CHAPITRE 36 - Isabella

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— I'm breaking... The habit... Tonight... Continué-je de chanter doucement, la voix presque aussi éteinte que l'est mon âme.

C'est mon seul ami. Mon esprit déjanté qui, depuis des jours, est le seul à réellement tenter de me sauver la vie. Comme quoi.

Je chante, encore et encore, ce rythme qui tourne en boucle dans ma tête, tandis que je suis en chute libre. Je devrais m'écrouler et pourtant, je tiens encore debout face à l'adversité. Face à la solitude qui me ronge. Face aux milliers d'insectes qui grouillent sous ma peau. Je ne saisis plus le temps qui s'écoule. Je n'entends plus les aiguilles qui font leur tintamarre, pas comme dans ma chambre. Même si je n'étais qu'une captive, je me sentais chez moi dans ces appartements. Finalement, Dan m'a prouvé encore une fois que je ne suis qu'un minuscule pion au sein d'un immense échiquier, un minuscule pion qu'on bouge à sa guise sans que ce pitoyable objet sans vie ne puisse se défendre. Chaque jour, je meurs un peu plus sans même plus tenter de montrer les crocs ou de sortir les griffes. Chaque jour, mon cœur ralentit la cadence et me laisse sombrer dans d'abjectes royaumes où nul ne voudrait vivre. Car oui, à l'intérieur de ma tête, personne ne souhaiterait s'y installer pour y vivre.

— Memories consume... Like opening the wounds... Continué-je, en n'entendant même plus ma propre voix, trop absorbée par la noirceur de mon existence qui menace de s'écrouler d'un instant à l'autre.

Quand Dan viendra-t-il me tirer une balle entre les deux yeux ? Ou pire ? J'ai beau penser qu'il ne me ferait pas de mal (au sens où je l'entends), une partie de mon âme commence à se fier à l'hypothèse. Je deviens fataliste.

Ça pue, ici.

C'est infect.

Ça sent la décrépitude et la ruine.

Ça sent la mort.

Je crois que c'est cette odeur putride qui me dérange le plus, en plus du froid latent de cette pièce qui n'accueille que des rongeurs çà et là et des insectes en tout genre qui grouillent sur mon corps lorsque je parviens enfin à m'assoupir. Parfois, je fais des cauchemars où j'imagine qu'ils arrivent à passer la barrière de ma peau et envahissent ma chair pour la dévorer petit à petit et ne laisser que mon pitoyable squelette croupir en ces lieux.

Je n'en peux plus...

À la base, je ne pensais pas rester ici plus de quelques jours. Mais encore une fois, j'ai sous-estimé le sadisme de mon bourreau, qui finalement, dépasse tout ce que j'aurais pu imaginer. Il me fait volontairement souffrir, me pousse à vouloir mourir, tout en me laissant en vie. Y-a-t-il pire torture psychologique que de désirer la Mort sans jamais la rencontrer ? Après tout, je ne suis pas certaine d'avoir abattu toutes mes cartes.

Quoi qu'il en soit, mes conditions de vie ont drastiquement chuté, en termes de qualité. J'en viens encore à me demander, comme une pauvre conne, pourquoi il me laisse encore en vie si c'est pour que je sois isolée au sous-sol, dans une pièce sombre et humide qui me glace le sang jour et nuit. Ça l'amuse certainement. Mais si ça l'amuse réellement, pourquoi n'a-t-il pas installé de caméras ? À moins que je ne les ai pas vues ?

Je dois dire que, à côté de ma situation, et n'en déplaise à certains et malgré tout le respect que je lui dois, la vie du personnage de Sara dans Girl in The Basement ressemble à un petit coin de Paradis. Je suis simplement considérée comme un animal. Et encore. Je pense qu'un chien serait mieux entretenu que je ne le suis à l'heure actuelle. Toutes ces putains de captives qui se sont un jour plaintes d'être enfermées au sous-sol ne méritent pas que je me souvienne d'elles. Car la vie à l'étage ou même dans la Dark Room, mais rien du tout comparé à ce que je vis moi. Je dois faire mes besoins comme un animal, à même le sol, dans un seau prévu à cet effet, déposé dans un coin de la pièce. Je n'ai même pas de papier toilette pour m'essayer. Heureusement, comme je ne mange pas beaucoup, il n'y a quasiment rien, mais heureusement que Victor vient le changer une fois par jour, sur les ordres de son supérieur. Autrement, je crois que mon odorat en deviendrait complètement défaillant. Est-ce une manière de me traiter, moi qui ai toujours été la plus fidèle des captives ? Est-ce réellement ce qu'il souhaite, me voir dépérir au jour le jour ?

BOURREAU DES COEURS - TOME 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant