17.1. Un futur incertain : la cour des volcans

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Ils arrivèrent à bon port après quatre jours de trajet. Rien de notable n'avait eu lieu à l'exception d'une nouvelle tempête durant laquelle l'équipage avait contraint sa précieuse cargaison impériale à rejoindre la soute. Le navire avait tenu bon, et les secousses ne rendirent pas le prince plus malade qu'il ne l'avait été face au rhum. 

Le dresseur avait pensé qu'il se serait montré honteux le lendemain, mais Jack ne présentait pas le moindre remord. Bien au contraire. 

Le premier matin, il était resté couché plus tardivement qu'à l'accoutumé, mais l'après-midi le voyait déjà sur pied. Il ne prononça pas un mot du voyage, exception faite de quelques politesses. Le dresseur s'en inquiéta mais ne sut qu'en penser. 

Et Nora accaparait déjà une bonne part de son attention.

Il la vit revivre à l'instant même où la côte fut en vue. Elle lutta contre ses haut-le-cœur pour se ruer vers le pont au premier signal de la vigie, et fixa dès lors la terre qui allait les retrouver. Le dresseur songea aux pas qu'il avait entendu sortir de la chambre de sa protégée. 

Ce n'était pas bon. Pas bon du tout. Il devait absolument lui en toucher un mot. Pas tout de suite. Loin de toutes oreilles indiscrètes.

Il n'eut pas besoin d'établir nombre de suspicions quant à l'identité de l'éventuel amant. Le regard que Tristan posa sur elle, bien que se trouvant à des centaines de mètres du quai, était sans équivoque. Une bouffée de chaleur envahit le dresseur. 

Ce n'était pas bon. Pas bon du tout. 

Nul doute que l'empereur gardait ses enfants pour de fructifiants mariages, et Nora n'en formait pas un. De plus, bien que Tristan soit à moitié Dazarys, leur potentiel enfant serait tout de même issu du mélange d'au moins deux sangs, qui plus est surpuissant. Mais le dresseur devait faire bonne figure. 

S'il n'était pas souriant, il lui arriverait bien plus grave que de perdre un espoir.

Les pensées de Tristan n'avaient rien de semblable. Il avait passé la dernière semaine à se languir tant est si bien qu'il était encore plus maigre qu'auparavant. Il avait totalement perdu l'appétit, et il lui semblait enfin retrouver la maîtrise de son souffle. Nora était pâle, pourtant il savait de source sûre que la mission s'était correctement déroulée. 

Il lui tardait de la retrouver. Plus rien n'avait de sens depuis qu'on l'avait privé du plaisir de somnoler sur le cœur de sa belle. Il avait trouvé injuste qu'ils ne puissent passer leurs nuits ensembles, mais désormais il aurait volontiers échangé tout son confort pour un instant avec elle, fût-il dans un placard à balai.

Fort heureusement, Leïla n'accorda pas la moindre attention à l'expression de son petit frère. Personne n'avait pu la prévenir de l'absence de son père. Elle se rua sur le dresseur qui lui raconta lentement ce qu'il s'était passé, afin de calmer la colère de la régente. Ce fut un échec cuisant, et ses yeux lançaient des éclairs. Elle se força cependant à sourire devant le peuple :

"Juan Edouardo Mentez d'Ebène n'est plus ! Vive les Swinskys et vive l'Empereur !"

C'est seulement à ce moment que Jack prêta attention au peuple regroupé dans la crique. Des pêcheurs, des marchands, des femmes, des vieillards et des enfants. L'expression heureuse et soulagée. Comme il était agréable de constater la loyauté d'un peuple envers les projets de son dirigeant ! 

Il leur sourit et leva la main. De grands cris d'ovation s'élevèrent, résonnant contre les parois des volcans. Jack recula un instant, légèrement effrayé par l'écho. L'un des marins lui tapa dans le dos :

Le cycle du Früshtà : Genèse des légendesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant