Chapitre 7

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Cela faisait plusieurs dizaines de minutes que nous marchions, peut-être une heure, j'avais perdu la notion du temps. Je commençais sincèrement à m'inquiéter de l'absence de Mathieu et Emy. Mais Kim ne paraissait pas tant alarmée. Elle ne faisait qu'avancer, s'arrêtant par moment pour écouter le bruit de la forêt. Elle n'avait d'ailleurs plus émis un seul mot depuis que nous étions répartis. J'en avais déduis qu'elle ne voulait plus évoquer le sujet de l'île alors même que j'avais encore pleins de questions en tête. Ou alors c'est parce qu'elle ne veut plus te parler ? Je secouai la tête et ma gorge se noua. Je voulais qu'elle me parle encore et encore. Je la trouvais fascinante. Je regrettais presque de ne pas l'avoir connue plus que ça au lycée. Je suis sûr qu'on aurait pu être de très bons amis...

Tout à coup, un hurlement inhumain retentit non loin de nous. Je sursautais violemment. Par réflexe j'attrapais une grosse branche que je saisis à deux mains.

De son côté, Kim n'avait pas bougé. Elle haussa même un sourcil en s'apercevant de ma réaction et me regarda amusée.

- Tu peux lâcher ça tu sais, Nathan a retrouvé les deux autres.

Je fronçais les sourcils, dubitatif. Mais je décidais de lui faire confiance et fis ce qu'elle me dit. Je lâchais la branche qui rebondit sur le sol et qui roula sur plusieurs centimètres avant de s'arrêter.

- Il vient de... te le dire ? je m'enquis en faisant le lien entre ses dires et le hurlement.

Kim me sourit doucement et hocha la tête.

- Je sais, ça doit faire beaucoup à entendre mais crois-moi (elle baissa la voix, comme craignant d'être entendu) il ne vaut mieux pas que le Professeur ne vous trouve.

Je frémis de dégoût rien qu'à l'idée que ma famille soit transformée en de vulgaires animaux.

- Rentrons.

Étonnamment elle me tendit sa main. Ne comprenant pas immédiatement son geste, je ne répondis pas tout de suite. Je finis par attraper sa main dans la mienne.

- La nuit va tomber, je n'ai pas envie que tu te perdes, se justifia-t-elle en se mettant à marcher.

Je vis ses joues rosir légèrement alors que j'enlaçai nos doigts ensemble. Se pourrait-il que... ? Je secouais doucement la tête. Non tu te fais des films mon pauvre.

- C'est douloureux ?

Je la vis tressaillir sous ma question. Cette dernière venait de m'échapper. Sa soudaine proximité m'avait poussé à la poser.

- Un peu oui, souffla-t-elle enfin. Mais le plus dur c'est le retour à la réalité... quand tu...

Sa voix mourut dans sa gorge sous l'émotion. Je pressai doucement sa paume avec mes doigts pour la rassurer. Je voulais qu'elle ait confiance en moi et qu'elle puisse tout me dire. Je voulais l'aider et par-dessus tout, je voulais que sa souffrance s'arrête. Je ne savais pas d'où provenait tout à coup cette mystérieuse empathie mais une chose était certaine : je n'allais pas laisser longtemps ce connard de professeur tranquille. C'était lui le monstre dans l'histoire, à faire subir ça à des êtres humains. Ça me mettait hors de moi.

- ... Surtout quand tu te rends compte du mal que tu as fait sous ta forme animale, lâcha Kim d'une voix blanche.

Sa main se raffermit dans la mienne. J'avais une soudaine envie de la prendre dans mes bras. Comme quand ma petite sœur faisait un cauchemar pour la rassurer.

- Il faut qu'on trouve un moyen d'arrêter ce fou, lâchais-je d'une voix rauque en plantant mon regard dans le sien.

Elle acquiesça doucement.

- Maintenant que vous êtes là, ce serait peut être plus... facile ?

Elle esquissa un sourire timide. Une lueur d'espoir étincelait dans ses prunelles bleues.

- Ma famille me manque... soupira-t-elle.

Mais avant que je ne pus ajouter quoique ce soit, je me retrouvais plaqué dans un buisson. Une petite main se retrouva sur ma bouche. Je regardai Kim incrédule. Que faisait-elle ? Sans un mot, elle m'intima le silence et me fit signe de regarder devant nous. J'aperçus alors des lumières qui émanaient d'un grand bâtiment. Les lueurs de la bâtisse ne m'avaient pas alerté puisque je les avais prises pour le soleil, celui-ci disparaissant progressivement.

- C'est là, articula-t-elle nerveusement.

J'observais attentivement le bâtiment. Il semblait n'avoir aucun mouvement à l'intérieur.

- Puisqu'on est sur une île, on n'est pas obligé de rentrer pour la nuit, murmura-t-elle. Mais quand il émet le signal, c'est l'heure de la piqûre et il est impératif de venir.

Elle me lança un regard terrifié.

- Sinon c'est la traque et...

Elle détourna les yeux.

- J'ai compris, je lui répondis sur le même ton.

Elle n'avait pas besoin de préciser que la mort était la seule issue possible. Maintenant qu'elle me révélait le calvaire qu'ils vivaient, j'étais de moins en moins étonné. Je posais une main réconfortante sur son épaule. Je la sentis se crisper sous mon contact - à mon grand regret - mais elle ne me repoussa pas.

On resta un moment assis silencieusement à observer le bâtiment lumineux.

- On ferait mieux de rentrer dans votre grotte, fit Kim tout à coup à mi-voix.

Elle recula silencieusement dans la végétation et me fit suivre de l'imiter. Une fois que je l'eu rejoins, nous nous mîmes à courir à travers la forêt. Il faisait un noir total. Plus profond que je n'avais jamais connu. Si jamais je la perds de vue, je suis foutu... Elle m'attrapa soudainement la main et ralentit le pas. Je lui lançai un regard interrogateur, non loin d'être mécontent du contact de sa peau contre la mienne.

- Alex ? souffla-t-elle en plongeant ses yeux dans les miens.

Je sentis mon cœur s'accélérer inutilement.

- Oui ?

Je retins mon souffle.

- Tu me fais confiance ?

Je la dévisageais perplexe.

- Évidemment, murmurais-je un peu trop rapidement.

Elle me lança alors un drôle de sourire.

- J'espère que t'as pas le mal de mer alors...

Hein ?

Mais avant que je ne puisse me poser davantage de questions, mon amie se décala légèrement de moi. Elle prit une profonde inspiration.

- Je ne veux pas que tu aies peur de moi... mais je veux te montrer, affirma-elle d'une voix qui se voulait ferme.

Malgré tout, je pouvais percevoir ses doutes dans sa voix. Elle va vraiment faire ce à quoi je pense ? pensais-je sidéré, la quitter des yeux.

Le Regard de la louveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant