Chapitre 6

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- Nathan, appela mon ancienne camarade sans me lâcher du regard.

L'intéressé s'arrêta et fit demi-tour dans notre direction.

- Oui ?

Kim se détourna un instant et plongea un instant ses yeux dans ceux de son ami. Leur échange ne dura que quelques secondes et pourtant un goût amer apparut dans ma bouche. Je fronçais les sourcils. Je n'étais pas jaloux, non. Mais je la connais depuis plus longtemps que ce Nathan, elle devrait me faire davantage confiance. Une voix moqueuse apparut dans ma tête. Connais ? Tu ne lui as jamais parlé Alex.

- Très bien, lâcha finalement Nathan.

Celui-ci se détourna de sa camarade et leur tourna le dos.

- Je ferai vite ne t'en fais pas, ajouta-t-il alors que Kim était sur le point de dire quelque chose.

Étrangement la mine inquiète de mon amie m'agaça.

- Merci, murmura Kim en regardant le métis s'enfoncer dans la forêt de son côté.

Il disparut très rapidement, nous laissant seuls.

- Ne me regarde pas comme ça, Alex. Je vais tout t'expliquer.

Je tiquai à la mention de mon prénom. Elle se souvient de moi.

- C'était bien... moi, avoua-t-elle à demi-voix.

Je la regardai perplexe, sans comprendre de quoi elle parlait, avant de saisir ses propos. Je sentis un poids alléger mes épaules.

- Que faites-vous sur cette île ? Tout le monde vous cherche. A la télé, tous vos visages tournent en boucle, je lâchai à toute vitesse. Et puis ce lynx...

Son visage s'assombrit. Elle fronça fortement les sourcils, au point que des plis apparurent sur son joli front.

- On a été enlevés, lâcha-t-elle en soutenant mon regard.

Je sentis comme un coup de poignard dans mon abdomen. Un sentiment de compassion envers elle naquit aussitôt en moi sans que je l'y autorise.

Elle baissa les yeux sur ses mains. Une mine attristée apparut sur son visage.

- C'est ce scientifique, un professeur, il... il nous a injecté un sérum et... ça change notre corps et... notre esprit aussi.

Des larmes parlaient autour de ses yeux. Elle semblait énormément souffrir. Je ne comprenais rien à ce qu'elle me disait.

- Hein ?

- Il nous redonne un aspect animal, si tu préfères... et cela peut donner lieu à des transformations comme celle que tu as assisté tout à l'heure.

Je la regardai d'un air ahuri. J'avais l'impression d'entrer dans un film d'horreur ou d'être dans La Mouche. Ça n'avait aucun sens. Je la dévisageais avec effroi. Est-ce que c'était possible déjà de faire ? Tu as bien vu le lynx tout à l'heure...

- Mais... Et toi ?

Elle me sourit tristement.

- Il est plutôt doué dans son domaine on va dire...

Je fronçai les sourcils sous l'incompréhension.

- Et toi, tu es comme... elle ? m'enquis-je incertain.

Son visage se rembrunit immédiatement.

- Si je te réponds oui, comment vas-tu me voir maintenant ? Comme un monstre ? me lâcha-t-elle d'un ton cinglant.

J'émis un mouvement de recul sous sa voix soudain devenue glaciale. Elle me fixait d'un regard froid, imperturbable. Elle n'avait pas aimé le ton que j'avais employé pour indiquer ce qu'était devenue Noa. Mais en même temps comment désigner leur nature, alors qu'ils pouvaient se changer en... animal. Je déglutis. C'est tellement ouf.

- Je...

- Cette situation nous fait souffrir à un point que tu n'imagines même pas...

J'avançais un pas dans sa direction. Je compatissais ce qu'elle vivait, l'horreur dans laquelle elle se trouvait.

- Jamais je ne me permettrais de vous juger, de te juger, Kim, fis-je d'une voix douce en plantant mes yeux dans les siens.

Elle soutint mon regard et parut un instant déstabilisée. Je ne voulais pas la brusquer. Je commençais à me rendre compte que ces jeunes - qui avaient mon âge - étaient portés disparus depuis bientôt un mois pour une raison épouvantable. Ils vivaient l'enfer depuis que leur enlèvement avait débuté. Je ne comprenais pas comment un être humain pouvait manipuler les gènes de cette manière. Tout scientifique avéré possédait un sens éthique nécessaire pour travailler. Moi-même qui allait partir en licence de biologie à la rentrée, je sentais ce besoin de comprendre autrui d'un point de vue mécanique par exemple, mais surtout - et plus que tout - de respecter autrui. C'était quelque chose d'indéniablement important, de fondamental en chaque scientifique.

- Ce qu'il vous a fait c'est... (je cherchais un adjectif correct à la situation) je ne trouve même pas de mot pour qualifier ce qu'il fait...

Ma mâchoire s'était contractée. J'avais une folle envie d'aller empêcher ce fou de continuer ses expériences.

- Il faut le stopper, affirmais-je d'une voix que j'espérais être bienveillante. Et je ne te vois absolument pas comme un monstre Kim...

Cette dernière croisa les bras sur sa poitrine et haussa un sourcil, l'air dubitative.

- Je t'assure.

Elle finit par soupirer longuement et elle décroisa ses bras qui retombèrent mollement le long de son corps.

- Très bien...

Un air triste voila ses magnifiques yeux bleus.

- Moi je me vois comme tel en tout cas.

- On trouvera une solution, affirmais-je sûr de moi.

Elle haussa les épaules, sans avoir l'impression de me croire. Et pourtant, j'étais persuadé que ce Professeur avait prévu quelque chose au cas-où ça dégénérait. Sauf s'il n'a rien et dans ce cas, il est vraiment taré. Tout bon chercheur avait une issue de secours afin d'éviter un surplus de catastrophes. Au vu de ce qu'il a créé, on peut dire que c'est déjà fait... Ma gorge se noua.

- On verra.

Son visage se ferma brusquement, une expression décidée le balaya.

- Mais il faut l'arrêter avant qu'il ne s'intéresse à vous, ajouta-t-elle d'un ton sec.

Elle fit volte-face, comme si cette conservation pénible venait de se terminer.

- On en reparlera quand on aura retrouvé les autres.

Je me sentais étrangement soulagé d'entendre ces mots. Je voulais en apprendre plus sur eux, ma curiosité scientifique peut-être... Et je voulais faire quelque chose pour les aider. Elle avait été ma camarade de classe quand même... Je n'étais pas dégoûté de ce qu'étaient devenus ces adolescents - qui avaient mon âge d'ailleurs - mais écœurés par ce soi-disant scientifique. Il méritait de mourir. Kim me fit signe de la suivre afin de continuer les recherches. Je la suivais sans me faire prier.

Le Regard de la louveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant