Chapitre 23

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Je n'en croyais pas mes oreilles. Kami, un spectre ? Moi qui pensait que ces être n'exister que dans les contes pour enfants pour leurs apprendre à rester sages ou dans les parchemins sacrés. Pourtant, elle était là, devant moi, à me fixer, guettant probablement une réponse de ma part.

Malgré tout, c'est vrai que ça expliquait beaucoup de choses, comme ses 'miraculeuses' téléportations ou son aspect fantomatique.

« Bon alors? fit Kami d'un air presque contrarié. Tu as perdu ta langue?

Non... Je me demandais seulement comment c'était possible que tu sois un spectre?

Je ne le suis pas depuis toujours, tu sais. C'est quelqu'un comme toi qui m'a ramené à la vie pour accomplir une mission qui m'était destinée.

Quelqu'un comme moi? répétai-je

Oui, une Erimaa si tu préfères... »

Les paroles de Kami me glacèrent le sang. Depuis le début, elle était au courant de mon identité. Pourquoi une Erimaa lui avait fait une chose pareille ? Et pour accomplir quelle mission d'abord ?

« Je te vois bien perdue, dit Kami en penchant la tête. Ça te dirait que je t'explique pourquoi une de tes ancêtres m'a mis dans cet état là? Je pense que tu as besoin de comprendre...

Je t'avouerais que oui, répondis-je, encore trahie par ma curiosité.

Bien...»

Kami éteignit les bâtonnets en les pinçant avec ses doigts, s'accroupit sur le sol et m'indiqua de faire de même. Une fois bien installer, elle commença :

« Je suis née il y a environ 600 ans à Karumura, un village qui se situait autrefois ici, juste sous nos pieds. Tu en as sûrement déjà entendu dans ton monde, car c'est là où sont nées les deux premières Erimaa, avant qu'elles ne partent s'installer à Mizuha, le monde qu'elles avaient créé.

Oui, confirmai-je. Ce village est cité dans des légendes qui m'étaient comptées quand j'étais plus jeune.

Très bien. Je suis venu au monde étant la fille du grand frère de la deuxième Erimaa. J'étais de la lignée des Kirioka, la famille qui gouvernait le village et comme j'étais son seul enfant, j'aurais bientôt pris la place de mon père. Mais ce fut ce rôle qui causa ma mort...Comme j'étais une fille, je devais me marier. Je ne fut donc pas surprise quand un noble et son fils vinrent frapper à notre porte pour me demander ma main. À ce moment-là de ma vie, je n'étais qu'une gamine de quatorze ans qui aimait encore jouer à la poupée avec ses amis et qui n'étais pas familière aux tâches ménagères. Pourtant, j'étais bien disposé à me marier. Ce fut mon père qui s'y opposa, car il voulait que je devienne une femme libre pouvant prendre des décisions sans son mari, comme sa sœur, qu'il admirait. Cette idée offusqua tellement le noble que ce jour-là, il kidnappa ma meilleure amie, qui passait par là, et le lendemain, nous trouvâmes une petite boîte devant chez nous, renfermant un petit cœur humain...

C'est horrible! m'écriai-je, écœurée.

Du calme, je n'ai pas terminé...Les jours qui suivirent furent horribles car tous les soirs, au coucher du soleil, des soldats royaux venaient menacer mon père mais il refusa à chaque fois de donner ma main au fils du noble. Insatisfaits, ils repartaient toujours avec quelqu'un du village, un enfant, un jeune homme ou une femme, qui avaient le malheur de passer par là. Ce qui se débattait ou s'opposait aux soldats ce faisait tuer, tout simplement... Ma mère et moi n'arrêtions pas de le supplier d'enfin accepter, mais il ne nous écoutait jamais et rétorquait à chaque fois qu'il faisait ça pour moi. Je n'avais donc pas le droit de me plaindre. Les nuits se faisaient durs et je dormais très peu. J'avais perdu mes amis, des connaissances et pour l'entièreté du village, j'étais l'unique responsable...

Ne dis pas ça ! Ce n'est pas ta faute si tout cela...

Je sais... Tout cela, c'est la faute de Yukijo!

Yukijo-sama? demandai-je, complètement perdue. Quel est le rapport avec la deuxième Erimaa?

C'est elle qui a déserté le village avec sa professeure, laissant nos paysans sans aucune défense ! C'est elle qui a abandonné mon père, alors que ma mère était enceinte de moi! Et pour ne rien arrangé, c'est elle qui m'a réduit à un spectre après que je me suis fait assassiner par les villageois, qui avaient trop peur pour la vie de leurs enfants ! Elle ne s'est même pas pris la peine de ramener à la vie mes parents ! C'est à cause d'elle si j'hante ces lieux depuis 600 ans!

Mais ça n'as pas de sens ! Les gens se souviendraient de toi si tu étais là depuis longtemps, non?

Non, cracha Kami. Je suis maudite, Erimaa. Chaque année, le jour de mon assassinat, tout le monde oublie mon existence et tout objet comportant mon nom ou mon image l'efface. Et chaque année, je suis inscrite dans la même classe, sans jamais pouvoir monter de niveaux...

Alors, demandai-je, très mal à l'aise, même les plus vieux ne se rappellent pas de toi?

À vrai dire, quand l'école venait d'ouvrir, j'avais eu une meilleure amie. On faisait tout ensemble. Elle ne fut non plus repoussée à l'idée que je sois un fantôme. Mais un jour, après la fermeture de l'école, on gambadait dans le bâtiment quand elle trébucha brutalement dans la cage de l'escalier et se tua sur le coup. Pourtant, le jour qui suivit, elle revint à l'école... Elle était aussi devenue un fantôme, comme moi. En ce moment, cette fille appelée Nora est dans la classe parallèle. Sa présence me rend moins seule.

Pourquoi est-ce que tu ne t'en vas pas?

Ce n'est pas aussi simple, rétorqua-elle. Mon crâne, qui est exposé en salle de chimie, est une espèce de seau. Je ne peux pas m'en éloigner, sinon mon corps me brûle. Malheureusement, je suis incapable de transporter ma tête, donc impossible pour moi de la voler. Le crâne de Nora, lui, est caché dans ce tiroir, là-bas. Mais il n'est plus trop en bon état et je ne pense pas que tu aies envie de le voir.

Je comprends, approuvai-je, apprenant enfin l'histoire du crâne. Mais il n'y a rien que je puisse faire?

En tant qu'Erimaa, je pense que tu peux vêler ma malédiction.

J'ai une idée, faisons un accord! Toi, tu patientes encore un peu et en échange, quand j'aurais fini ma formation d'Erimaa, je reviendrai dans ce monde et je lèverai ta malédiction pour que tu puisses partir en paix!

Mais tu m'oublieras, comme tout le monde avant toi! s'écria la fille spectrale.

Non Kami, expliquai-je d'un ton calme. Je suis sûr que ta malédiction n'affecte pas Mizuha ou du moins, ceux qui s'y trouvent le jour de ton anniversaire de mort. C'est logique quand on y pense! Pourquoi est-ce que Yukijo ferait exprès de t'oublier?

Kami me fixa pendant un instant, puis fondit en larmes. Confuse, je demandai :

<< Ça va? J'ai dit quelque chose qui ne fallait pas?

Non... sanglota la fille pâle. Je suis heureuse d'enfin pouvoir mourir. J'en rêvais depuis si longtemps! >>

Kami se releva alors et essuya ses larmes. Puis, elle se retourna et montra du doigt la porte de la salle :

<< Tu devrais t'en aller. Monsieur Warui ne devrait pas tarder à venir dans cette salle pour ranger les fournitures qui n'ont pas encore étaient distribuées

D'accord je rentre chez moi. À demain! >>

Je me dirigeai vers la sortit quand Kami m'arrêta :

<< Attends, j'avais encore une question. Les fantômes ne sont plus visibles après le coucher du soleil et il est probable que les Erimaa ne dérangent pas la règle! Alors comment faire pour me voir?

Je ne suis pas sûr, mais il y a peut-être une explication plausible : Erima n'a pas toujours été mon vrai nom. Avant d'avoir été reconnue comme une magicienne de vœux, j'appartenais également à la lignée des Kirioka et Yukijo est mon ancêtre directe. Ça parait donc logique que je puisse te voir car dans le fond, nous appartenons à la même famille. >> 

Les Portes des Étoiles; L'Écho de l'Eau (Tome 1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant