Ana savait pertinemment qu'elle devait descendre.
Mais c'était hors de question.
Cela faisait maintenant six semaines qu'elle était rentrée de la forêt.
Six semaines qu'elle n'arrivait plus à se concentrer en classe.
Inlassablement, la dernière question de Dlyss avant leur départ tournait dans sa tête. Comment savoir qui détenait la vérité ? La jeune princesse avait questionné la grande prêtresse au sujet d'Ildyl. Elle avait prétendu n'en avoir jamais entendu parler. Ana doutait fort de sa sincérité, pourtant elle plaçait en cette elfe toute sa confiance. Ildyl devait être le symbole d'un grand secret chez les elfes...
Aussi elle avait écrit à Syl. Elle avait entendu son rire en lisant sa réponse :
"Les elfes détestent Ildyl car son existence indiquerait que le Créateur est capable de commettre des erreurs."
Ce fait bouleverserait en effet toutes leurs croyances. Syl lui avait expliqué que chez les Forester, la religion n'était pas obligatoire, et qu'Ildyl était plus respectée que le panthéon lui-même.
Que chaque peuple avait choisi ses propres croyances.
Que tous les individus étaient complètement libres à ce sujet.
Ana trouvait cela intéressant. Après tout, personne n'avait jamais eu la moindre preuve de l'existence de ces dieux, il était compréhensible d'en douter. Et pourquoi accorder aux religieux la charge de l'éducation des plus jeunes s'ils sont si ignorants ?
Elle avait interrogé Belos. Il l'avait fixé, de son regard si perturbant... Il lui avait déclaré que tout cela était sans nul doute bien plus une construction de société qu'une question de vérité. Elle n'avait pas très bien compris ce qu'il voulait dire, mais il ne l'avait pas laissé insister.
Belos paraissait bouleversé depuis leur retour. Elle avait essayé de comprendre à quel sujet, mais il était muet chaque fois qu'elle l'abordait pour autre chose que des banalités. Pourtant, son corps tout entier s'exprimait avec une intensité sans pareil. Elle parvenait à lire en lui avec une clarté imbattable. Même Dlyss ne semblait pas tant le comprendre.
Et Ana était persuadée qu'il la laissait faire.
"Je crois en ton potentiel Ana. Tu es seulement trop protégée pour l'exploiter pleinement."
Traduction : je suis en désaccord avec le comportement de ta tante qui te prive du monde et prive le monde de ton pouvoir.
Ana était maintenant persuadée d'être puissante. Puissante, mais différente. Elle n'avait jamais développé sa magie car ceux d'ici n'étaient prêts à enseigner qu'à des magiciens elfiques. Et si son pouvoir penchait en faveur du peuple rouge, celui de son père ? Elle pourrait ne jamais le détecter.
Plus le temps passait et moins Ana désirait visiter Alböktàs des Mär ou autre confins du royaume de sa tante. Elle était plus proche des humains, sa rencontre avec Syl lui en avait donné la certitude. Elle avait besoin qu'on la comprenne. Elle avait besoin de se rendre de l'autre côté de la forêt. Mais à peine avait-elle énoncé l'éventualité d'un tel voyage qu'Edlyfia s'était mise à hurler. Jamais elle n'avait semblé si furieuse, même si son sang la forçait à demeurer d'un calme relatif. Cela avait tout de même terrifié toute la cour.
Ana s'était réfugiée dans les bras de sa meilleure amie qui avait tenté de la rassurer :
"Tu iras Ana... Tu iras... Je t'aiderai, on trouvera un moyen..."
Syl lui avait expliqué qu'Edlyfia payait les Forester pour bloquer les Skvàlvàs à la frontière s'ils se présentaient sans autorisation de la reine. Elle privait sa nièce de son père, et Ana trouvait cela d'une injustice sans nom et indigne d'une souveraine. Lorsqu'elle lui avait répété cette révélation, Belos n'avait rien rétorqué, mais elle l'avait vu partir avec Egdal Syrcan, le chef dragonnier héritier de sa mère. Il avait par la suite paru hautement perturbé durant de nombreux jours. Plus encore qu'à l'accoutumé.
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Le cycle du Früshtà : Genèse des légendes
FantasyDeux destins opposés liés à jamais par une guerre millénaire... Il est parfois des conflits existants depuis la nuit des temps. Il en va ainsi pour la terrible guerre déchirant le Früshtà. Deux nations, deux camps, deux enfants, deux espoirs. Jack...