INTERLUDE II

4 2 0
                                    

 La surface du thé ondulait à cause du léger tremblement de sa main

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou mettre en ligne une autre image.

La surface du thé ondulait à cause du léger tremblement de sa main. Arneg Ruellan s'efforçait de maintenir une expression sereine, mais depuis moins d'une semaine, l'ombre de ce procès obscurcissait ses pensées.

Par tous les esprits, nous avons peut-être condamné un innocent !

On lui avait appris qu'on avait retrouvé le corps sans vie de ce Maho Branne dans sa cellule. Il avait donc tenté de se consoler en se persuadant que ce pauvre homme serait de toute façon mort quoiqu'il se fût passé.

Au moins a-t-il pu échapper à la douleur d'un cou rompu par un nœud coulant...

Mais le greffier se rendait bien vite compte qu'il se mentait à lui-même : il savait parfaitement que le désespoir pouvait se montrer tout aussi meurtrier qu'une potence.

Assise en face de lui, sa fille Élarie remarqua immédiatement son agitation.

— Papa, tu sembles préoccupé, s'inquiéta-t-elle.

Arneg sourit faiblement, tentant de minimiser ses craintes.

— Rien de grave, ma chérie. Simplement des affaires courantes au tribunal.

Élarie fronça les sourcils. Le greffier dut se rendre à l'évidence que sa réponse ne la convainquait pas. Elle le connaissait trop bien pour ne pas deviner que quelque chose le troublait.

— En es-tu sûr ? Depuis quelques jours, tu sembles ailleurs...

Arneg prit une profonde inspiration, tentant de trouver les mots justes pour la rassurer sans trop en dévoiler. Il but quelques gorgées de thé afin de se donner de la contenance.

— Les affaires judiciaires peuvent parfois se révéler... tendues. Tu verras avec l'expérience que certaines audiences te marqueront plus que d'autres. Ne te préoccupe pas de ton vieux père, cela passera.

Avant qu'Élarie ne puisse répondre, Barba, leur domestique, entra discrètement dans le salon et s'inclina respectueusement.

— Monsieur Ruellan, quelqu'un vous demande. Il se présente comme étant enquêteur.

La chevalerie du guet ?

Arneg se redressa légèrement, le visage contracté par l'appréhension. Venaient-ils le menacer de nouveau sous l'injonction de ce monstre ? Ne pas les accueillir aggraverait sa situation. Le juge Léanan Meirgin avait vraisemblablement réussi à mettre une partie des forces de l'ordre dans sa poche. Coopérer restait dans son intérêt.

— Laissez-le entrer, ma chère Barba, répondit-il.

Arneg ne put réprimer un soupir de soulagement lorsqu'il constata que le jeune homme qui fit irruption dans la pièce ne portait pas l'uniforme de la chevalerie du guet. Son ensemble en brocart crème brodé, sa chemise et son jabot en soie démontraient que cet inconnu appartenait à un rang social élevé. Il semblait ne pas avoir dépassé la trentaine, mais ses mouvements fluides dénotaient une prestance charismatique.

Un noble ?

— Monsieur Ruellan, pardonnez-moi de vous déranger. Je souhaiterais vous poser quelques questions concernant un procès auquel vous avez assisté il y a environ six jours.

Ce mystérieux visiteur possédait un léger accent guttural estrarien.

Une vague de panique monta le long de l'échine de l'huissier et lui raidit le corps. Que répondre ? Ce maudit juge tenait la vie de sa chère Élarie entre ses mains. Arneg ignorait à quel point l'influence de cet abject personnage sur la chevalerie du guet s'étendait. Si Léanan Meirgin apprenait qu'il l'avait dénoncé, avec quelle rapidité pouvait-il s'en prendre à la prunelle de ses yeux ? Possédait-il assez de pouvoir pour agir avant la reine ? Sans garanties, Arneg ne pouvait se permettre de courir un tel risque.

Son teint avait dû considérablement blêmir, car sa fille le dévisagea avec confusion.

— Papa ? Que t'arrive-t-il ?

Le visiteur s'avança et sortit une lettre cachetée de sa poche : l'emblème des Sarranac brilla à la lumière. Arneg sentit son cœur se serrer alors qu'il reconnaissait la chevalière que portait l'homme.

Cette chevalière, son accent estrarien... Par tous les esprits, ne me dites pas...

— Je crois que vous devriez lire ceci, ajouta le jeune noble d'une voix calme.

Arneg se saisit de la lettre, les mains tremblantes. Quand il parcourut son contenu, ses doutes s'envolèrent. Bouleversé, il s'agenouilla dans une profonde révérence, mais le visiteur l'exhorta à se relever :

— Reprenez-vous donc, mon cher ! Tout ce protocole m'ennuie au plus haut point. Octroyez-moi plutôt la grâce de me convier à me joindre à vous autour d'une bonne tasse de thé. Comme mon emploi du temps chargé m'a malheureusement privé de petit déjeuner ce matin, vous ne pouvez imaginer ce que je serais capable de commettre pour une assiette de biscuits !

Le RagoûtOù les histoires vivent. Découvrez maintenant