Épilogue

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Assis au milieu de la salle, je regarde mon entourage célébrer la venue au monde de ce petit bout de chou. La cérémonie s’est très bien passée et je suis désormais officiellement son parrain. Je sais que je devrais être très heureux pourtant je ne peux m’empêcher de penser à ces quelques jours là-bas.
J’en avais imaginé des retrouvailles, mais clairement je n’avais pas envisagé celles-ci.
— Joan ?
Je tourne la tête et tombe nez à nez avec Antoinette et sa jolie parure. Elle est vraiment magnifique pour son âge.
— T’es venu seul ?
Oui… Et ça ne risque pas de changer…
— Ta petite blonde n’est pas venue avec toi ?
Comment sait-elle pour Constance ?
— Elle était rigolote !
Oh Justine…
Je réfléchis à l’excuse que je pourrais lui donner ; or aucune de correcte ne me vient à l’esprit. Je n’ai pas invité mon amie, car je sais qu’elle me questionnerait et je n’en suis pas prêt. En plus, il faut que je la laisse vivre sa vie et ce n’est pas en la ramenant ici que ça l’aidera à tourner la page.
— Je ne l’ai pas invitée, j’ai déjà une cavalière, la taquiné-je en passant mon bras sous le sien.
Elle me murmure un compliment et se laisse guider jusqu’à la poussette où mon filleul dort sagement. C’est incroyable la tranquillité de cet adorable bébé. Les gens ne cessent de passer devant, de s’arrêter, de le contempler et même de bavasser comme des pies et rien ne le réveille. C’est fascinant.
Je navigue entre les tables avec Antoinette à mes côtés. Elle fait la conversation, taquine les invités et recadre ceux qui pourraient se montrer incorrects.
J’observe les visages et me rends bien compte que je suis une attraction pour une partie de la famille. J’ai changé. Je ne suis plus le petit garçon chétif, d’y l’y a six ans, ni le dépressif d’y l’y a trois ans.
J’ai pris en masse et en assurance, enfin tout du moins c’est ce que j’essaie de laisser paraître. Je tourne la tête en direction de ma génitrice et croise le regard de mon géniteur.
Pour la première fois depuis des années, je vois mon père m’adresser un sourire. Je sais que ma maman a dû lui parler. Elle avait l’air tellement désolée lors de notre conversation. Je ne veux, plus leur fermer la porte, car qui sait de quoi l’avenir est fait.
— Je crois que tu devrais aller voir ta mère, elle n’attend que ça depuis ton retour de Bretagne, me murmure Antoinette. Et ne perds jamais espoir.
Je suis surpris même si en la connaissant, je ne devrais pas l’être. Elle sait toujours tout, elle observe tout et veille sur tout le monde. Je dépose un baiser sur sa joue et me dirige vers la première femme de ma vie. À peine arrivé à sa hauteur, elle saisit mon poignet, me prend dans ses bras et me frotte le dos. Elle sait que si je suis seul aujourd’hui, c’est que mon voyage ne s’est pas déroulé aussi bien que je l’espérais.
— Bonjour, lancé-je à mon père.
Sa main se pose sur mon épaule et son air contrit parle pour lui. Il n’a jamais été un grand bavard.
— J’espère qu’un jour tu trouveras la force de me pardonner.
Je n’ai pas besoin de la chercher, je lui accorde sans hésiter. Je me sens prêt à lui donner, car je suis enfin en paix. Ça encore, je le dois à Constance. Elle est en vie, elle ne m’a pas oublié. Bien sûr que nos retrouvailles n’ont pas été aussi parfaites que je l’espérais. Pourtant je dois me rendre à l’évidence, elle est vivante et je suis toujours dans son esprit.
Sans un mot, je le prends dans mes bras. Son corps se tend, surpris par ce contact inattendu. Il finit par me rendre mon étreinte.
— Arnaud n’aurait pas pu choisir un meilleur parrain que toi pour Raphaël.
Je le remercie et me tourne à nouveau vers ma mère. Je tente de lui raconter dans les grandes lignes ma rencontre, même si c’est difficile de ne pas parler d’elle durant des heures. J’essaie de la rassurer autant que possible. Il faut qu’elle sache que je vais bien malgré son absence.
Elle semble soulagée et m’adresse un sourire réconfortant. Je dépose un dernier bisou sur sa joue et décide d’aller voir mon filleul.
Posé, au calme dans sa poussette, je m’approche à pas de loup. Il daigne enfin ouvrir les yeux et je profite de son éveil pour le prendre dans mes bras. Quand je repense à notre première étreinte, je ne peux m’empêcher de sourire. J’avais tellement peur de lui faire mal en le prenant contre moi. Et comme toujours, Arnaud a su trouver les mots pour me rassurer et me montrer les bons gestes. Au bout du compte, le plus naturellement possible, je le sers contre moi et il ne semble pas mal à l’aise.
Sa minuscule salopette bleu marine et sa chemise lui vont à merveille. Il embellit de jour en jour et j’ai hâte de le voir grandir pour partager de vrais moments complices avec lui. Je le berce tranquillement et je suis finalement rejoint par Jeanne et Arnaud.
— Je vais devoir te l’emprunter pour le nourrir et le changer.
Je dépose un baiser sur son front et le rends à sa mère. Je réalise que, moi qui étais réfractaire aux enfants, je fonds devant ce petit être. Arnaud, quant à lui, me saisit par les épaules et nous emmène un peu à l’écart du monde. Je le sens nerveux pourtant il ne devrait pas, la journée s’est parfaitement déroulée.
— J’ai un cadeau pour toi, m’avoue-t-il.
Il m’en a déjà fait un magnifique en me donnant le plus beau rôle de ma vie. Mais il sort un papier de sa poche et m’adresse un franc sourire. Il me tend une enveloppe dans laquelle je trouve un billet de train pour lundi en direction de Quiberon. Je lève la tête tentant de cacher mon émotion et l’interroge du regard.
— J’ai pris une partie de tes dossiers, tu peux gérer certaines choses à distance si tu le souhaites. Mais tu dois y retourner, ton cœur est là-bas. Bats-toi et on sera là, promis.
Je ne le laisse même pas finir et je le serre contre moi. Cet homme est parfait, il vient de me toucher encore une fois. Je ravale mes larmes et le remercie.
Parce que je crois en nous, tout le monde y croit. Constance, j’arrive…

N'enferme pas nos coeursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant