Chapitre 1

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16 octobre 2020

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16 octobre 2020

Perdu dans mon café, je revis pour la énième fois ce cauchemar. Cette nuit avait été un véritable enfer. Cinq ans jour pour jour, que l'adage « Cela n'arrive pas qu'aux autres » est devenu mon quotidien. J'ai avancé, j'ai grandi et j'ai accepté ce qu'il m'est arrivé pourtant une part de moi ne peut oublier ce drame. Je souffle sur ma boisson chaude et souhaiterais que mes moments de doutes et d'angoisses s'enfuient comme la fumée brûlante qui s'échappe de ma tasse. J'aimerais parfois effacer ces mois d'horreur, leurs regards effrayants et effrayés, l'odeur pestilentielle, le froid glacial s'abattant lourdement sur nos corps frêles, la pluie de coups qui a laissé sur ma peau des traces indélébiles. Mais c'est impossible.

Alors comme d'habitude, je me raccroche à ce détail qui a sauvé ma vie et caresse sa phrase tatouée sur mes côtes.

Ces paroles qui m'ont permis de survivre durant ces heures de tortures. Mais un raclement de gorge me sort de ma torpeur.

– Jo, t'aurais pas vu ma chemise ?

Je me tourne vers ma partenaire nocturne et lui indique le fauteuil sur lequel trône allègrement son chemisier noir. Elle s'active à le récupérer et me regarde profondément. Ses yeux noisettes m'hypnotisent et je replonge comme à chaque fois dans les méandres de cette journée d'août.

– Jo ? Joan ?

Je relève le visage et m'aperçois que Justine me fixe en haussant un sourcil. Malgré son teint hâlé, son nez mutin et ses cheveux couleur blé qui lui offrent la douceur d'un ange, je connais parfaitement cette attitude et le discours qu'elle va me sortir au mot près.

Jo, tu sais que je t'adore, mais retrouve-la. Il faut que tu fermes totalement cette parenthèse et il n'y a qu'elle qui peut t'aider.

– Jo, tu sais que je t'adore, mais retrouve-la. Il faut que tu fermes totalement cette parenthèse et il n'y a qu'elle qui peut t'aider.

Trois ans, que celle qui partage mon lit occasionnellement connaît mon histoire. Trois ans, qu'elle me sort le même refrain ! Trois ans, que je lui affirme que j'ai tourné la page et fermé le livre !

– Juju, tu es adorable, mais tu sais que je vais bien. Tu veux appeler mon psy pour qu'il te le confirme ?

Elle me lance un regard noir et me tire la langue telle une petite fille. C'est cet esprit enfantin qui m'a séduit et m'a encouragé à l'inviter pour la première fois. Elle est une bouffée d'oxygène quand le poids de mon monde semble s'écrouler sur les épaules.

Avalant une dernière gorgée amère, je pose ma tasse dans l'évier et finis de me préparer. Les mêmes gestes quotidiens pour ne pas briser la symphonie rassurante que j'ai réussi à créer. Je dépose un baiser sur le front de mon amie, enfile ma veste et prends ma sacoche. Je descends rapidement la rue qui me sépare du métro et m'engouffre dans la rame. Noyé dans la foule, je respire de nouveau, ce qui a longtemps surpris mon entourage. Contrairement à de nombreuses victimes, j'ai besoin de me fondre dans la masse, j'ai envie de croire que je suis un être ordinaire parmi tant d'autres.

N'enferme pas nos coeursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant