5 - Sélection

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[POINT DE VUE DE CAMILLE]


— On va faire quelques tours de terrain pour s'entrainer. C'est parti ! 

La capitaine nous regarde quitter le groupe une par une pour commencer à courir autour du terrain. Pendant ce temps, les joueuses qui ont décidé d'abandonner son encore en train de se faire des passes maladroites. Elles nous regardent passer avec un mélange d'admiration et de pitié. 

Elles savent qu'on a décidé d'en chier. 

La capitaine n'a pas bougé. Elle a sorti un chronomètre et nous reproche de ne pas aller assez vite. Il y a trente secondes, elle parlait d'échauffement, mais elle est en train de sous-entendre qu'on fait la course. J'aurais bien envoyé un coup de poing dans sa tête de petit tyran, mais l'administration risquerait de ne pas apprécier. Alors je cours comme une conne docile. 

J'ai beau être dans le peloton de tête, il y a une fille qui nous met la misère. Une blonde qui trace à plusieurs dizaines de mètres devant tout le monde. Elle ne court même plus, elle vole. Elle nous nargue en nous montrant son dos qui fonce à toute allure, la foulée parfaite de ses jambes bronzées. Je suis quatrième mais l'observer me donne l'impression d'être dernière. 

— Aller, on se bouge le cul là ! Vous être lycéennes ou retraitées ? 

La capitaine se fout de notre gueule en plus. De temps en temps, elle se passe la main dans les cheveux pour dégager les innombrables mèches qui tombent de son chignon. Elle est même pas foutue de se coiffer correctement et elle voudrait nous diriger. Une fille chuchote, entre deux respirations :

— Elle se prend pour qui cette meuf en fait ? 

J'approuve :

— Grave. Genre, calme-toi. T'es capitaine d'une équipe de lycée, t'as pas monté l'Everest en fait. 

Les filles autour de moi se marrent. Avec un peu de chance, on va monter une rébellion ensemble. Il est hors de question que je passe l'année à écouter cette conne me parler comme ça. J'aurais bien continué à l'insulter, mais je préfère garder ma respiration pour la course. Je sens déjà que mon corps voudrait arrêter. Et pendant ce temps, la blonde continue de galoper comme si de rien n'était. 

J'entends la voix de la capitaine dans mon dos :

— Bah alors, déjà épuisée ? 

Je me retourne rapidement pour voir qu'une fille a abandonné. Elle s'est assise sur le sol pour reprendre son souffle. La pauvre meuf. La capitaine est en train de se foutre de sa gueule. 

— Si vous pouvez pas courir dix minutes sans mourir, il faut pas faire de football, hein. Ça dure combien de temps, un match ? 

D'abord, personne ne répond. On est trop concentrées sur notre foulée. Mais la capitaine réitère :

— Vous avez perdu l'audition ? Ça dure combien de temps, un match de foot ? Je vous parle, hein !

Quelques filles répondent à mi-voix "90 minutes". 

— Hé ? J'ai posé une question à tout le monde, là. 

Dans la même équipe [girlxgirl]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant