Chapitre 18

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Je clignais plusieurs fois des yeux. Mais non, c'est bien réel. Je sentis mes poils s'hérisser partout sur mon corps. Je frissonnai d'horreur. C'est pire que ce que je pensais. Je déglutis péniblement. C'était une vaste pièce - blanche, elle aussi - couverte par de nombreuses taches, plus ou moins grandes sur les murs, probablement dûes à la saleté qui s'accumulaient. Le sol était constitué de béton gris et paraissait froid, voire même gelé malgré la température ambiante. Mon regard parcourut la pièce de long en large. Le plafond, se situant à plus de deux mètres de hauteur, était parsemé de grands carrés lumineux afin d'éclairer la salle. Et au fond... J'avalai ma salive. De grandes cages - une dizaine au total - étaient alignées et superposées. A l'intérieur, je devinais sans mal les bêtes qui s'y trouvaient. Des bruits sourds en provenaient. Des raclements de griffes contre les barreaux en métal, des gémissements de douleur retentissaient dans la pièce insalubre.

- Ce sont ceux qui n'arrivent plus à se contrôler, m'indiqua Kim alors que sa voix se brisait sous l'émotion.

Mais j'avais déjà compris. Je respirai faiblement. J'avais du mal à comprendre que tout ce qui se déroulait sous mes yeux n'était pas un rêve.

- Il les garde enfermé là-dedans.

Je vis mon père tressaillir, une trace de colère apparut sur son visage.

- Quelle ordure... Pourquoi infliger ça à des enfants...

Mes yeux se rapportèrent à la grande table en bois et des bancs qui se trouvaient au centre de la pièce. Des restes d'aliments pourris traînaient encore dessus. C'est là que Kim mange... Sa gorge se noua davantage. Alors que y'a les autres juste à côté d'eux...

De nombreuses caisses comblaient les espaces vides de la pièce. Des étiquettes étaient collées sur chacune d'entre elles indiquant ce qu'elles contenaient.

- Au moins il est organisé, ricanais-je à voix basse, amèrement.

Je m'approchais doucement de l'une d'entre elles par curiosité. Il y avait toutes sortes de noms de médicaments et substances aux noms étranges que je ne connaissais pas.

Puis dans un autre coin, j'aperçus la mention "fruits". Je m'avançai doucement. L'odeur de pourriture augmentait considérablement alors que je m'apprêtais à ouvrir l'accès au contenu de la caisse. Un haut-le-cœur me prit aussitôt. Mon envie de voir ce que contenait cette caisse disparut immédiatement. Je me détournais de cette caisse puante, répugné.

- L'antidote se trouve dans une mallette au niveau de son poste de travail, nous indiqua tout à coup Kim.

- Qu'est-ce qu'on vient faire ici alors ? demanda mon père perplexe, qui avait sûrement aussi hâte que moi de quitter cet endroit dégoûtant.

Endroit dégoûtant où vivait Kim depuis plus d'un mois...

- Il faut nécessairement passer par là pour l'atteindre, nous expliqua-t-elle avec un petit air contrit. De là où on est arrivé en tout cas.

- Très bien, murmurais-je en apercevant une petite porte en face de nous, au fond de la salle. On va devoir passer devant eux, j'imagine ?

Elle me lança un regard noir devant le ton écoeuré avec lequel j'avais posé ma question. Elle me regardait l'air de dire "je suis pareil qu'eux je te signale".

- Oui, on ne fait que passer, répliqua-t-elle d'un ton sec.

Elle me tourna brutalement le dos et se dirigea vers la porte qui nous attendait. Je soupirai exaspéré par la tension qui régnait entre nous. Je n'aimais pas particulièrement qu'elle m'ignore de la sorte. Je lui emboitai donc le pas pour rattraper la distance qui s'était creusée entre nous, mon père sur mes talons.

