Chapitre 3

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- Ah ! Tu te réveilles enfin ! s'exclama une voix fluette.

Je massai mon crâne endolori. J'avais les oreillers qui sifflaient. J'émis un grognement inaudible. Ça fait mal bordel ! J'ouvris enfin les yeux pour faire face à mon agresseur. Un visage enfantin me regardait de ses grands yeux bleus. Ses cheveux lisses lui tombaient sur les épaules. Ses joues étaient rosées mais elle semblait en bonne santé. Je regardais ma sœur, ahuri. Je ne comprenais pas ce qu'il se passait.

- Emy ? Qu'est-ce que tu fais là ? Où sont les autres ? enchainais-je rapidement.

Je me redressais vivement à la recherche du reste de ma famille. J'aperçus alors avec soulagement, mon frère qui était assis non loin de moi. Il me regardait d'un air étrange mais il paraissait mieux réveillé que moi. Je m'assis à nouveau - je ne pouvais à peine debout dans la grotte - afin d'entendre les explications de ma petite sœur.

Maman et elle s'étaient réveillées ce matin dans cette grotte avec mon frère et moi à leurs côtés. Elles avaient trouvé de la nourriture emballée dans des sacs et des gourdes d'eau. Elles n'avaient pas plus d'explications sur leur arrivée ici que notre agression de la veille. Maman - qui était venue entre-temps - prit ma sœur sur ses genoux.

- Et on ne sait pas où est papa, conclut-elle en levant les yeux dans le vague.

- Mais... fit Mathieu qui s'était rapproché de moi. Qui est la personne alors que j'ai vu descendre de la corde hier soir ? Elle m'a assommée puis elle a dû me monter dans cette grotte.

Mon frère me lança un regard inquiet.

- Je n'en sais rien, murmura maman pensive. Peut-être que cette île est habitée.

Je levai un sourcil. J'étais vraiment heureux de retrouver tout le monde mais cette étrange nuit me laissait un goût amer dans la bouche. J'avais comme un mauvais pressentiment.

- Tu es sûre que c'est une île, maman ?

- Non, admit-elle en croisant mon regard. Mais ça m'en a tout l'air.

Je serrais les poings. Pour quelle raison cette mystérieuse personne nous a-t-elle assommés avant de nous amener dans cette grotte ? Je parcourus les parois des yeux. La grotte semblait avoir été aménagée pour des humains. Elle a agi comme pour nous aider sans qu'on la voit, je réfléchis intérieurement.

- Il faut d'abord partir à la recherche de papa, décida tout à coup mon frère en se redressant.

Mais maman l'arrêta d'un geste.

- Pas question. Prenons des forces puis nous irons vérifier si on est effectivement sur une île, répliqua-t-elle en me jetant un coup d'œil entendu. Alors ensuite on pourra commencer à le chercher.

J'acquiesçai doucement. Trouver papa n'allait pas être une mince affaire. Surtout que pour l'instant, j'ai l'impression que c'est cet inconnu qui nous trouve avant.

- Je n'ai pas faim, bougonna Emy en descendant des genoux de maman. Je veux voir papa.

Je vis ses yeux s'humidifier. Maman la prit par la main et lui caressa doucement le dos pour la rassurer. Puis elle sortit une miche de pain d'un des sacs qu'elle découpa en plusieurs morceaux. Tandis que je mâchai mon petit déjeuner, Mathieu se pencha vers moi et marmonna :

- Si ça se trouve papa n'est même pas ici sinon il serait déjà avec nous.

J'acquiesçai en silence. L'idée m'avait effleurée l'esprit. Ma gorge se noua et je lui répondis doucement :

- La personne qui nous a trouvés ne l'a peut-être pas encore déniché.

- Peut-être... fit Mathieu peu convaincu.

Je soupirai. On allait le retrouver, je m'en faisais la promesse. Il était cette île, c'était plus que probable. Le contraire serait illogique. Je serrais les dents. Il le fallait.

*

Je m'écroulai, épuisé sur le sol. Le soleil était couché depuis longtemps. J'entendis Mathieu entrer à son tour dans la grotte. Nous venions de terminer les recherches pour aujourd'hui. On avait bien eu la confirmation d'être sur une île. Elle n'était pas très grande mais suffisamment pour avoir toutes sortes de paysages différents. J'énumérai dans ma tête ce que j'avais découvert aujourd'hui. Tout d'abord, il y a cette falaise avec la grotte. Puis une forêt dense et ensuite sur une partie de l'île qu'on avait explorée, il y a une grande étendue de sable. La plage.

- Allez-vous coucher les enfants, fit ma mère en déposant Emy sur un lit de brindilles.

Un sac à dos en guise d'oreiller et une veste pour une couverture, c'était suffisant. Mon frère ne se fit pas prier et rejoignit sa sœur. Je soupirai en regardant ma mère. Ses yeux étaient creusés par la fatigue. Et dire que ça ne fait qu'un jour qu'on est là... Je sentis mon cœur se serrer.

- Maman va te reposer, je vais ranger.

Elle me regarda inquiète.

- Tu es sûr ?

- Mais oui, ne t'inquiète pas.

- Merci Alex, me lança-t-elle en déposant un baiser sur mon front. Fais attention à toi.

Je hochai la tête et me dirigeai vers l'entrée. A l'aide d'une lampe torche qu'on avait trouvé dans la grotte, je sortis les gourdes des sacs et les mirent tous dans un seul sac.

En fait, j'avais bien l'intention de découvrir qui était cette personne qui continuait à se cacher. Je sortis de la grotte. Aussitôt la fraîcheur de la nuit m'enveloppa. J'inspirai profondément. Il faisait bon. Lorsque je rouvris les yeux, je partis en direction de la cascade. Maman l'avait découverte ce matin. Pour l'atteindre, il fallait longer la paroi. Un chemin étroit y accédait. Je l'empruntai prudemment. Marcher dans un sentier assez escarpé la nuit, était assez dangereux. Au moindre faux pas, je pouvais me retrouver dans le ravin. Je frémis et je me concentrai sur ma destination. Je fus soulagé d'apercevoir enfin un petit lac scintillant. Le chemin s'élargissait. Je me mis à marcher plus rapidement.

Lorsque j'atteignis la cascade qui s'y jetait, je me dépêchais de remplir toutes les gourdes. Tout à coup j'entendis un craquement au-dessus de moi. Je me pétrifiai sur place et levai doucement les yeux. Une silhouette se découpait dans la nuit. Grâce à la lumière de la lune, je pus la distinguer clairement. Mon cœur se mit à battre furieusement. On dirait... une personne, pensais-je abasourdi.

Tout à coup la silhouette se mit en mouvement et s'évapora dans la nuit. Je retrouvai immédiatement mes esprits et me dépêchai de rentrer dans la grotte. Je déposai les gourdes dans les sacs et me glissai à côté de ma mère. Malgré ma fatigue, je ne parvenais pas à m'endormir. Qui est-ce ? songeais-je de plus en plus perturbé. A force de me torturer l'esprit, la fatigue prit le dessus. Alors que je fermais les yeux et que le sommeil commençait peu à peu à m'emporter, j'entendis un hurlement. Un loup ? Mais j'étais trop épuisé pour résister et je sombrai bientôt dans un sommeil sans rêve.

Le Regard de la louveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant