Dans la même équipe [girlxgirl]

11 - Migraine

J'ai la tête en bouillie. Et le corps aussi. La souffrance à l'état pure. Le cerveau comme transpercé par du verre brisé. Je ne suis plus au contrôle. Comme si j'étais morte et que je me retrouvais coincée dans mon enveloppe charnelle sans pouvoir en faire usage. Je suis là, et en même temps, je suis absente. 

Lentement, très lentement, la douleur s'estompe. Je réalise que je ne suis pas dans ma chambre. Je ne suis même pas au lycée. À la place de Célia dans le lit du dessus, il y a quelqu'un collé contre moi. Nos jambes sont entremêlées. Sa peau est douce. J'entends sa respiration. 

Mon cerveau refuse de me dire où je suis. Ni même avec qui je suis. J'arrive à peine à ouvrir les yeux. Dès que je soulève les paupières, une violente migraine doublée d'une envie de vomir m'intime d'abandonner tout effort. J'essaie de me souvenir d'hier soir mais rien ne me vient. Alors je remonte plus loin, le plus loin que je me souvienne. 

Le trajet en bus. Le match de foot. Mon but à la dernière minute. Le baiser de Lola. 

Le baiser de Lola. 

Est-ce que je suis avec elle ? Est-ce qu'on a dormi dans le même lit ? Ce serait surréaliste. L'angoisse monte à l'idée de croiser son regard en me réveillant. Mais ça ne peut pas être elle. Le corps collé contre le miens est moins imposant. Je continue à réfléchir. 

Le baiser de Lola. Le retour dans la chambre. Le maquillage. La soirée. 

Je me souviens que les filles m'ont félicitée en arrivant. Après, les événements me reviennent par flash, dans une brume non chronologique. Un ballon de foot. Beaucoup d'alcool. Mon soutien-gorge qui traine par terre. Putain, est-ce que j'ai été assez bourrée pour me foutre à poil devant tout le monde ? Je me suis ridiculisée à ce point ? 

Et puis, un baiser. 

Mais pas avec Lola. 

La chaleur des lèvres de Camille me revient. Elle est nue elle-aussi quand elle m'embrasse. On aurait couché ensemble ? Je viens d'avoir ma première fois et je ne m'en souviens pas ? Je continuer de fouiller dans ma mémoire, mais impossible de retrouver ce qui se passe après ce baiser. J'ignore même s'il m'a plu. 

Consciente que je suis en train de retrouver un peu d'énergie, j'ouvre les yeux à nouveau. C'est bien Camille qui est blottie contre moi. Une de ses jambes est passée par dessus ma hanche. Son souffle s'abat sur mon épaule. Elle porte l'uniforme de l'équipe de foot. Je trouve ça étrange, jusqu'à ce que je me rende compte que moi aussi. 

Ça n'a aucun sens... 

Au moins, je suis à peu près certaine qu'on n'a pas couché ensemble. Sinon, on ne se serait pas rhabillée pour mettre ce maillot ensuite. Alors qu'est-ce qui s'est passé ? Le mal de tête ne part pas, il s'impose dans la durée comme le voile de brume qui obstrue ma mémoire. 

J'ai l'impression d'avoir perdu des neurones et d'être incapable de les récupérer. Est-ce que je serai lente toute ma vie, est-ce que j'ai démoli mon esprit ? Ma mère n'arrêtait pas de me répéter de ne pas trop boire. C'était donc pour ça ? Pour éviter de ravager ma tête. Elle va tellement m'en vouloir quand elle va découvrir que je suis devenue complètement stupide. 

Camille se réveille dans un grognement. Elle n'a pas l'air dans un bien meilleur état que moi. Ses sourcils sont froncés et sa bouche se plie pour marquer sa douleur. Elle peine à ouvrir les yeux. Quand ses paupières arrivent enfin à se soulever au prix d'un effort qui semble surhumain, elle s'essaie à un sourire maladroit. 

— Ça va ? 

— Pas trop. Et toi ? 

— Pas du tout.