Chapitre 5

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Non.

Pleurer ne m'avait pas apaisé.

Une sueur froide, désagréable, insidieuse, coula le long de ma colonne vertébrale, gelant tout mon être sur son passage. Comme chaque fois, ma respiration se fit plus laborieuse et mon cœur, ce fourbe, me trahit. Il palpita fort, vite. Trop vite. La nausée, manifestation de mon trouble que je détestais le plus, s'invita dans la danse. Une fois que j'eus vidé le contenu de mon maigre repas, je m'affalais contre la lunette des toilettes. Vidée de nourriture, de force aussi.

Peut-être que le fait que ces crises soient de plus en plus régulières fut la goutte d'eau qui fit déborder le vase.

Il y avait évidemment l'affaire « Andrew Calvin » qui m'oppressait, néanmoins il fallait que je voie les choses en face. C'était de pis en pis. Mes réactions face à la demande de l'acteur n'étaient que l'un des symptômes, mais il faisait émerger la partie cachée de l'iceberg.

Le poids de l'isolement, du sentiment d'être différente, commençait à m'écraser l'esprit. Mon quotidien était devenu un combat contre des démons qui susurraient constamment leur venin à mon oreille. Les larmes, témoins de mon désespoir, laissaient souvent sur mes joues des sillons salés. Épuisée, je ne pouvais plus continuer de vivre ainsi, prise au piège de ma propre détresse.

Cela faisait longtemps que je n'étais pas allée voir Emma, ma psychologue... trop longtemps. Au début, j'avais commencé à espacer les séances, car je me sentais mieux. Mes crises d'angoisse étaient moins fréquentes et moins intenses. Je pensais avoir fait des progrès. Seulement, petit à petit, l'anxiété était revenue, rampante, conquérante. Pourtant, je n'avais pas repris rendez-vous. Ma psy m'avait prévenue de l'importance de poursuivre régulièrement les séances, même en période de mieux. Portée par un élan d'optimisme, j'avais cru naïvement pouvoir me débrouiller seule. Quelle erreur ! Aujourd'hui, je subissais les conséquences de cette décision orgueilleuse.

Toutes les personnes qui ont fait une psychothérapie savent que, bien que nécessaires et salutaires, les séances nous confrontent à des vérités souvent monstrueusement douloureuses. Vérités que j'aurais préféré ignorer. Tout comme des événements que j'aurais aimé oublier.

J'avais désespérément besoin d'aide. La fierté, la peur du jugement, la honte de mon échec me retenaient dans leurs griffes. Toutefois, au fond de moi, je savais que reprendre contact avec ma psy était la seule solution viable. Parce que j'allais droit dans le mur. Mes petits moments de joie, avec Stardust notamment, n'étaient que de petits apartés dans un quotidien plus que morose. J'étais tellement absorbée par la création de mon univers littéraire que je négligeais les cicatrices de ma propre histoire, m'abritant derrière les pages de mes romans, m'abritant derrière un fragile « mieux ».

Je sortis de la salle de bain à petits pas et le corps voûté, battu à plate couture. Je pris mon téléphone tout en m'affalant péniblement sur le canapé. Encore un appel de mon frère. Il ne manquait plus que lui ! J'effaçais son message sans l'écouter. Pas besoin d'en rajouter une couche. Il faisait indéniablement partie des événements à enterrer sous une tonne de terre. Pour ne plus jamais me souvenir.

Sans plus tergiverser, je pris rendez-vous avec Emma.

Dans l'ombre de S.Bennet - en cours de réécritureOù les histoires vivent. Découvrez maintenant