La Vipère Blanche

Chapitre 13 : Sa douce vengeance

J'ouvre les yeux, mes membres sont douloureux et je ne peux plus bouger. Autour de moi, des restes de bâtiments, beaucoup de poussières et des bruits d'explosions, qui ne veulent cesser de faire bourdonner mes oreilles. Seuls mes yeux fonctionnent. En analysant rapidement ce lieu angoissant, je la vois. Loin de moi, gisant au sol recouverte de poussière, ses longs cheveux blancs formant un tapis autour d'elle. J'essaie de crier son nom, espérant qu'elle se réveille mais rien. Ma respiration se coupe alors que je sens une immense pression sur mon thorax, comme si le toit de ce lieu s'était écrasé dessus avec violence. Une angoisse abominable monte en moi alors que je la vois disparaître lentement dans ce nuage de poussière, ne pouvant rien faire.

Soudain je me réveille en sursaut, dégoulinant de sueur et suffoquant. Ce n'était qu'un cauchemar, un cauchemar que je fais chaque nuit depuis une semaine. La semaine qui suit son arrestation. Toujours le même schéma, je suis paralysé dans ce bâtiment délabré et je ne peux que la voir souffrir au loin. Parfois elle est inconsciente, d'autrefois elle hurle de douleur sans savoir pourquoi. Le seul point commun entre tous ces cauchemars, c'est que lorsque je me réveille, je ressens une pression douloureuse sur mon torse, que je n'explique pas. J'aimerai comprendre ce que mon esprit tente de m'expliquer durant mes nuits, mais la fatigue que le manque de sommeil me procure, m'en empêche.

Épuisé à un stade où juste rester debout me demande un effort considérable, j'ai décidé d'en parler à Steve. Je ne sais pas pourquoi je me suis tourné vers lui, sans doute car son âge plus avancé me donne l'impression qu'il donnera de meilleur conseil. Cependant, il n'a pas pu m'aider autant que je l'espérais. Mais ce qu'il m'a dit me reste en tête : "Fais ce que tu as l'habitude de faire, enquête. Mais cette fois-ci, enquête sur toi-même." Aujourd'hui je me lève donc dans l'optique de me comprendre. Il est temps de retrouver mon sommeil disparu. Après m'être habillé d'un pantalon gris foncé et d'une chemise blanche, je descends au rez-de chaussée. Je suis seul, les filles étant parties prendre l'air avec Laura. Je récupère les clés du grenier que Molly m'avait montré.

Cette pièce n'est accessible que par l'extérieur, l'arrière de la maison étant moins haut que l'avant à cause du terrain pentu. J'insère la clé dans la serrure dans le froid matinale, la porte en bois vert d'eau s'ouvre en grinçant.

Cet endroit sera parfait, une grande pièce sombre mais propre. Après 1 heure d'organisation et après avoir rassemblé tous les dossiers d'enquêtes que j'avais toujours en ma possession, je peux commencer. Je ne sais pas trop quoi chercher, alors je commence par analyser une par une les photos. Un frisson parcourt mon échine lorsque je tombe sur une photo de l'accident. Le lieu de l'explosion, le bâtiment que je vois en rêve. Soudain les pièces du puzzle s'assemblent toute seule dans ma tête, me déstabilisant. Ces cauchemars ont débuté à cause de la lettre.

J'attrape la lettre d'Eden et la lit à nouveau.

"Elle t'as réanimé..."

En lisant ce passage, ma main vient automatiquement se poser sur mon torse, tandis que la douleur réapparaît faiblement. Ce pourrait-il que...? Seul mon corps s'en souvient et la douleur est le seul moyen de me faire comprendre. Pourquoi m'a t elle sauvé bon sang ! Pourquoi s'être instinctivement protégé l'un l'autre.

...

Je ne veux pas la voir souffrir ni même mourir. Elle est la clé de cette affaire qui me hante tout autant qu'elle, nous avons un but commun. Venir à bout des injustices et de cet homme.

Diego.

Elle me hante en rêve car je culpabilise de la manière dont je l'ai utilisée pour venir à mes propres fins. Je culpabilise de ne pas lui avoir fait part de mon plan. J'ai donc désormais peur de la voir s'éteindre brutalement par ma faute alors qu'elle ne mérite que la paix.

La matinée touche à sa fin, j'entends les filles revenir et décide d'aller les rejoindre. Je prends dans mes bras Laura qui déambulait dans la cuisine et me joins aux discussions.

– Steve t'as parlé aujourd'hui? me demande Molly en cherchant de quoi faire à manger.

– Non pourquoi? Il y a des choses que je dois savoir?

Je m'assois à la table ronde de la cuisine, installant Laura sur mes genoux. Cette dernière s'amuse à tirer les poils de ma barbe ce qui me fait grimacer lorsqu'elle en attrape vraiment un.

– Nous avons eu l'information que Diego a réussi, je ne sais comment, à avancer à aujourd'hui son déplacement dans une prison plus sécurisée. m'annonce-t-elle en s'appuyant contre le plan de travail, face à moi.

Mon angoisse remonte à la surface mais je ne laisse rien paraître. Comment à t'il pu réussir à faire ça? Ce type a vraiment décidé de me compliquer la tâche jusqu'au bout.

Si elle est transférée, ses chances de s'échapper se réduisent grandement, tout comme nos chances de coincer Diego. Quel idée d'avoir misé sur son évasion pour pouvoir passer à la suite du plan. Je pensais que ça serait simple et rapide mais je n'avais pas prit en compte tous ces facteurs.

– Vous feriez mieux de venir voir ça ! nous crie Rachel qui vient d'allumer la télé du salon.

En entendant sa voix nerveuse, nous la rejoignons d'un bond. Sur l'écran s'affiche le journal télévisé, elle augmente le son à notre arrivée.

"La Vipère Blanche est morte ce matin dans l'explosion de la prison où elle avait enfin été incarcérée. Après cette même explosion, l'assassin de Matthew Voss, son mari, mais aussi le pyromane ayant brûlé la maison de l'inspecteur White s'est livré de lui-même à la police. Son nom? Diego Semaforo, le second inspecteur chargé de l'affaire Vipère qui aurait dû se charger de son transfert ce matin..."

La voix du journaliste résonne dans ma tête. Le temps s'est comme arrêté, beaucoup trop d'informations en trop peu de temps. Molly à côté de moi est figée, les larmes aux yeux et les mains tremblantes. Rachel, tout autant choquée, s'approche pour récupérer Laura dans mes bras paralysés. J'aimerais pouvoir prendre Molly dans mes bras, lui dire que je suis désolé, que je savais tout mais que je lui ai caché. Cependant je ne peux pas, pas maintenant. Un pic d'adrénaline traverse mon corps. Sans dire quoi que se soit, je m'enfuis de l'habitation et saute dans ma voiture, je suis comme déconnecté du reste du monde, n'entendant plus leurs voix. Je sors un dossier et une clé USB de la boîte à gant et je pose le tout sur le siège passager. Je ne dois pas perdre de temps, tout se joue maintenant.

...