Dixième virage

2.3K 321 33
                                    


Dixième virage.

— Tu trembles, fit remarquer Virus en s'approchant avec prudence.

Knife ne semblait visiblement pas dans son état « normal ». Il était aussi tremblant qu'une feuille et Virus ne savait pas trop comment réagir. Une chose était certaine : s'il était confronté à un alter qu'il n'avait pas encore rencontré, celui-ci lui paraissait beaucoup moins dangereux de ceux qu'il avait vus.

Après une longue hésitation, Virus leva la main pour la poser délicatement sur le front de Knife.

— Et tu es brûlant, ajouta-t-il en fronçant les sourcils. OK, ne bouge pas, je vais t'apporter quelque chose.

Il ne savait pas vraiment quoi faire, mais il prenait conscience que Knife ne s'était pas douché depuis le soir où il s'était fait tirer dessus. Il ne pouvait pas risquer de le traîner sous la douche maintenant, surtout pas alors que Gideon venait de refaire tous ses bandages, mais il pouvait au moins tenter de le rafraîchir un peu.

— Ne me laisse pas, murmura Knife sur un ton suppliant.

La main de l'homme s'accrocha au bras de Virus, le stoppant dans son élan.

— Je reviens tout de suite, tenta de le rassurer Virus, C'est promis. Juste quelques secondes, je vais à la salle de bain.

Doucement, il retira les doigts de Knife pour s'échapper. D'un pas rapide, il entra dans la salle de bain pour attraper de quoi mettre son plan à exécution. En fouillant dans les armoires et en explosant la douche, il trouva rapidement un linge et du savon. Il remplit un bol (trouvé dans la cuisine) d'eau froide avec un peu de savon et revient près du lit de Knife.

Il eut la surprise de trouver le biker caché sous les couvertures comme un enfant qui guetterait le monstre caché sous son lit.

— Hé, je suis là.

Virus souleva doucement la couverture pour mettre la main sur Knife. Un aussi grand gaillard n'avait pas vraiment d'endroit où se cacher dans une si petite cabane. La situation aurait pu être risible si elle n'était pas aussi dramatique.

— Laisse-moi faire, OK ?

Il plongea le linge dans l'eau froide, l'essora au-dessus du bol, puis commença à frotter la peau de Knife entre les bandages. Le biker aux cheveux rouges se laissait faire sans broncher, ce qui était plutôt surprenant. Virus espérait le rafraîchir et contribuer à le ramener à lui. Il passa le linge sur ses épaules, le haut de son torse, puis ses bras, ses jambes et son front.

Après plusieurs minutes à nettoyer Knife, les pensées de Virus dérivèrent à nouveau vers le journal qu'il avait découvert la veille. Et il lui vint alors un éclair de génie. Et si cet alter était celui qualifié de « little » dans les écrits de Knife ?

— Tu es Olivier, n'est-ce pas ? demanda-t-il avec sa voix la plus douce.

Il y eut un éclair de confusion dans les prunelles perdues de Knife.

— Je ne dois pas parler aux étrangers.

— Mais je ne suis pas un étranger, si ?

Il y eut une longue hésitation de la part de Knife, mais il finit par hocher la tête et se détendre à nouveau. Virus termina de le nettoyer.

— Qu'est-ce qui t'es arrivé... ? trouva le courage de demander Virus en laissant tomber son linge dans le bol rempli d'une eau qui commençait à tiédir.

Knife se mit à trembler davantage, la peur se lisant au fond de ses yeux. Virus regretta aussitôt d'avoir posé la question. Bien sûr, il était curieux et il voulait savoir, mais pas à n'importe quel prix...

L'homme aux cheveux rouges cligna des yeux et se mit à dissocier en se prenant la tête entre les mains.

— Ça suffit maintenant, finit par dire Knife d'une voix plus assurée.

L'éclat dans ses yeux était revenu. Virus en fut presque soulagé même si l'homme devait mal lui parler.

— Comment te sens-tu ? demanda Virus en prenant lentement ses distances.

Knife regarda autour de lui comme pour prendre conscience de la situation.

— Le docteur est passé ?

Virus hocha la tête.

— Oui. Ça ne fait pas longtemps.

— Tu étais en train de me laver ?! s'étonna-t-il avec un froncement des sourcils.

— Tu n'avais pas l'air bien, alors je... j'ai pensé que tu te sentirais mieux.

— Tu as rencontré Olivier, notre little.

À ces paroles, Virus se douta qu'il était en train de dialoguer avec Jake. L'alter protecteur du système frontait en situation de stress. Knife, l'hôte du système, ne lui parlait jamais de manière aussi directe de son TDI.

— Votre... « little » ?

Virus était un peu confus.

— Un alter-enfant si tu préfères. Je n'ai pas été en mesure de l'empêcher de front cette fois, mais généralement, j'essaie de le garder dans l'innerworld. Le monde dans lequel nous évoluons n'est pas adapté pour ce type d'alter... c'est dangereux pour un little.

— Il avait l'air terrifié, murmura Virus.

— Oui et tu allais amplifier cette peur en lui posant des questions indiscrètes et traumatisantes.

Virus baissa la tête avec un sentiment de honte.

— Je suis désolé, je ne voulais pas...

— Réfléchis davantage la prochaine fois, le coupa froidement son interlocuteur.

— Pardon... j'aimerais seulement comprendre.

— Il n'y a rien de plus que tu aies besoin de savoir pour l'instant, décida l'homme. Contente-toi de faire ce pour quoi tu es là.

— Oh... OK.

Il n'y avait rien de plus à ajouter. Virus ne pouvait pas le forcer à se confier à lui pour l'instant.

Comme tout avait l'air d'être sous contrôle, il se détourna progressivement de Knife pour s'installer devant son ordinateur. Tandis qu'il glissait son casque d'écoute sur ses oreilles, il remarqua du coin de l'œil que son hôte s'était emparé de son journal et qu'il commençait à griffonner dedans. Indiquait-il la visite du docteur ? ou le front d'Olivier ?

Virus était curieux, mais il ne dit rien et se concentra sur son écran où la partie de League of Legends allait commencer. 

VIRUSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant