CHAPITRE II : TOMATES VIOLETTES ET FEDEDAS

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 À son réveil, la lumière du petit matin traversait déjà les interstices des volets

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À son réveil, la lumière du petit matin traversait déjà les interstices des volets. Maho se hâta de les ouvrir puis revêtit un pantalon et une chemise. Cadine ne se trouvait plus dans le lit. Il n'eut pas le temps de s'en émouvoir, car une douleur aiguë au-dessus de sa pommette le poussa à grimacer. Impitoyable, le reflet du miroir de la commode lui rappela que son beau-père ne l'avait pas raté.

Voilà ce qu'il en coûte de le priver de sa dose quotidienne.

Après avoir versé le broc d'eau fraîche dans la cuvette posée sur le meuble, il humidifia un linge pour l'appliquer sur l'hématome qui décorait son œil droit. À chaque contact, un élancement le faisait tressaillir. Son regard noisette qui n'avait jamais su choisir entre le vert et le marron se plissa.

— Mon pauvre Maho, comment vas-tu justifier cela ? soupira-t-il avant de quitter la chambre.

Afficher bonne figure auprès des clients — et même de la ville entière — se révélait un effort quotidien qui les épuisait avec sa tendre épouse. Les coups restaient fort heureusement rares et, quand ça arrivait, Gireg évitait habituellement le visage. À la mort de Bleza, la mère de Cadine, survenu neuf ans en arrière, son beau-père avait progressivement sombré dans la boisson. Plus le temps passait, plus il se montrait imprévisible. La plupart du temps jovial, souvent amorphe, parfois violent. Pas tant physiquement, mais surtout avec ses mots. Cacher ses addictions devenait de plus en plus difficile.

Avec le premier prix du concours, ils embaucheraient assez de personnel pour palier l'incompétence de Gireg et Cadine n'aurait plus à porter cette auberge à bout de bras.

Et peut-être pourrais-je la convaincre de...

Non, ce serait odieux. Il ne pouvait pas lui imposer de tout quitter avec tout ce qu'elle avait sacrifié pour reprendre l'affaire familiale.

Je raconterai que j'ai chuté de l'escalier, se résigna-t-il.

Dans la salle du restaurant, il trouva son épouse, encore en chemise de nuit, assoupie sur son livre de comptes. Maho embrassa ses boucles noires. Son adorable nez en trompette parsemé de taches de rousseur se plissa.

— Ben alors ? lui chuchota-t-il. Comment t'es-tu retrouvée là ?

— Je ne parvenais pas à dormir, donc je me suis dit que je pourrais tenir les comptes, répondit-elle la voix ensommeillée.

Cadine afficha soudain une moue contrariée. Elle dégagea les mèches brunes du cuisinier qui cachaient en partie le coup qu'il avait reçu la veille. Il apprécia la douceur de ses doigts qui effleuraient sa tempe.

— Mon pauvre chéri... j'ai l'impression que ça a empiré. N'as-tu pas trop mal ?

— Ça ira, ne t'inquiète pas.

Il porta tendrement sa main contre ses lèvres.

— Va te coucher, poursuivit-il entre deux baisers, nous fermerons l'auberge pour le service de midi.

Le RagoûtOù les histoires vivent. Découvrez maintenant