Douzième virage.
Le futur de sa relation avec Knife dépendait d'un Cheese Burger réussi. Virus allait lui en faire un pour le dîner et ce serait le meilleur repas qu'il n'ait jamais mangé ! Dans ces moments-là, le jeune homme était heureux d'avoir développé ses compétences culinaires en plus de celles informatiques. Ses skills de hacker ne pouvaient rien pour lui face à Knife, mais il pouvait en revanche tenter de gagner sa confiance et sa sympathie par l'estomac.
Par le passé, Virus s'était souvent fait des amis en cuisinant des plats. Il suffisait parfois d'offrir quelques cupcakes pour que les gens vous donnent leur amitié. Il n'était parfois pas très à l'aise en société ou dans les grandes foules. Beaucoup plus à l'aise devant un écran que dans une fête, la nourriture l'avait aidé toute sa vie à tisser des liens avec les autres. C'était d'ailleurs de cette façon qu'il s'était rapproché de Wolf à son arrivée, alors que ce dernier ne parlait pas.
Il espérait que la technique serait aussi un succès auprès de Knife maintenant.
Le seul problème était que l'homme ne disposait pas d'une friteuse pour faire les frites. Virus dut improviser avec une casserole et une passoire. Cela faisait presque quarante minutes qu'il cuisinait maintenant sous le regard attentif de Knife.
L'homme faisait semblant d'être désintéressé, voire même de s'assoupir, mais Virus avait remarqué les coups d'œil curieux qu'il lui jetait à intervalles plus ou moins réguliers.
Virus cuisait seulement des boulettes de steak haché recouverte de fromage dans la poêle, mais tout ce qui s'apparentait à la cuisine ressemblait à de la magie noire pour Knife.
— Je peux t'apprendre si tu veux, proposa Virus. Je sais que tu ne dors pas vraiment...
Knife rouvrit les yeux avec étonnement. Bien sûr qu'il ne dormait pas vraiment... Il était agacé de s'être fait prendre en plein délit.
— Tu devrais améliorer ton alimentation, ajouta le jeune homme en passant une main dans ses cheveux bleus. Le frigo était entièrement vide le jour où je suis arrivé... Tu ne peux pas te gaver de fast-food tous les jours.
— Je n'aime pas cuisiner, se contenta de répondre Knife d'un ton sec.
— Pourquoi donc ?
— On m'a brûlé la main sur une plaque de cuisson un jour.
Virus se retourna d'un coup pour le dévisager.
— Quoi ?
Il haussa les épaules avec nonchalance.
— Bien sûr, je n'ai rien senti, mais ma peau, elle, a bel et bien brûlée. On m'a puni pour ne pas avoir réagi suffisamment fort. Et je n'ai plus eu le droit de m'approcher de la cuisinière à compter de ce jour-là.
Knife débitait ces choses comme s'il parlait de la météo. Il y avait quelque chose de troublant dans sa manière d'en parler, comme si toutes ces choses étaient arrivées à un autre que lui.
— C'est horrible, murmura-t-il, je suis désolé.
Il comprenait mieux pourquoi Knife cuisinait aussi rarement et la raison pour laquelle il préférait se gaver de fast-food dès qu'il avait un creux. Cela lui permettait de se tenir loin de la cuisine.
— Je n'ai pas envie d'en parler davantage. Termine ce burger pour moi : je meurs de faim.
Comme chaque fois qu'il parlait de son enfance, il sentait plusieurs de ses alters prêts à fronter. Pendant toute sa discussion avec Virus, Jake avait été en co-front. Il ressentait qu'il n'avait pas accès à l'ensemble de la mémoire traumatique du corps... Quand bien même se souvenait de la majorité des événements, il avait aussi la ferme conviction qu'une partie de la mémoire lui était inaccessible... Les alters traumas holder refusaient qu'il y accède pour le protéger, mais plus le temps passait... plus il avait besoin de savoir. Mais ce n'était pas chose aisée, chaque fois que le sujet venait sur la table, un alter frontait et, quand il parvenait à revenir au front, c'était toujours avec une amnésie des dernières heures, parfois des derniers jours.
En se taisant, Virus termina de cuisiner et apporta un plateau à Knife. Il essayait de le masquer, mais il était un peu nerveux. Est-ce que l'homme allait aimer son burger ? La boulette était bien cuite, juste assez grasse. La tranche de fromage jaune était fondue sur le dessus, puis recouverte de ketchup, d'oignons, d'une feuille de salade et d'une tomate. Enfin, les frites étaient croustillantes, encore un peu luisante après avoir été sorties de l'huile.
Knife croqua à pleine dents dans le burger sous le regard attentif de Virus. Il y eut quelques secondes de suspens, puis une deuxième bouchée avide et une troisième.
— C'est... pas mal du tout, finit par dire Knife.
— Mieux que le fast-food ? demanda Virus avec un sourire taquin.
— Je veux que tu me prépares un burger tous les jours à partir de maintenant.
On aurait pu croire à une blague, mais Knife avait un air sérieux sur le visage.
— Wow, doucement, merci, mais tu vas tomber malade si tu manges que des burgers.
Knife secoua la tête.
— M'en fiche.
Comme il ne ressentait pas la douleur, il avait souvent tendance à penser que rien ne pouvait lui arriver... ou que le pire était déjà passé. Il ne prenait pas soin de lui ni de sa santé, se mettant souvent en danger. L'adrénaline était sa seule manière de ressentir quelque chose. La peur qui nouait son estomac, son cœur qui remontait dans sa poitrine, la peur qui lui glaçait le sang... Petit, on lui avait appris que sa vie n'avait aucune valeur. Encore aujourd'hui, il avait parfois tendance à le penser encore.
— Ne fais pas l'enfant. Je vais te faire découvrir d'autres recettes que tu aimeras tout autant, promit-il. Je peux cuisiner un tas de trucs.
Même s'il faisait mine d'être désintéressé, Virus crut déceler une lueur intriguée au fond du regard de Knife.
— Hum... si tu le dis...
— Fais-moi confiance !
Knife baissa les yeux.
— Je n'accorde pas ma confiance facilement.
Virus ne sut pas s'il parlait de la nourriture ou d'autres choses.
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VIRUS
RomanceAprès avoir connu l'horreur dans une famille d'accueil, Wolf s'est enfermé dans le silence et Knife a des crises de colère violentes et incontrôlables liées à ses traumatismes. Quand les deux amis intègrent le groupe de bikers Gun'n'rose, Knife ne s...