Nous contournâmes la grande table en bois puis en quelques pas nous arrivâmes au milieu de l'allée formée par les cages métalliques. Plus personne ne parlait, j'essayais de maintenir un regard fixe, sur Kim, pour ne pas regarder ces jeunes, transformés en animaux incontrôlables. Mais ce fut plus fort que moi.

Même si la plupart des cages étaient vides, une attira particulièrement mon attention. Un animal plutôt petit, était blotti contre les barreaux qui donnaient sur "l'allée". Je ne pus m'empêcher de le détailler avec curiosité. Si j'en croyais à la couleur de sa fourrure, j'en déduisis que c'était un renard. Un souffle régulier s'échappait de sa truffe. Ses yeux étaient clos, signe qu'il dormait. Peut-être de force ? Un élan de pitié m'envahit. Quelle horreur.

- C'est Hiro, m'apprena doucement Kim qui s'était arrêtée, elle aussi.

Un regard triste voila ses yeux bleus.

- Le sérum était trop puissant pour lui.

Dans cette position, le renard semblait paisible. Mais ce n'était qu'une façade. Le Professeur effectuait des séries de tests sur eux, et c'était d'ailleurs ce qu'il était parti faire le jour-même sur l'île.

- Allons-y, les pressais-je en réalisant qu'il ne fallait pas traîner.

- Moins fort, me rabroua Kim.

Mon père me lança également un regard lourd de reproches. J'esquissai un sourire contrit.

- Super, tu l'as réveillé en plus, grinça doucement des dents mon amie.

Hein ?

Je me retournai vivement. Hiro avait redressé sa tête et me dévisageait de ses yeux noirs imperturbables. Il paraissait ne pas comprendre ce qu'il se passait, probablement encore engourdi par le sommeil. Je le vis tout de même découvrir ses babines dans ma direction.

- Partons.

Kim me tira par la manche alors que le renard grogna dans notre direction. Je me laissais entraîner sans me faire prier. Alors que je m'éloignai de sa cage, j'entendis un gémissement plaintif. Instinctivement je me retournai et je me figeai.

- Qu'est-ce que...?

Un jeune homme roux gisait à présent dans la cage et me fixait de ses yeux larmoyants.

- Pitié, implora-t-il d'une voix rauque.

Je sentis mon coeur se serrer. J'avais tellement envie de l'aider. Je fis un pas dans sa direction avant que le corps d'Hiro ne soit soudainement secoué de spasmes violents. En une fraction de secondes, le jeune homme avait disparu et le renard avait repris sa place. Je le dévisageais avec horreur.

- Alex, dépêche-toi !

La voix autoritaire de Kim me sortit de ma torpeur et je fis volte-face. Mon père et Kim qui venaient de franchir la porte me fixaient, un air d'inquiétude sur le visage.

- Je suis là, répondis-je la mâchoire serrée.

Alors que je tentais d'oublier les images du renard qui commençaient à hanter mon esprit, je traversais à mon tour la porte qui se refermait lourdement derrière moi. J'écarquillai les yeux. Chaque pièce est une nouvelle surprise ou quoi ?

Des machines en tout genre, des lavabos, des microscopes optiques et électroniques gisaient dans un placard ouvert. Des ustensiles de biochimie étaient éparpillés un peu partout sur les paillasses, certains me rappelant mes propres cours du lycée. Des étagères étaient remplies d'échantillons en tout genre. Je frémis en imaginant ce qu'ils pouvaient contenir. Les murs, le sol, tout était impeccablement rangé à sa place hormis les tables de travail, démontrant une activité accrue du Professeur dans cette immense pièce. Un grand bureau, se trouvant sur notre droite, était encore éclairé par une lampe allumée. Des papiers, signe de ses recherches actives, étaient étalés dessus.

Kim se précipita dans sa direction, sans aucune hésitation. Elle fouilla les placards du bureau pendant quelques secondes et en sortit une mallette. Elle la brandit en l'air pour nous la montrer. Un sourire triomphant sur le visage. Mon cœur loupa un battement.

L'antidote.

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