12.1. Le brasier : Jack

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Jack fixait le brasier. C'était la première fois qu'il assistait à ce spectacle. Des prisonniers Nayakas, pour la plupart. Quelques traîtres aussi. Pour la majorité, ils étaient déjà morts.

Les autres hurlaient de douleur.

Cette démonstration mettait le garçon un peu mal à l'aise, mais il n'osait pas en toucher le moindre mot à son père. Ce dernier lui avait accordé le siège à sa gauche, l'un des plus puissants symboles de confiance que l'empereur pouvait conférer à un individu quel qu'il soit. A sa droite se trouvait Barton, et encore à la droite de celui-ci, Leïla. Brice était évidemment près d'elle, Tristan quant à lui prenait place auprès de leur plus jeune frère.

Et comme toujours depuis des mois, Wendy et Amanda manquaient à l'appel.

Pour une fois, Jack parvenait à ne pas penser à cette dernière. Il se sentait bien trop enorgueilli par l'immense honneur qui lui était accordé pour se soucier du bien-être de qui que ce soit. Il surplombait la cour toute entière, et y prenait un malin plaisir.

Mais le feu le dérangeait... Lui piquait le nez... Et une odeur étouffante avait depuis longtemps déjà envahi la pièce, le prenant à la gorge. Il retenait de plus en plus difficilement son envie de tousser. Il clignait frénétiquement des yeux, essayant d'empêcher les particules de cendres d'atteindre le dessous de ses paupières. Sans grand succès... Il sentait la brûlure oculaire s'intensifier. S'il avait pu se voir dans le miroir, il se serait sûrement pris pour un fou.

Il aurait finalement préféré se trouver à la Cité d'Argent, au-dessus du port, où il avait pourtant cru que le froid allait le priver de ses membres. Il songea à tous ceux qui n'avaient pas la chance de se trouver sur l'estrade mais dans la fosse. La chaleur y était sans doute insoutenable...

Il se permit de se gratter la joue. Une intense poussière noire avait recouvert son doigt, s'incrustant sous son ongle. Des os calcinés avaient sans doute participé à sa formation. Jack trouva cette pensée à la fois glorieuse et écœurante.

Une nausée le saisit et un spasme contracta son corps tout entier. Il avait chaud, mais il ne contenait plus assez d'eau pour transpirer. Il songea à ceux qui rencontraient la mort au cœur des flammes. A quel moment précis leurs jours se terminaient-ils ? Quelle quantité de douleurs supportaient-ils avant de passer de l'autre côté ?

Père faisait le ménage par la cérémonie du purgatoire. Il se débarrassait des corps dont il n'avait plus besoin. Cela faisait de la place. Ce jour-là, il y en avait des dizaines. Pas étonnant que sa collection d'âmes s'étende si vite... Parmi les combustibles se trouvaient tous ceux que Jack avait tués au cours de ses entraînements. Il n'avait ressenti aucun remord en sentant la vie les quitter, mais voir leurs traits déformés par les flammes lui donnait un haut-le-cœur.

Dans le public, il n'y avait que des hauts dignitaires. Des familles parmi les plus importantes du pays Swinsky. Il remarqua au loin le dresseur d'espoir. Un individu très puissant dont le rôle était de diriger des jeunes gens à fort potentiel sur la voie de l'empereur. Il vivait un peu plus au nord d'ici. Il ne venait pas très souvent, et livrait ses talents par le biais d'un autre serviteur du royaume, monsieur Khurter. Jack sourit. Il se sentait fier d'enfin être à égalité avec ces gens qu'il avait admirés de loin toute sa vie.

Mais sa joie n'était pas sans inquiétude : si le dresseur d'espoir avait fait l'effort du déplacement, c'est qu'il ne s'agissait pas d'une cérémonie habituelle.

Jack continua son travail d'analyse de la foule. Ils étaient absolument tous là. Les Khurter, les Henson, les Brams, les Pony, les Gallone... Il se pencha vers son frère :

Le cycle du Früshtà : Genèse des légendesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant