Chapitre 39

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       Cheikh Ahmadou Bamba Ndiaye

J'ouvris lentement les yeux, mes paupières lourdes comme des voiles, et mon regard, flou et incertain, s'attarda sur l'endroit où je me trouvais allongé. Le plafond blanc et aseptisé, les murs d'un beige terne, tout autour de moi respirait la froideur clinique d'une chambre d'hôpital. Le bourdonnement lointain des machines médicales se mêlait aux murmures étouffés de voix que je peinais à distinguer. Une odeur âcre de désinfectant imprégnait l'air, rendant l'atmosphère presque oppressante.

En balayant lentement la pièce du regard, je finis par apercevoir ma mère, debout de dos, sa silhouette tendue, face à ma sœur Oumou, qui parlait doucement au téléphone.

Lorsque ma sœur raccrocha, la voix inquiète de ma mère brisa le silence : Que se passe-t-il, Oumou ? Qu'est-il arrivé à Sadibou ?

Je vis Oumou prendre une profonde inspiration, comme pour se donner du courage, puis, avec une expression soucieuse, elle répondit : Sadibou va bien, maman. C'est Khalil... Je n'ai pas tout compris, mais il semble qu'il lui soit arrivé quelque chose de grave. Je dois partir, maman, préviens-moi s'il y a du nouveau...

Je la regardai attraper son sac, prête à partir, lorsque soudain, les souvenirs déferlèrent dans mon esprit, violents, brûlants, comme un volcan en pleine éruption. Les images, les sons, les sensations, tout revint en un torrent incontrôlable, me laissant étourdi, à la merci de cette réalité brutale qui venait de m'être imposée.
Je revis chaque instant de mon enlèvement, les visages impitoyables de mes assaillants, l'obscurité oppressante de l'endroit où ils m'avaient conduit. Les hommes que j'y avais retrouvés, parmi eux, Assane... et puis lui...

Lorsque ces souvenirs refirent surface, comme un coup de poignard, je me mis à trembler violemment. Une terreur monta en moi, et d'une voix brisée, j'appelai ma mère, ma gorge serrée par l'angoisse : Maman... maman, où est papa ? Maman, dis-moi où est mon père !

Mon cri, chargé de douleur et de désespoir, fit sursauter ma mère et ma sœur. Elles se précipitèrent vers moi, le soulagement peignant leurs visages de larmes. Ma mère, les mains tremblantes, murmura des prières, la voix étranglée par l'émotion : Alhamdoulilah ! Alhamdoulilah !

Oumou, la gorge serrée, me serra contre elle, couvrant mon visage de baisers rapides et fiévreux. Mais leurs gestes, leurs mots, tout cela semblait lointain, flou, comme étouffé par le tumulte de mes pensées. J'avais besoin de savoir, maintenant, tout de suite :  Où est papa ?

demandai-je à nouveau, la voix tremblante, les yeux accrochés à ceux de ma mère qui, désemparée, me regardait avec une incompréhension totale.

Oumou, inquiète, lança un regard furtif à notre mère avant de se diriger vers la porte : Je crois qu'il est encore sous le choc, je vais appeler le médecin tout de suite !

Son mouvement brusque me fit réagir. Rassemblant mes forces, je criai : NON !

La fermeté de ma voix résonna dans la pièce, écho de ma détresse. Je tentai de me lever, de toutes mes forces, mais la faiblesse envahissante de mon corps me trahit. Mes muscles tremblaient, et je me sentis retomber, épuisé. Ma mère, les yeux embués, posa doucement ses mains sur mes épaules pour me maintenir allongé : S'il te plaît, ne force pas, tu es encore trop faible...

Sa voix était douce, mais marquée par une inquiétude profonde, comme si elle redoutait la réponse à ma question autant que moi.

Tout doucement, je les regarde tour à tour, cherchant dans leurs yeux un soutien que je sais nécessaire pour ce que je m'apprête à révéler. Je prends une profonde inspiration, essayant de calmer les battements affolés de mon cœur, puis je me tourne vers ma sœur : Oumou, tu devrais t'asseoir, s'il te plaît... je... je dois vous raconter quelque chose...

HANTISEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant