Bijouterie

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Marie-Élisabeth pestait contre ce maudit temps. Paris n'était pas Toulouse, et en octobre, il valait mieux être chez soi à se réchauffer que dans la rue à enquêter.

La doyenne du commissariat se rendait chez le bijoutier qui avait été assassiné. Louis n'avait pas voulu s'en charger. Il lui avait laissé tout le sale boulot et s'occupait de la vieille maison où logeait la mamie qui avait été tuée. Marie-Élisabeth n'était pas dupe. Le garçon ne mettrait que peu de temps à interroger les infirmières qui prenaient soin de la dame. Elles ne sauraient sans doute rien. Ce n'était pas les meilleurs témoins. Non. La victime dont elle s'occupait avait de bien plus forte chance de la mener au coupable.

Un sourire apparu sur le visage frigorifié de Marie-Élisabeth. Le travail reprenait. C'était sûrement sa dernière enquête et elle allait s'en donner à coeur joie !

La bijouterie devant laquelle elle arriva était de très bon goût. La devanture impeccable et la porte immaculée auraient tiré un soupir d'admiration à n'importe qui. Mais Marie-Élisabeth n'était pas n'importe qui. Sans s'appesantir sur l'apparence de la boutique, elle s'approcha. Un écriteau accroché à la poignée de la porte disait :
"Fermé pour cause de décès. Pour plus d'information, lisez le journal en page 4"
En effet, le journal en question se trouvait sur le rebord de la fenêtre dans une pochette hermétique.

Mais Marie-Élisabeth n'était certainement pas un lapin de six semaines et elle connaissait son métier. Elle fit le tour du bâtiment. Le mur de l'autre côté laissait penser qu'il n'avait pas été nettoyé depuis un an. Cela changeait de la devanture. Comme quoi, le regard que portaient les gens sur les choses jouait énormément dans le commerce.

Une voiture bloquait l'entrée que voulait emprunter Marie-Élisabeth. Signe qu'il y avait sûrement quelqu'un à l'intérieur de la boutique. La femme décida de se faire remarquer pour qu'on la laisse entrer. Elle jeta un caillou sur le pare-brise de la voiture. Elle connaissait les hommes. S'il tenait à sa voiture, il viendrait. Marie-Élisabeth espérait juste que c'était bien un homme qui possédait le véhicule.

Personne ne se montra. Elle réitèra son opération. Personne. Marie-Élisabeth commençait à douter de rentrer un jour dans un endroit sec.

C'est alors qu'une femme sortit de la boutique. Marie-Élisabeth poussa un grognement intérieur. Ces fichus machos n'étaient jamais au bon endroit !

L'individu qui lui faisait face était tout ce qu'il y avait de plus aguicheur. Cheveux blonds, longs jusqu'aux fesses. Courbes avenantes. Seins démesurés coincés dans un top qui ne les retenaient visiblement qu'à un cheveu...
La femme dit quelque chose que Marie-Élisabeth ne comprit pas, puis, un homme apparu derrière l'aguicheuse.
Il la poussa et darda son regard sur Marie-Élisabeth. Celle-ci frémit.

Cet homme savait tuer. Il l'avait certainement déjà pratiqué. En un clin d'œil, la policière fut sûre de deux choses. Un, la voiture appartenait bien à un homme : celui qui la jugeait du regard. Deux, il n'hésiterait pas à l'abattre pour qu'elle stoppe son manège.

Elle s'éloigna légèrement de l'engin et prit la parole d'une voix qu'elle voulait ferme.

-Monsieur, Madame. Je souhaiterais entrer dans cette boutique. Le propriétaire est décédé avant-hier et j'aimerais procéder à une rapide inspection.

La femme, jeta un regard affolé à l'homme qui lui répondit par une légère pression sur le bras.

-Nous ne savons rien de vous. Peut-être êtes-vous voleuse professionnelle. Quesqu'y nous prouvent que vous êtes bien de la police ?

La voix grave de l'homme tremblait légèrement. Marie-Élisabeth conclut, avec la précédente réaction de la femme, que quelque chose les effrayait. Mais quoi ?

-Je ne cherche pas à me justifier, répondit-elle. Je fais mon métier, et je n'ai pas de temps à perdre avec des énergumènes tel que vous. Je ne vous ai d'ailleurs rien reproché mais je pourrais bien vous demander ce que vous faisiez ici. Il me semble ne vous avoir jamais croisé dans le quartier.

Une lueur d'angoisse apparut dans les yeux de la femme. Elle n'avait pas prononcé un mot, mais sa peur était visible. Marie-Élisabeth reporta son regard sur l'homme.

Elle fit un pas en arrière. Un revolver s'était matérialisé dans la main de l'homme. Il s'approcha. Marie-Elisabeth ne bougea pas. Dans quel pétrin s'était-elle fourrée ?

Elle aimait les aventures mais les armes... Bon sang, nous étions à Paris, pas à Las Vegas !

Le métal froid toucha la tempe de Marie-Élisabeth qui sursauta. Elle n'avait pas entendu l'homme s'approcher.

-Tu dis un mot, t'es morte, O.K ?

Marie-Elisabeth ocha la tête. Elle n'avait pas le temps de s'occuper de ce caïd mais ce n'était pas l'envie qui lui manquait.

L'homme s'adressa ensuite à la femme

-Elle dira rien, t'inquiète, bébé. Et si jamais elle parle, ajouta-t-il à l'intention de sa victime, elle aura affaire à mon joujou.

Marie-Elisabeth ne put réprimer un frisson. L'homme appuya un peu plus fort le revolver sur sa tempe. Puis il ordonna :

-Charge la bagnole. On termine ce qu'on a commencé et on se barre.

La femme rentra dans la bijouterie. Elle en ressortit quelques secondes plus tard avec deux sacs sur les épaules. Elle les jeta dans le coffre de la voiture. Le bruit de métal qui se produit alors, permit à Marie-Élisabeth de comprendre à qui elle avait affaire.
Des voleurs.
Des renégats qui devaient faire partie de la bande que le commissariat avait tenté d'arrêter deux mois auparavant.

La pression contre sa tempe se détendit. L'homme avait relâché son emprise mais il l'a maintenait en joue.
Il recula d'un pas et il répèta :

-Vous ne direz rien. Sinon...

Il passa son pouce sur sa gorge.
Marie-Elisabeth ne dit rien. Elle se contenta de ocher la tête. Cela parut convenir à l'homme qui monta dans sa voiture. Il démarra.

Marie-Elisabeth resta. La poussière qu'avait soulevée la voiture piqua ses yeux un instant, puis elle se retourna et vit la bijouterie.

Marie-Elisabeth poussa la porte de service et entra.

Démons Du Crime Où les histoires vivent. Découvrez maintenant