Neuvième virage

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TW : maltraitance infantile. Passez le chapitre si vous ne vous sentez pas apte, prenez soin de vous 🫶


Neuvième virage.

Vingt ans plus tôt...

— Hey, c'est toi le chat ! Attrape-moi si tu peux, Olivier ! s'exclama un petit garçon d'à peu près sept ans aux cheveux bruns en faisant la grimace avant de partir à la course dans la maison.

Un autre petit garçon aux cheveux noirs – environ du même âge – démarra aussitôt pour rattraper son ami.

— Hé ! Reviens ici ! Wolfe ! Arrête ! On va se faire punir !

Les garçons firent le tour de la cuisine à la course, puis traversèrent le salon de la grande maison à toute vitesse. Soudain, en tournant le coin menant au corridor, Wolfe passa trop près de la colonne sur laquelle était posé un vase. Celui-ci tomba au sol en se fracassant en plusieurs morceaux. L'eau contenue dans le vase se répandit sur le tapis en laissant une trace sombre. Certaines fleurs perdirent leurs pétales au contact du plancher.

Aussitôt, les garçons se figèrent en échangeant un regard effrayé. Ils savaient très bien ce qui les attendait s'ils étaient pris.

Les pieds en sang à cause des éclats , ils se jetèrent immédiatement au sol pour tenter de ramasser les morceaux de porcelaine, mais alors qu'ils étaient à quatre pattes, l'ombre d'un homme les surplomba soudain.

— Lequel d'entre vous a fait ça ? gronda une voix masculine grave.

Les garçons échangèrent à nouveau un regard. Comme Wolfe tremblait, l'autre enfant se releva pour affronter le père de leur famille d'accueil. Celui-ci respirait l'alcool à plein nez.

— C'est moi, mentit Olivier.

L'homme commença alors lentement à détacher sa ceinture, la repliant entre ses mains.

— Je vous ai déjà répété mille fois de ne pas courir dans la maison. Tu as brisé le vase préféré de Madeleine. Tu crois qu'elle sera contente ?

Olivier secoua la tête en baissant les yeux.

— Non, monsieur...

— Va au milieu du salon et retire ton T-shirt.

Olivier savait pertinemment ce qui était sur le point d'arriver. Ce n'était pas la première fois. Son dos, ses cuisses et son ventre étaient déjà recouverts de cicatrices et de marques allant du rouge au jaune en passant par le violet. Il s'était habitué. Et il s'en fichait. Il voyait la couleur que prenait sa peau, le sang qui coulait parfois, mais ça ne faisait pas mal, alors il ne pleurait jamais. Ainsi, il avait pris l'habitude de prendre le blâme sur lui pour éviter que Wolfe soit puni.

Le premier coup de ceinture s'abattu au milieu de son dos dans un claquement sourd.

L'homme ne touchait jamais leur visage. Il préservait les apparences. La maison était grande, parfaitement entretenue. Quand les services sociaux l'avaient retiré à sa mère pour le placer ici parce que celle-ci n'était plus en mesure de s'occuper de lui, Olivier pensait commencer une vie de rêve... mais ses espoirs avaient rapidement volé en éclats.

Cet homme était un démon avec un visage d'ange. En société, il était un chirurgien respecté et reconnu, un docteur qui faisait la fierté de sa famille, charismatique, souriant et propre sur lui. De l'extérieur, il semblait irréprochable. Marié avec la même femme depuis des années, mais incapables de concevoir un enfant, ils étaient même devenus famille d'accueil. En réalité, c'était seulement pour faire plaisir à Madeleine que leur agresseur avait cédé à sa demande. Il était évident que cet homme n'avait jamais voulu d'enfants. Olivier le soupçonnait d'avoir lui-même causé l'infertilité de sa femme...

Dès que la porte de leur luxueuse demeure se refermait, le docteur montrait son vrai visage : celui que seul Wolfe et Olivier connaissaient, celui d'un homme cruel et impatient qui les punissait durement et physiquement à la moindre contrariété.

Cet homme éprouvait du plaisir, du contentement, dans la douleur des autres.

Olivier ne bronchait pas à mesure que les coups s'abattaient sur ses reins. Il ressentait seulement la chaleur du sang qui glissait sur sa peau.

En fond, il entendait les pleurs de Wolfe, forcé de regarder la scène.

— Tu vas arrêter de chialer, oui ?! cria l'homme.

Wolfe se figea, tétanisé. Tout ce qu'il voyait, c'était le dos en sang d'Olivier.

— Mais arrêtez, Gregory ! supplia-t-il en essayant de sécher ses larmes.

Il voulait dire que c'était lui qui avait brisé le vase, mais il craignait trop la réaction de l'homme.

— Et toi ! hurla Gregory en assénant un autre coup de ceinture. Tu ne dis rien ! Est-ce que ça te fait marrer de te faire punir ?! On dirait presque tu aimes ça !

Olivier ne ressentait pas la douleur, mais sa tête commençait à tourner.

— Non, je n'aime pas ça, murmura-t-il à voix basse.

— Alors, pourquoi est-ce que tu ne me supplies pas d'arrêter alors, hein ?! Excuse-toi pour le vase !

— Je suis désolé, Gregory...

— Et tu crois que tes pitoyables excuses seront suffisantes ?!

Les coups de ceinture s'abattirent de plus bel sur le garçon. Olivier se sentait perdre le contact avec la réalité. Sa vision s'embrumait petit à petit, devenant de plus en plus noire.

— Vous allez le tuer ! hurla Wolfe, paniqué en faisant un geste dans la direction de son ami, mais aussitôt stoppé par leur abuseur.

L'homme les avait déjà frappés plusieurs fois par le passé, mais jamais aussi fort. Gregory lui décocha une œillade mauvaise.

— Si tu dis encore un mot, je vais peut-être vraiment le faire. Dis encore un seul mot et il est mort.

Olivier s'effondra au sol et, yeux écarquillés par la terreur, Wolfe se tut.

C'est la toute dernière fois qu'il parla. 

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