Les quêtes prestigieuses, les forêts et les montagnes qui grouillent de créatures extraordinaires... très peu pour Maho ! D'ailleurs, tout ce qui se révèle en lien avec la magie l'angoisse.
Cuisinier de l'auberge "Le Cavalier charmant", il vient de...
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Avec cette lettre serrée contre sa poitrine et ses soupirs languissants, la reine Darina ressemblait à une adolescente énamourée. Léanan Meirgin dut fournir un effort incroyable pour ne pas rouler des yeux. Dire que le Valême se trouvait aux mains de cette incorrigible romantique.
— Comment se porte le prince consort ? interrogea le lanidrac Oisan.
Nul ne pouvait nier que le magicien le plus puissant du royaume, avec sa longue cape finement brodée et son imposant jabot en dentelle, dégageait une prestance indéniable. Pas même Léanan. Cependant, cet homme l'agaçait au plus haut point. Bien qu'âgé d'une douzaine d'années de plus que lui, Oisan Woogan paraissait ne pas avoir dépassé le stade de la quarantaine. Heureusement, ses cheveux avaient presque complètement blanchi ce qui rassura quelque peu le juge quant à l'emprise du temps sur les maîtres du mana.
— La fièvre a suffisamment baissé pour qu'il puisse m'écrire, mais reste assez forte pour le maintenir alité, se désola la jeune monarque.
— Vous m'en voyez navré, Votre Majesté, répondit le magicien.
Léanan se retint de sourire et fit mine d'observer le ciel qui commençait à prendre une teinte pourpre. Si le prince consort n'avait pas été soudainement frappé par cette maladie, jamais il n'aurait eu l'occasion de se retrouver dans ce carrosse, entouré des personnalités les plus puissantes du royaume. Une part de lui les méprisait pour leur mollesse vis-à-vis du bas peuple. Néanmoins, il ne pouvait nier que cette situation flattait son ego. En tant que l'un des magistrats les plus chevronnés, influents et efficaces de la province, il n'était nullement surpris que l'élite de la nation finît par enfin apprécier sa véritable valeur. Toutefois, cette reconnaissance tardive le chagrinait au plus haut point : il avait espéré pour ses premiers pas dans le grand monde quelque chose de plus prestigieux qu'aider la monarque à dénicher un nouveau cuisinier. Sur le coup, il s'était rassuré en s'imaginant goûter des mets raffinés comme du caviar d'Asmuque accompagné d'un bon Trognecano d'Ospana. Cependant, cette dinde de Darina avait exigé des plats populaires composés exclusivement de produits locaux. Son palais délicat devrait alors se contenter de toutes sortes de ragoûts, civets et autres mijotés ou fricassés.
En face du juge, le vieux Meurig Pembroke, le secrétaire personnel de la reine, se tenait le ventre en grimaçant. Il retira la paire de besicles qui lui pinçait le nez et s'essuya le visage avec un mouchoir brodé.
— Mon cher Oisan, je vous serais reconnaissant de bien vouloir m'offrir l'une de vos potions digestives pour ce soir...
Le lanidrac éclata de rire.
— Ce ne sont pas des potions, mais un mélange d'herbes à base de sagremote. N'ayez crainte, l'apothicaire royal m'en a fourni suffisamment et je me ferai un plaisir de vous en préparer une théière. Devrais-je vous en prévoir une tasse, Votre Honneur ?
— Volontiers, Excellence. Bien que dotée d'un certain charme, la cuisine de Vinteaux s'est avérée un peu trop grasse à mon goût.
La reine Darina, qui avait entre-temps rangé la lettre de son époux après l'avoir embrassé, agitait à présent un éventail en soie.
— Nous avons eu du flair d'avoir fait appel à vous au pied levé ! s'exclama-t-elle avec un sourire radieux. Vous possédez assurément un sens critique indéniable.
Léanan se redressa de fierté. Malgré sa rafraîchissante naïveté, la monarque avait tout de même pris une décision judicieuse. Après tout, qui de mieux placé qu'un magistrat pour rendre un jugement équitable ? Même pour un vulgaire concours culinaire... Et qui, sinon lui, pouvait épauler une souveraine inexpérimentée ? En fin de compte, en dépit qu'elle l'intégrât de façon un peu réductrice à son avis, elle lui ouvrait néanmoins les portes de son monde. En l'approchant ainsi, il pourrait mettre à exécution ses projets d'ordre et de justice sans qu'elle ne se doute de quoi que ce soit.
— Quelle sera notre prochaine destination, mon cher Meurig ? interrogea la reine.
— La charmante petite ville de Saulès, Votre Majesté.