CHAPITRE 43 - Isabella, quelques heures plus tôt

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— C'est une belle journée... Chantonné-je en français.

C'est la seule chanson que je connaisse dans cette magnifique langue de l'autre bout du monde, symbole de l'élégance et du romantisme. Je n'en ai appris aucune autre. Et même si je ne chante qu'avec un accent pitoyable qui ferait certainement fuir les personnes de ce beau pays dont j'ai tant entendu parler, et sans par ailleurs connaître le véritable sens des mots, j'apprécie tout particulièrement cette mélodie et cette voix cristalline, qui sont toutes deux aussi douces que des caresses sur ma peau meurtrie qui ne demande qu'une dose de tendresse.

— Je vais me coucher... Une aussi belle journée, qui s'achève... Continué-je.

Ma voix devient de plus en plus faible, à mesure que mes paupières se ferment. Il doit être tard, mon corps est réglé comme une horloge. Je me bats constamment pour conserver ces fins sons qui proviennent de ma gorge, cette voix sans plus aucune énergie qui menace de me quitter jour après jour. Quoi qu'il en soit, couchée sur le flanc, je me maintiens le ventre qui commence à être douloureux. J'ai faim, j'ai soif, et je veux un lit bien chaud avec de grosses couvertures pour prendre soin de ma peau et de mon âme en perdition.

— Donne l'envie d'aimer... Continué-je de me battre, encore et encore contre le sommeil qui me gagne de nouveau. Mais je vais me coucher...

Le destin s'abat encore une fois sur moi sans que je ne puisse y faire quoi que ce soit. J'en ai ma claque de cette situation. Oui, j'en ai vraiment ma claque. De toute manière, si Victor se décide enfin à parler à Dan, je sortirai d'ici au moins de deux. Toutefois, si ce dernier prend finalement les nerfs et décide de m'exécuter, j'aurais fait ça pour rien. Pour rien du tout. Ce soir, j'ai l'impression d'être d'une inutilité sans commune mesure, et je crois que c'est le cas.

— Mordre l'éternité... À la dent pleine...

Sans que je ne m'y attende le moins du monde, je perçois tout à coup des pas qui se rapprochent dangereusement. Le bonheur revient alors, et pourtant, je ne crois pas avoir le moindre espoir que ce soit pour m'annoncer une bonne nouvelle. Mes yeux s'arrondissent, et mes muscles se raidissent. L'homme, quel qu'il soit, ne met que peu de temps à me rejoindre, le temps que je ne me redresse quelque peu en me hissant sur mes bras tremblants.

CLIC CLAC

La porte s'ouvre lentement et laisse apparaître Victor dans l'embrasure, entouré de la lueur blafarde de l'ampoule du plafond qui, jour après jour, menace de lâcher. Ce dernier affiche un immense sourire qui me réchauffe le cœur.

— Victor... Murmuré-je sans me retenir, lui montrant délibérément à quel point je suis faible.

— Isabella...

Je ne sais pas quelle énergie me prend au corps, mais après cette longue attente plongée dans la solitude, je trouve la force de me redresser. Une fois presque debout, le jeune homme s'approche de moi encore plus près et saisit mes poignets. Il parvient à me redresser complètement, faisant craquer mes genoux et mon dos sur son passage. Puis, dans un élan de bonté et certainement d'un amour que je ne comprends pas, il plante son regard de braise dans le mien et s'adresse à moi d'une voix si douce qu'elle me réchauffe et me traverse de part en part :

— Je vais vous faire sortir, Isabella...

— Q-q-q-que... Q-q-q-q-q-quoi...? Bredouillé-je, loin d'être sûre d'avoir bien entendu, ou simplement pour m'assurer que je ne rêve pas.

— Vous ne pouvez pas rester ici, dans cet endroit insalubre, confirme le jeune homme sous mes œillades insistantes. La comédie a assez duré...

— Oh, Victor...

BOURREAU DES COEURS - TOME 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant