Le cycle du Früshtà : Genèse des légendes

12.3. Le brasier : Jack

Un mois... Ce gamin ne sera jamais prêt. Regard à Leïla.

Etait-ce là son plan ? Précipiter les choses pour se débarrasser de celui qui gênait ses ambitions ?

Non, elle était trop dévouée à l'empereur. Et elle aussi semblait grandement perturbée. Nul doute que Hans avait accéléré ses plans pour réparer le plus rapidement possible l'accroc à son autorité que Martin avait fait.

"Maintenant que cette bonne nouvelle est annoncée, je vous laisse profiter de la fête."

Il fit signe aux serviteurs d'apaiser le brasier. Bien vite, une gigantesque table fut dressée. C'était la tradition d'user des dernières flammes pour cuire la viande du festin. Tristan n'avait jamais apprécié cela. Il trouvait que cela accordait un goût de fumée beaucoup trop prononcé. Mais la bonne nouvelle était que cela lui permettait d'enfin quitter son siège. Il abandonna là son petit frère et ses préoccupations pour enfin se dégourdir les jambes.

Ses pas le guidèrent comme par hasard dans la direction de la Dazarys qu'il avait repérée plus tôt dans la soirée.

"Bonjour."

Elle plongea sur lui son regard du noir le plus sombre. Un regard qu'il n'avait jamais trouvé aussi envoûtant. Il se tût un instant, perturbé. Elle sourit. Pas d'un sourire de joie, plus d'une colère qu'elle avait perdu l'habitude d'afficher.

"Que me voulez-vous monsieur le Prince ?"

Il fut surpris de cette brusquerie.

"Pourquoi me parler sur ce ton ?

-Parce que je commence à vous connaître, vous et les autres de la haute. Vous estimez que je suis enfin arrivée à un âge intéressant et d'un coup vous me traitez différemment."

Elle tremblait en prononçant ces mots.

"Vous vous trompez. J'ai juste conservé de bons souvenirs de nos enfances que je souhaitais retrouver."

-Nous ne sommes plus des enfants...

-Je le sais fort bien." reprit-il un peu plus froidement.

Elle le dévisagea avec une expression plus conciliante.

"Je ne veux pas dire que votre vie est facile seigneur. Simplement que je ne souhaite pas devenir un objet de distraction pour vos fantaisies."

Tristan était sur le point de lui répondre lorsque l'homme qui l'avait intrigué peu de temps auparavant s'approcha.

"Eh bien Nora, j'ignorais que tu avais des amis si haut placés...

- Nous ne nous sommes pas vus depuis des années." se justifia-t-elle.

Elle fixait le sol. Le visage de Tristan se durcit.

"De toutes évidences monsieur, vous me connaissez, mais en ce qui me concerne j'ignore votre identité.

-Il est bien normal qu'un Prince tel que vous n'ait guère de temps à perdre à s'instruire du nom d'un pauvre être tel que moi.

-Il m'intéresse pourtant. assura Tristan à qui l'inconnu commençait déjà à taper sur les nerfs.

-Je suis Sebastian, le protégé du dresseur.

-J'ignorais qu'il avait pris de nouvel espoir sous son aile.

-Il m'a simplement pris en affection. Il me loge et me nourris et en échange je tiens sa maison en ordre et l'aide à garder un œil sur la progéniture dont il a la charge.

-J'ai vingt-trois ans... grinça Nora.

-Mais tu dépends encore de la bienveillance du maître.

-Nora est pupille de la Nation. Elle ne dépend pas du maître mais de l'empereur. Votre maître n'est là que pour assurer son éducation. Je vous prie donc de montrer à madame un peu plus de respect."