CHAPITRE 34 - Dan

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Deux semaines se sont écoulées depuis ma dernière entrevue avec Isabella, qui niche toujours dans ce minuscule clapier à lapins, dans le sous-sol. Je commence à croire qu'elle ne sait rien. Or, même si je n'ai toujours pas réussi à avoir cette information cruciale qui pourrait changer mon destin, j'ai compris autre chose. Même si j'en étais quasiment conscient jusqu'ici, je peux maintenant l'affirmer.

J'ai trouvé son point faible : moi.

J'aurais beau la torturer encore et encore, la plus vive douleur reste dans nul doute de rester enfermée loin de moi. Le fameux syndrome de Stockholm que j'apprécie tant. Je n'y avais jamais fait face, jusqu'ici. Pourtant, j'excelle dans les domaines de la torture et de l'enlèvement depuis des années maintenant. Finalement, je dois dire que c'est une première et qu'elle est plutôt réussie.

Je suis fier de moi.

Comme d'habitude.

En fait, son comportement dépasse tout ce que j'aurais pu imaginer. Le soir de notre rencontre, lorsque je l'ai aperçue à ce comptoir, seule et déboussolée, j'ai directement su qu'elle allait m'apporter autre chose. Seulement je ne savais pas encore quoi. Elle m'a subjugué. D'abord, elle a commencé à me haïr, mais rapidement, elle montrait un désir incontrôlable. Encore et encore, jusqu'à quasiment me supplier de la prendre de ses grands yeux de chatte. Enfin, elle est entrée dans mon monde, et s'est mise à torturer également. À désirer la mort des autres femmes. À rire de leur déchéance. Que demande le peuple ? Seulement, si le syndrome de Stockholm peut être confondu avec l'amour, il le peut simplement à cause de cette fameuse jalousie qu'elle s'est mise à développer il y a quelques mois. Elle l'a payé de son corps.

J'aurais dû faire des études en psychologie, ça m'aurait intéressé.

J'aime fouiller dans les tréfonds de l'esprit humain.

Et pas que dans l'esprit.

Quoi qu'il en soit, Isabella n'est pas impliquée dans ce que je pensais être cette nouvelle chasse à l'homme qui me concerne plus qu'intimement et dans laquelle je deviens l'antilope. Plus encore, il me semble que malgré toute la volonté du monde, un être humain finit quasiment toujours par se rendre et tout avouer, face à la mort, et par simple instinct de survie. Et ça n'est certainement pas cette jeune femme-là, qui aura le privilège d'être une martyre et de tenir dans la torture. Je n'y crois pas une seconde. Elle est forte, c'est certain. Pourtant, elle ne le sera certainement jamais assez pour supporter une telle épreuve à la fois physique et psychologique. Quand j'y pense, au bout de tant de temps à rester enfermée dans la même pièce sans la moindre lumière et sans le moindre bruit, son état actuel doit être pitoyable. Son corps doit être couvert de poussière, donnant à sa peau un éclat argenté semblable à celui de la lune. Ses cheveux emmêlés doivent ressembler à ceux d'une habituée des asiles psychiatriques, et sa peau laisse certainement percevoir des tâches rougeâtres ou brunes à force de frotter contre le béton. Comme elle ne possède qu'un sceau pour faire ses besoins comme un vulgaire animal, elle doit empester.

J'aime la savoir ainsi, même si je ne peux pas le constater de mes propres yeux.

Au moins, elle aura compris qu'on ne ment pas à Hadrian Campbell.

Cela dit, même si je tiens à ce qu'elle dépérisse, je ne la laisse pas crever de faim et de soif. Tous les jours, je charge Victor de lui apporter sa bouffe dans un petit Tupperware, en passant par une fente prévue à cet effet, lui qui a toujours eu des talents en cuisine. Ses papilles et son instinct dans ce domaine ne sont pas aussi développés que moi, mais il fait l'affaire. Je n'ai pas le temps pour ces conneries et pour passer ma vie aux fourneaux. De plus, la jeune femme n'a jamais droit à plus d'un repas par jour, et celui-ci se compose essentiellement de soupe et de pain, alors à quoi bon me prendre la tête à cuisiner pour elle ? Loin de moi l'idée de la vider de toute énergie, mais il ne faut pas non plus qu'elle en ait trop, car j'en suis certain, sa rage bouillonne au fond d'elle à l'heure qu'il est, et continue de grandir. Celle-ci pourrait lui faire faire n'importe quoi et ce serait forcément stupide.

BOURREAU DES COEURS - TOME 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant