Dix-septième virage.
Virus avait la certitude que le cœur d'un homme pouvait être gagné par l'estomac. Le sien, en tous cas, y était très sensible. Pour cette raison, il crut qu'il allait mourir de joie lorsque Gideon apporta non seulement un paquet de viande hachée pour les burgers, mais aussi une boîte remplie de beignes.
— Jack m'a dit que tu les aimais.
— Ton petit-ami est un dieu, affirma-t-il en hochant vigoureusement la tête.
Gideon rit en levant les yeux au ciel.
— Pitié, faites qu'il ne t'entende jamais dire ça.
Les beignes étaient tout simplement sa pâtisserie préférée. En particulier ceux avec un glaçage au chocolat fourré à la crème. Il n'y avait rien de mieux sur Terre.
Or, pendant qu'il s'extasiait sur son cadeau, le jeune homme pouvait clairement sentir le regard assassin de Knife dans son dos. Quel était le problème cette fois ? Il n'aimait pas les beignes... ou bien c'était autre chose ?
Habitué à la mauvaise humeur de Knife, Virus haussa les épaules et décida de l'ignorer tout en s'emparant d'un premier beigne.
— Bon, occupons-nous de notre patient grincheux maintenant, plaisanta le docteur en parcourant la distance qui le séparait du lit de Knife.
Ce dernier eut un mouvement de recul quand Gideon l'approcha, mais il se fit violence pour rester en place. Il n'avait jamais aimé les docteurs...
— Comment tu vas depuis la dernière fois ?
— Je vais bien, insista Knife d'une voix sèche.
Comment pourrait-il en être autrement ? Il ne ressentait pas la douleur physique. Il pourrait tout aussi bien se vider de son sang que ça serait pareil niveau ressenti.
— Au niveau psychique, précisa alors Gideon, nullement impressionné par son patient difficile.
Knife se raidit. Est-ce que le docteur savait quelque chose à propos de son TDI ? Non, il était certain que Virus ne lui en avait pas parlé... si ?
— Tout va bien, répéta-t-il, pressé de se défaire de cet interrogatoire.
— Il est souvent somnambule, le coupa Virus en mangeant son beigne.
Gideon se tourna vers le hacker.
— Ah, oui ?
— Ça fait déjà deux fois.
Knife les fusilla du regard tour à tour.
— Ça a toujours été le cas, argumenta-t-il, ça n'a rien à voir avec les blessures.
Pourquoi Virus lui avait dit ça ?!
— Hum... fais tout de même attention, lui conseilla le docteur avec un air pensif. Si tu tombais ou sortais de la maison pendant une crise de somnambulisme, les conséquences pourraient être graves... Tu as pensé à prendre des médicaments ?
— Je suis déjà gavé de bien suffisamment de médicaments, rétorqua Knife avec un air intraitable. La porte est verrouillée et la paire de menotte à mon lit n'est pas là pour faire jolie...
Gideon jeta un œil aux menottes bel et bien accrochées à la tête de lit. Il esquissa un sourire.
— Oh... c'est donc pour ça. J'ai pensé qu'elles étaient là pour... autre chose...
Cette remarque eut pour résultat d'agacer davantage Knife.
— Garde tes pensées salaces et change mes bandages. Tu es là pour ça, non ?
Loin d'être décontenancé par l'attitude de son patient, Gideon hocha la tête avec son air le plus professionnel.
— En effet.
Il avait l'habitude des hommes trop fiers et un poil arrogant. Il avait vu des cas bien plus difficiles que Knife lorsqu'il était en résidence de médecine des années auparavant.
Sans se soucier de la mauvaise humeur du biker, il s'employa à changer ses bandages tout en surveillant l'état de ses blessures. C'était en bonne voie de guérison et aucune infection à l'horizon.
— Tu t'en sors bien. D'ici quelques semaines, je pense que ce ne sera plus qu'un mauvais souvenir.
Virus rata de près d'échapper son beigne au sol, mais le rattrapa de justesse.
— Quelques semaines ? crossa-t-il d'une voix aigüe.
Oh, bon sang... Combien de temps allait-il être coincé ici ? Knife semblait au moins tout aussi dépité que lui.
Gideon se tourna vers Virus en arquant un sourcil.
— Une blessure par balle nécessitant une chirurgie ne peut pas guérir complètement en seulement quelques jours, alors quand il y en a plusieurs... Mais bien sûr, je parle de la guérison totale. Knife aura retrouvé toute sa mobilité dans pas si longtemps si les choses demeurent sur la bonne voie.
Une part de Virus fut soulagée de l'entendre dire, même s'il savait qu'il devrait encore rester au chevet de son hôte encore quelques temps. Knife paraissait au moins tout aussi ravi.
Seul le docteur ne semblait pas se rendre compte de l'impact immense de ce qu'il venait tout juste d'annoncer. Est-ce que Danger savait depuis le départ que ce serait aussi long ? Savait-il seulement à quoi il l'avait condamné ?!
— Bon, je crois que mon travail ici est terminé pour aujourd'hui, ajouta Gideon en rangeant son matériel dans sa mallette. Comme toujours, n'hésite pas à m'appeler s'il y a quoique ce soit, Virus. Tu as mon numéro.
L'interpellé s'efforça de sourire poliment.
— Je n'hésiterai pas. Merci encore d'être passé.
À la seconde où le docteur franchit la porte, Knife jeta un regard mauvais à Virus, rempli de sous-entendus.
— Alors... c'est avec le docteur que tu t'envoies en l'air ? Il n'est même pas si attirant... pfff...
La bouche de Knife se tordit avec un air vicieux et Virus le fixa, plongé dans l'incompréhension. Qu'est-ce qu'il venait tout juste de dire ?! D'où sortait cette théorie saugrenue ?!
— Hein... quoi ? Mais non !
Knife eut un rictus en énumérant ses soupçons sur ses doigts.
— Il t'offre des beignes, te demande de l'appeler...
Comment Knife pouvait-il sauter à pareilles conclusions ? Pour une boîte de beignes ? Virus ne comprenait pas. Il roula les yeux comme s'il s'agissait d'une évidence.
— Il sait que c'est mon dessert favori, c'est tout. Je ne le cache pas. Tout le monde le sait.
Il s'empiffrait toujours de ses beignes préférés quand il faisait du codage au QG. Danger disait parfois qu'il aurait dû s'appeler « Donut » plutôt que « Virus » !
— Tu ne l'as jamais mentionné.
Le ton de Knife sonnait accusatoire. Il était jaloux ou quoi ? C'était impossible, mais pourtant... ça sonnait tout comme.
— Tu n'es sans doute pas très attentif. Je ne sais pas ce que tu t'imagines, mais tu te fais des idées.
Peu importe ce qu'il disait, l'homme aux cheveux rouges n'avait pas l'air de le croire. Sa mâchoire était crispée et ses muscles raides. Quelque chose l'agaçait. Et Virus n'était absolument pas prêt pour ce qu'il s'apprêtait à lui balancer :
— Si tu veux tant coucher que ça, tu devrais juste me le demander.
VOUS LISEZ
VIRUS
RomanceAprès avoir connu l'horreur dans une famille d'accueil, Wolf s'est enfermé dans le silence et Knife a des crises de colère violentes et incontrôlables liées à ses traumatismes. Quand les deux amis intègrent le groupe de bikers Gun'n'rose, Knife ne s...