3 - Rentrée

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Les jours qui me séparent de la rentrée s'écoulent avec une lenteur flottante. J'ai l'impression d'être coincée dans une bulle de monotonie, voguant des séances de course solitaire le matin aux mêmes files d'attentes devant la douche, pour terminer chaque journée dans la cuisine collective, à écouter d'une oreille distraite des discussions dans lesquelles je ne me sens pas engagée. 

La librairie est devenue un refuge. Je mentirai si je disais que j'y vais exclusivement pour lire des romans. Si je m'y échappe à une telle fréquence, c'est d'abord parce qu'en vertu d'une règle ancestrale, tous ses occupants ont accepté que le silence y était roi. Personne pour venir m'interpeller, pas de Célia pour me partager la somme de ses interrogations. Rien que moi, mon téléphone, mes livres et mes pensées. La douceur de l'isolement. 

De temps à autre, je tombe sur Manon dans un couloir. On échange quelques blagues et j'essaie de me faire bien voir, parce que c'est à peu près la seule personne avec qui j'ai eu l'occasion d'échanger en face à face. Je ne suis même pas sûre que le reste des filles du lycée aient retenu mon nom. 

À part Célia. Mais Célia m'épuise. 

J'ai souvent l'impression d'errer sans but. Parfois je croise des garçons. Même si nous habitons dans deux ailes distinctes de l'établissement, on se retrouve dans la bibliothèque, ou dans le hall pour sortir. C'est étrange. Le fait que mon étage soit peuplé exclusivement de filles me donne presque l'impression de vivre dans un espace non-mixte, et l'apparition d'hommes a quelque chose de quasiment surnaturel. On s'observe avec méfiance ou envie, suivant les cas. On ne se dit rien. On attend la rentrée pour faire semblant de se découvrir pour la première fois. 

Et la rentrée arrive. 

Soudain, le lycée se réveille. Les internes qui passaient la majeur partie de leurs journées à l'intérieur de leurs chambre se retrouvent dans la cour. Les externes, qui ont la chance de profiter d'un logement parental à proximité, nous gratifient enfin de leur présence. Ceux qui étaient déjà là l'année dernière retrouvent leurs amis. Les autres, comme moi, restent proches de ceux qu'ils ont rencontré la semaine dernière. 

Dans le vacarme de la cour de récréation, les lycéens se bousculent pour regarder les fiches sur lesquelles sont indiquées les répartitions de classes. Il y a des exclamations de joies et des moues déçues. Je sens une montée d'adrénaline en cherchant mon nom, et un intense soulagement lorsque je découvre que je suis dans la même classe que Manon. Au moins, je ne serai pas totalement seule. 

Un vieux professeur nous emmène dans une classe pour nous présenter l'année. Il nous encourage à travailler dur, nous fourni nos emplois du temps, nous met en garde contre la tricherie... Le discours habituel. 

— Vous avez tous des créneaux libres de 16h30 à 18h30 chaque jour. Ne vous réjouissez pas trop vite : il va falloir choisir un sport qui représentera, pour chacun, quatre heure par semaine divisé en deux séances de fin d'après-midi. Vous avez jusqu'à la fin de la semaine pour nous donner votre décision. Je fais passer dans les rangs la liste des options. 

Une pile de feuille de papiers passe de table en table jusqu'à atteindre ma place. Je partage ce qu'il reste avec l'élève derrière moi avant d'analyser les choix qui s'offrent à moi. Il y a littéralement de tout : Basket, Course, Danse, Escalade, Football, Pom-Pom Girls, Musculation, Handball... Des dizaines de catégories se succèdent, à tel point que je me demande comment ils font pour avoir suffisamment de candidats pour chaque option. 

À la pause déjeuner, Manon m'accompagne vers la cantine. Elle a déjà eu certains des profs l'année dernière et me confie son expérience sur ceux qui sont horribles et ceux qu'on a de la chance d'avoir. Puis, finalement, la fameuse question arrive : 

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