligatoire ? 

— Je sais pas trop. Peut-être, faudra que je regarde ce qui est dispo. Pour l'instant, tout ce que je sais, c'est qu'il faut éviter le foot à tout prix.  

Un sourire complice traverse le visage de Manon, tandis qu'une autre fille quitte sa douche. Je suis désormais la seconde dans la queue, mais la file d'attente s'est rallongée de trois autres filles supplémentaires qui regardent les cabines avec une détresse impatiente. 

Dans la même équipe [girlxgirl]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant