Dix-huitième virage

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Dix-huitième virage.

Quoi ? Il devait avoir mal compris. C'était forcément ça. Ou alors il parlait à Amaël depuis dix minutes et il ne s'était absolument pas rendu compte du changement d'alter au front.

Pourtant, la voix, la posture, la manière de s'exprimer... tout lui faisait bien plus penser à Knife. Certes, il n'avait que peu d'expérience avec le TDI, mais à force de côtoyer les alters de Knife, il commençait à pouvoir en reconnaître certains.

Ou alors... ou alors... ce qu'il avait interprété comme de la jalousie... était vraiment de la jalousie ?

Il arrivait difficilement à y croire, mais... et si ?

— Tu ne peux pas être sérieux..., rétorqua-t-il, un peu mal à l'aise, arrête de plaisanter comme ça. Ça va trop loin, là, même pour toi.

Il commençait à avoir l'habitude que Knife se moque de lui, mais ça, c'était un cran au-dessus.

— Hum... alors tu préfères vraiment te taper le docteur ? le reprit le biker avec un rictus.

— Je te dis que je ne me tape pas le docteur ! C'est n'importe quoi !

Knife ne le croyait pas une seule seconde.

— Alors... comment tu expliques toutes les marques sur ton cou, hein ? Elles n'étaient pas là hier.

Virus était rouge jusqu'aux oreilles. Bien sûr qu'elles n'étaient pas là hier, puisque c'est toi qui les as faites, idiot ! pensa-t-il très fort. Il savait très bien que c'était l'alter sexuel de Knife... que Knife n'en avait aucun souvenir, mais... putain ! S'il ne craignait pas autant de cause plus de mal que de bien, il était à deux doigts de tout lui révéler.

— Je...

— Je suis instable, mais pas aveugle. Et je déteste qu'on me mente.

Virus se sentait acculé au pied du mur, sans savoir quoi dire pour se défaire de cette situation.

— J'ai vu quelqu'un, c'est vrai, mais ce n'était pas Gideon !

En soit, il ne mentait pas... il déformait peut-être juste un peu la vérité. Et cette pseudo-vérité ne parut pas plaire du tout à Knife qui continuait de lui jeter un regard mauvais.

— Je croyais que tu devais t'occuper de moi.

On aurait dit un enfant capricieux. Virus ne comprenait pas du tout la façon de penser de Knife. Tout était tellement... contradictoire.

— Depuis le premier jour, tu n'as fait que me repousser et te plaindre, argumenta-t-il sur un ton agacé. Qu'est-ce que ça peut bien te faire ?

— Que diras Danger si je lui dis que tu quittes mon chevet durant la nuit pour aller batifoler avec je-ne-sais-quel-inconnu ?

Virus bouillonnait de plus en plus. Il serrait les poings à présent.

— Tu préfères que je « batifole » avec toi alors, peut-être ?! Après tout, tu t'es toi-même proposé !

Autant le battre avec ses propres armes. Knife ne faisait que se moquer de lui. Il avait maintenant une chance de le prendre à son propre jeu. Il était certain que cette réplique bien sentie suffirait à faire en sorte que Knife se rétracte, mais ce dernier n'eut pas la réaction attendue...

À la place, il haussa les épaules.

— Pourquoi pas ?

— Je croyais que tu me détestais.

— Mes sentiments ont peu d'importance si tu as ce qu'il faut entre les jambes.

— Pourquoi tu insistes autant tout à coup ?

— Ainsi, tu ne seras plus tenté de te volatiliser durant la nuit. Et si je faisais une nouvelle crise de somnambulisme et que tu n'étais pas là ?

— Tu ne te soucis pas de ta propre vie, tu me l'as fait comprendre à plusieurs reprises... alors pourquoi maintenant ?

Knife commençait lui aussi à perdre patience. Pour être honnête, il ignorait lui-même à quel jeu il jouait et pourquoi il réagissait ainsi. Sa seule certitude était qu'il refusait que Virus parte en voleur durant la nuit pour se taper un mec sans qu'il ne le sache.

— De quoi as-tu peur ?

— Je n'ai pas peur, encore moins de toi.

Bon, ce n'était pas tout à fait vrai. Knife lui avait foutu les jetons à plusieurs reprises par le passé, surtout quand il était en pleine crise. Mais il n'allait très certainement pas l'admettre en face de l'intéressé.

— Prouve-le, le provoqua Knife en lui faisant signe du doigt d'approcher.

Virus déglutit. Il regarda à gauche et à droite. Brièvement, l'idée de s'échapper par la fenêtre le traversa, mais il y renonça assez vite. Il ne pouvait plus se défiler sous peine de perdre la face.

Rassemblant tout son courage, Virus parcourut la distance qui le séparait de Knife, assis sur le bord du lit. L'homme ne le lâcha pas du regard, un rictus moqueur sur les lèvres. Il ne le croyait pas capable d'aller plus loin ? Son expression narquoise agaça Virus au plus haut point. Il allait lui montrer de quel bois il se chauffait !

En arrivant en face de Knife, il sentit tout de suite les mains de l'homme se poser sur sa taille. Aussitôt, il eut une légère grimace de douleur.

— Qu'est-ce que tu as ? s'enquit Knife en fronçant les sourcils.

— Rien, mentit-il.

Sans l'écouter, Knife souleva son T-shirt pour découvrir les traces de doigts rouges sur ses côtes. Le biker aux cheveux rouges resta un instant surpris.

— Eh bien... je ne t'imaginais pas comme ça...

Puis, Knife ressentit un profond agacement en voyant ces marques faites d'une main inconnue sur le corps de Virus. Il ne savait pas en expliquer exactement la raison, mais ne pouvait pas faire autrement. Virus éveillait en lui des sentiments nouveaux. À cause de son insensibilité congénitale à la douleur et des traumatismes de son enfance, Knife c'était depuis longtemps bloqué à certaines émotions. Il avait du mal à ressentir le désir, mais cette fois, c'était différent et c'est ce qui le rendait aussi curieux.

De son côté, le jeune homme à la tignasse bleue était pétrifié. Pour se sortir de cette situation délicate et éviter que Knife pose trop de questions, il chercha à détourner son attention. Sans réfléchir, il attrapa le visage de Knife entre ses mains et posa ses lèvres sur les siennes.

Voilà de quoi il était capable ! Plus, il n'avait pas une seule once de culpabilité, car Knife avait été le tout premier à l'embrasser dans l'histoire.

Écarquillant les yeux sous la surprise, Knife se laissa embarquer sans mal dans le baiser sans même en être pleinement conscient. La bouche du jeune homme aux cheveux bleus avait un goût sucré, celui du chocolat et de la crème. Les mains de Knife s'efforçaient alors de parcourir la peau de Virus plus gentiment.

Mais à mesure qu'il l'embrassait et le touchait, d'étranges visions lui revenaient en mémoire, voilées par un écran de fumée.

Ses lèvres.

Sa taille.

Sa peau.

Pourquoi est-ce que tout lui paraissait si familier ?

— C'est étrange, murmura-t-il entre deux baisers, un air confus sur le visage. C'est comme si je connaissais déjà ton corps.

Il se crispa à mesure que les souvenirs affluaient dans sa tête.

Lui qui embrassait Virus.

Lui qui caressait Virus.

Pourquoi ces souvenirs étaient-ils à la fois si flous et si clairs ?

Le ton de sa voix devint aussitôt plus froid et menaçant, presque accusateur, à la fois troublé et agacé :

— Pourquoi j'ai une sensation de déjà-vu ? 

VIRUSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant