Prologue

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« Nous sommes déjà à 10 adolescents portés disparus. L'enquête continue mais ne semble avoir aucune piste sérieuse... »

Je jetais un coup d'œil à la télé de notre cabine et poussai un soupir. Ça faisait plus d'un mois que les médias ne parlaient que de ça. Je changeais de chaîne. Sur l'écran lumineux défilaient des portraits d'adolescents. Le journaliste parlait mais je ne l'entendais pas. Une des photos représentant une jeune femme, qui devait avoir mon âge - c'est-à-dire dix-sept ans, aux cheveux châtains clairs et aux yeux bleus, me paralysait. C'est à ce moment que choisirent ma petite sœur et mon frère pour rentrer. Mathieu fronça alors les sourcils en apercevant la télé.

- Eh ! On dirait Kim du lycée, remarqua-t-il en me jetant un coup d'œil interloqué.

- Oui, c'est bien elle, je murmurais tout aussi surpris que lui.

Mathieu s'affala à côté de moi dans le lit des parents.

- Elle aussi a disparu, sérieux ?

Je me mordillais la lèvre inférieure. Cette Kim je ne la connaissais seulement de vue. C'était une connaissance du lycée. Et penser qu'elle aussi a été enlevée me faisait mal au ventre. Ça aurait pu être l'un d'entre nous...

- Incroyable, souffla mon frère en fixant l'écran bouche-bée.

- C'est qui Kim ? demanda Emy d'une voix fluette.

Je jetais un coup d'œil à ma petite sœur de six ans. Les cheveux bruns attachés par deux petites couettes la rendaient encore plus jeune.

- C'est une fille du lycée, répondit Mathieu à ma place.

Emy me dévisagea pensive.

- C'est ton amoureuse ?

Je faillis m'étouffer sur la remarque de ma petite sœur. Quelle idée ! Cette Kim je ne la connaissais quasiment pas. Avant que je ne puisse la contredire, ma mère entra dans la cabine, coupant court à la conversation.

- Les enfants sortez un peu de la chambre s'il vous plaît ! Vous n'allez pas rester enfermés toute la journée. Et arrêtez de regarder toutes ces bêtises.

A ses mots, elle pénétra dans la chambre et s'empara de la télécommande avant d'éteindre l'écran.

- Allez plutôt rejoindre votre père sur le pont et profitez de la vue.

- Oui, maman, marmonna mon frère en se levant à contrecœur suivit de Emy.

Ils sortirent tous les deux de la cabine. Affalé dans un fauteuil, je ne fis même pas mine de les suivre.

- Bien, (elle posa ses sacs sur le sol avant de lever un sourcil), toi aussi Alex.

- Mais maman, protestais-je. Je suis fatigué.

- Tu te reposeras ce soir, dépêche-toi Alex. Il fait beau, profites-en pour sortir.

Je soupirai contraint, et sortis tout de même la cabine. Derrière moi, j'entendis ma mère fermer la porte de la cabine. Je traversais le couloir et rejoignis la passerelle rapidement. J'aperçus alors mon père contre la rambarde accompagnée de mon frère et de ma sœur.

- Ah te voilà jeune homme ! s'écria ce dernier en ébouriffant mes cheveux.

- Papa, grommelais-je. Je n'ai plus dix ans.

Mon père me sourit gentiment en guise de réponse et rejoignit ma mère qui venait d'arriver.

- Tu crois qu'on va voir des dauphins ? me demanda tout à coup Emy en levant ses yeux bleus vers moi.

- Je ne pense pas qu'il y en aie ici, répondis-je en fixant les vaguelettes bleues.

- Oh.

Alors que je vis une mine déçue s'afficher sur son petit visage, je sentis tout à coup le sol trembler sous mes pieds. Par réflexe, j'attrapais ma petite sœur par un bras et la rambarde de l'autre. Quand le sol se stabilisa enfin, je regardai autour de moi, interloqué. Qu'est-ce qui s'est passé ? Tous les passagers avaient l'air aussi perdus que moi. Je fus soulagé lorsque j'aperçus mon frère sain et sauf et mes parents qui marchaient dans notre direction. Mais mon soulagement ne dura qu'un court instant. Leurs yeux étaient affolés.

- Que se passe-t-il ? demanda Mathieu angoissé quand ils nous eurent rejoint.

Papa nous fit signe de s'approcher de lui.

- On n'est pas sûr mais il se pourrait qu'on ait percuté quelque chose, lâcha-t-il à voix basse.

- Le remake du Titanic ou quoi, je marmonnais sarcastique.

Mon père me fusilla du regard. Ce n'était pas le moment de plaisanter au vu de la situation. Je lui lançai un regard plein d'excuses. C'était sorti tout seul.

Tout à coup les haut-parleurs se mirent à crachoter des ordres. L'incident venait de se confirmer. On avait heurté un bateau de pêche. Pas le titanic du coup. Je tendis l'oreille et écoutai la fin du message.

- ... Pour la sécurité des passagers et de l'équipage nous vous demandons de prendre place sur le pont. Nous vous demandons également de rester calme. Une équipe va vous aider à prendre place dans les canots de sauvetage. Merci. Fin du message.

- Antoine qu'est-ce qu'on fait ? demanda ma mère à mon père.

- On attend les ordres, murmura ce dernier en regardant autour de nous.

Mon père nous enlaça alors, tandis que je regardai des dizaines de personnes s'entasser autour de nous. Je sentis les gens autour de nous nous pousser pour avoir de la place. Je resserrai alors ma main autour de la rambarde. La tension monta d'un cran. Une personne venait de tomber à l'eau.

Ce fut alors la panique instantanément. Les gens se marchèrent dessus, se poussèrent et alors que nous aussi essayons de nous accrocher, des gens nous tombèrent dessus. Je sentis ma main glisser de la rambarde métallique et la main de mon frère se resserrer dans la mienne. Je battis aussitôt des bras frénétiquement, en vain. Je me vis basculer vers l'eau ondulante. Les vagues salées me frappèrent aussi et l'océan m'engloutit aussitôt. La main de mon frère - qui était tombé avec moi apparemment - se détacha brusquement de la mienne et j'entendis une voix prononcer mon nom avant de sombrer au cœur des abymes.

Le Regard de la louveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant