Chapitre 35

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Bien souvent, l'expression « mon cœur bondit dans ma poitrine » est utilisée pour décrire le choc soudain d'un cœur qui s'affole. J'ai toujours trouvé que c'était cliché. Jusqu'à ce que je ressente moi-même ce phénomène.

Je m'arrêtai en milieu de cette allée, les sourcils froncés, le front barré d'une ride. Qui pouvait bien venir, m'envahir de sa présence ? Qui osait troubler ma solitude ? Qui que ce soit, je n'avais envie de compagnie. Bon sang, non !

Quelque part au fond de moi, je savais que je devrais fuir, mais mes pieds refusaient d'obéir.

Alors pourquoi ne rebroussai-je pas chemin ?

Par lassitude de fuir. Par curiosité aussi. Et puis, il fallait se rendre à l'évidence. Je n'allais pas me terrer dans un coin en essayant de voir l'intrus ou attendre qu'il parte pour rentrer enfin chez moi.

Je pris donc une profonde inspiration. Pas le choix, il allait falloir faire face à la situation, quelle qu'elle soit. Mes doigts se resserrèrent avec plus de force sur la bandoulière de mon sac de plage. J'avançai lentement. Ma robe bariolée, aux coloris trop vifs pour se cacher, me collait aux cuisses, tout comme le sable à mes pieds. J'étais bonne pour une douche.

Après avoir fait déguerpir le malotru.

Je ralentis en approchant de la voiture de location. La main en visière au-dessus des yeux, je collai mon nez contre la vitre. Aucun signe distinctif, aucun indice sur l'identité de son conducteur, si ce n'est le siège était repoussé au maximum. Il s'agissait donc d'un individu de grand gabarit.

Mon pouls s'accéléra jusqu'à battre fort à mes tempes.

Était-il possible qu'Andrew m'ait retrouvée ?

À présent, toute mon attention était fixée sur la façade de la villa. J'étais déchirée entre l'instinct et l'envie de courir vers l'homme que j'aimais, mais aussi la pulsion de le fuir l'angoisse du face-à-face imminent.

Fuis, fuis. Cours, va-t'en.

Une voix en moi, plus forte que ma peur, protesta. Elle m'exhorta à affronter la vérité.

Mon corps se crispa un peu plus, comme prêt à entamer un combat de boxe.

Arrivée sur la terrasse, je remarquai que la porte-fenêtre était ouverte. C'était impossible, j'étais certaine d'avoir tout verrouillé avant mon départ ce matin. Mon regard balaya les alentours à la recherche d'un objet pouvant servir d'arme. Il était inutile d'appeler à l'aide, personne n'était intervenu lors de ma dernière crise de nerfs de la veille.

Le cliquetis d'une cuillère contre de la porcelaine me fit sursauter. Des pas suivirent. Mes muscles se figèrent. Tétanisée, je me demandais ce qui allait me tomber dessus. Puis, une silhouette se détacha à contre-jour de la fenêtre.

Mes yeux s'écarquillèrent. C'était impossible. Il ne pouvait pas être là.

– Tom ? croassai-je.

– Sophia, répondit-il dans un murmure.

– Qu'est-ce que...

Ma voix se brisa. Les mots s'évaporèrent, emportés par le vent alors qu'Andrew émergeait à son tour de l'ombre de la villa.

J'aspirai bruyamment de l'air, sous le choc. Comment était-ce possible ? Comment Andrew et mon frère pouvaient-ils se connaître ? Comment pouvaient-ils être ici ensemble ? Étaient-ils arrivés en même temps par le plus grand des hasards ?

Quoi qu'il en soit, ma vue se brouilla, je tanguais tandis que le sol mouvait sous mes pieds. Preux chevalier, Andrew se précipita à ma rencontre, dans le but de me soutenir. Je le repoussais violemment. L'expression qui se peignit sur ses traits n'était que douleur et torture. Je m'en moquais. Son contact m'était tout simplement insupportable. Je ne pouvais pas accepter qu'il me touche. Une onde glaciale me parcourut l'échine, exacerbée par l'effet de surprise et l'ahurissement.

Dans l'ombre de S.Bennet - en cours de réécritureOù les histoires vivent. Découvrez maintenant