Dans la même équipe [girlxgirl]

4 - Le choix

Dans ma chambre, je dois subir le débriefing de Célia sur sa journée. Elle me raconte tous les événements un par un, me récite presque au mot près le discours de son professeur principal, me cite la liste des noms de tous les élèves de sa classe. C'est un avant-goût de l'enfer. Soudain, au milieu de la mêlasses de mots sans intérêt qui s'échappent de sa bouche, une phrase me fait tiquer :

— D'ailleurs, pour le sport, j'ai décidé de tenter la course. À force de te voir y aller tous les matins, ça m'a motivée !

— Attend, quoi ??? 

Je ne vais quand même pas devoir subir ses babillages durant mes quatre heures de sport hebdomadaires, en plus du reste ? À ce stade, je suis à deux doigts d'aller voir l'administration pour demander à ce qu'on réorganise les chambres. Je suis même prête à me retrouver dans l'aile des garçons si je peux avoir droit au silence. Enfin peut-être pas, mais presque... 

— Ouaip, je vais demander la course ! Toi aussi, c'est ça ? Ça serait cool qu'on soit ensemble. Même si je pense que je vais être nulle au départ. Mais tu pourras m'apprendre, pas vrai ? 

— Je... euh... Je... En fait ça va pas être possible, parce que... Je prends pas la course. 

Sa surprise laisse d'abord planer un silence. Mais comme souvent avec Célia, le calme ne dure pas. 

— Ah bon ? Pourquoi ? J'avais compris que t'avais décidé de prendre ça, moi. Tu vas faire quoi à la place ? 

Aucune idée. Mais il me faut bien une réponse, alors je choisis le premier sport qui me passe par la tête, et le seul dont je sais que Célia n'osera jamais le choisir :

— Je vais prendre le... le foot. 

— Mais non ??? Mais c'est horrible ! On en avait parlé ! La capitaine est folle ! J'ai plein d'amies qui en ont fait des crises d'angoisse. C'est sérieux, hein ! Tu me fais marcher, c'est ça ? 

— Non je... Je voulais tester. On a un mois pour changer, de toute façon, non ? 

— Oui mais là, franchement, c'est chaud. À ta place, franchement, je prendrais autre chose. T'es sûre que tu veux pas faire la course ? Ça serait trop bien ! On pourrait s'entrainer ensemble !! 

— Je cours déjà très bien toute seule, j'ai pas besoin de le faire en classe. 

— Oui mais là ce serait ensemble, c'est pour qu'on se voit un peu plus, et puis ça... 

— Célia ! Je prends le foot. Ok ? Je peux choisir pour moi, non ? 

Elle s'arrête net. Je m'en veux un peu d'avoir pris un ton agressif, mais cette fille a un don pour aspirer mon énergie et mon temps. Être en sa présence, c'est faire face à un vortex qui me vide de toute sensation de contrôle, je me retrouve juste dans un état de fatigue intense, piégée jusqu'à ce qu'elle décide de se taire, parce que quoi que je fasse, ce n'est pas moi qui mettrai un terme à ses monologues.

Le lendemain, en classe à côté de Manon, je réfléchis à nouveau à mon choix. Je suis probablement en train de faire une connerie. Profitant qu'un élève passe au tableau pour faire une exercice, je lui demande à voix-basse :

— Je peux te pose une question ? 

— Vas-y. 

— Est-ce que tu penses que je suis suicidaire si je prends le foot en sport, finalement ? 

— J'en étais sûre ! T'es sadomaso en fait !!

— Non, je voulais prendre la course, mais Célia y va, donc j'ai pas le choix.