Chapitre 10

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- Comment ça Mathieu n'a pas été retrouvé ?! hurla ma mère.

Depuis mon réveil, j'avais rapidement compris que seule, Emy, avait ramené auprès de nous. Nathan avait apparemment trouvé ma petite sœur sans Mathieu. Depuis qu'elle l'avait appris, ma mère était assez irritée.

- Calmez-vous, il ne peut pas être bien loin, s'agaça Noa qui nous avait rejoint aux premières lueurs du jour.

- Ah oui ? reprit ma mère, un air de défi dans la voix. Où est-il alors ?

Mon père tendit sa main vers ma mère pour l'aider à se calmer. Se mettre dans tous ses états n'allait franchement pas nous aider. Mais je comprenais que ma mère panique. Moi-même j'en n'étais pas loin. Une dizaine d'adolescents arpentait l'île sous leur forme animale et un professeur fou expérimentait ses idées les plus immorales sur eux. Il était donc normal que ma mère soit inquiète pour mon frère.

- Nat' est parti à sa recherche dès qu'il était réveillé, répéta Noa, non sans une pointe d'énervement.

Elle semble moins patiente que Kim, cette Noa. Je fronçai les sourcils devant ma remarque intérieure. Depuis quand je comparais Kim ?

- Il ne va pas tarder, ne vous inquiétez pas. Nat' a un très bon odorat.

Ma mère se rembrunit mais ne répondit pas. Elle finit par tourner les talons et rejoindre Emy qui s'ennuyait dans la grotte. Ma gorge se noua. Notre situation était plus qu'invraisemblable. Cela ne faisait seulement quelques jours que nos vacances avaient viré au cauchemar. Et pourtant... J'avais l'impression que cela faisait de nombreuses semaines déjà. Secoués par toutes les émotions par lesquelles on était passé, la fatigue commençait à se faire ressentir. D'autant plus que l'on n'avait aucun moyen de communication avec l'extérieur. Nos téléphones étaient dans notre cabine lorsque nous sommes passés par-dessus bord. Mais si le "Professeur" comme Kim l'appelait était un scientifique, il devait certainement posséder de nombreuses technologies pour alerter les secours.

- Et Kim ? je m'enquis en regardant autour de nous.

Noa nous avait formellement interdit de descendre de notre perchoir. Selon elle, le Professeur avait eu vent du naufrage de notre bateau et s'attendait à trouver des survivants.

- J'imagine qu'elle arrive bientôt aussi.

Noa haussa les épaules. Elle ne paraissait pas préoccupée. J'échangeais un regard avec mon père. Il était encore un peu faible mais se remettait doucement de l'attaque de la veille.

- Tu es dans un stade avancé Noa ? demanda alors papa doucement.

La jeune femme tressaillit. Elle les avait également mis au courant du stade définitif qui approchait après plusieurs semaines de "traitements".

- Hier tu étais...

Mon père chercha ses mots pour ne pas la brusquer.

- Bestiale ? Agressive ? Hors de contrôle ?

Elle souffla du nez et esquissa une grimace d'excuse.

- Ouais, je commence à avoir du mal à rester moi-même...

Mon cœur se serra en me remémorant la transformation de Kim de la veille. Elle semblait pourtant être encore maîtresse d'elle-même. Je frémis en pensant à la possibilité que mon amie ne devienne que sa partie animale. Il était hors de question que ce grand malade fasse vivre cette souffrance à ces adolescents. Ils allaient perdre leur humanité. Mais que cherchait à faire ce fou bon sang ?

- Et... Des jeunes se sont-ils déjà transformés pour... toujours ? l'interrogea mon père.

La jeune femme passa une main dans ses cheveux fins et émit un long soupir. Elle finit par s'asseoir sur un rocher et posa sa tête entre ses mains. Elle parut réfléchir un instant.

- Pas que je sache non.

- Ce qui veut dire... commençais-je en la dévisageant, en comprenant soudainement.

- Que je serai l'une des premières totalement transformée, oui.

Elle déglutit péniblement et ferma les yeux une microseconde.

- Je fus la première enlevée, nous apprena-t-elle tout à coup. Il fallait bien que quelqu'un commence et c'est tombé sur moi.

Elle haussa les épaules, résignée.

- C'est comme ça.

Noa semblait avoir accepté son triste sort. J'étais ahuri. Comment pouvait-elle subir cette peur constante de ne jamais retrouver le contrôle sur son propre corps ? Comment ne pouvait-elle pas se battre pour arrêter ce fou ? J'étais dans l'incompréhension totale. Normal, tu n'as rien vécu de ce qu'ils ont pu subir... Je clignais des yeux. Est-ce que Kim était dans le même état d'esprit ?

- Il n'est pas encore trop tard alors ! m'écriais-je brutalement.

Noa leva un sourcil face à ma réaction soudaine.

- De quoi parles-tu ?

- Mais de l'antidote ! Kim m'en a parlé hier soir, on pourrait le récupérer et... déballais-je rapidement.

- Stop ! m'interrompit tout à coup mon père, puis à l'intention de Noa. C'est vrai ce qu'il dit ?

La jeune fille hocha la tête doucement avant d'hésiter à ajouter quelque chose.

- Mais ce n'est pas si évident, il est...

- Alex !

Une jeune femme apparut soudainement dans mon champ de vision. Mon coeur battit aussitôt anormalement dans ma poitrine. Kim ! Oh, et elle n'a pas l'air contente on dirait...

- Je t'avais dis de m'attendre pour en parler, me reprocha-t-elle en me fusillant du regard.

Je lui lançai un sourire empli d'excuses. Son regard s'adoucit puis elle regarda mon père. J'aperçus alors que Nathan venait de nous rejoindre. Il lui emboita le pas.

- Alors ? s'enquit papa en se redressant, dans l'espoir d'apercevoir son fils.

Nathan grimaça alors, un air affligé dans les yeux. Et je compris. Ma bouche se dessécha.

- Le Professeur a été plus vif que nous, marmonna-t-il. Il l'a récupéré.

- Quoi ?!!

Ma mère qui avait écouté toute notre conversation venait de surgir de la grotte. Emy, voyant la réaction de sa maman, se mit soudainement à pleurer. Je me précipitais pour aller la chercher. Je la soulevais et la pris dans mes bras. Elle enroula ses petits bras autour de mon cou. Mon t-shirt commençait à s'humidifier. Je me mis à caresser son dos afin de la rassurer et ses sanglots se calmèrent doucement. Je pus ainsi rejoindre le reste du groupe qui participait à une conversation animée. Je fusillais instantanément ma mère du regard pour l'intimer de parler calmement en la présence d'Emy. Parce qu'on allait devoir parler, il l'en comptait de la vie de mon frère.

Le Regard de la louveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant