Chapitre 10

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23 août 2015Les jours passent et nous n'avons revu personne

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23 août 2015
Les jours passent et nous n'avons revu personne. Je ne sais pas si c'est bon signe, mais je savoure ces instants. Je tourne la tête et fixe Joan. Je comprends à sa mine renfrognée que quelque chose cloche. J'aimerais pouvoir le rassurer, lui dire que tout va bien, mais je n'en suis pas capable. Je pose ma main sur la sienne et lui apporte l'unique réconfort que je peux lui offrir.
- Je suis là, si tu as besoin de parler.
- C'est notre dernière boîte, soupire-t-il en me montrant le paquet qu'il vient de récupérer sous le matelas.
C'est le moment que choisit mon estomac pour se réveiller. J'ai honte. Minutieusement il sort les restes. On va devoir savourer. J'observe le petit sachet argenté et je suis immédiatement projetée dix ans en arrière.
- Quand ma maman venait me chercher à l'école, elle m'apportait toujours ces gâteaux, confessé-je en souriant. Elle disait que c'était le seul écart autorisé. Mais elle savait pas qu'en rentrant à la maison, je piquais des biscuits en cachette.
Amusée par ma confidence, je ris doucement. Je sais que ça n'a pas lieu d'être à ce moment précis, mais ça me fait du bien. Gênée, je relève la tête et observe mon compagnon.
- Avec mon frère, on se relayait l'un faisait le guet tandis que l'autre fouillait dans les placards à la recherche des bonbons que ma mère s'entêtait à changer de place après chaque emplette.
Pour la première fois depuis mon arrivée, je le vois esquisser un sourire. D'un seul coup, c'est comme si la pièce rayonnait. Je réalise que j'ai face à moi un nouvel homme. Je l'observe en détail, ses yeux bleus sont magnifiques, ses pommettes sûrement creusées par la faim montrent un visage carré. Ses lèvres sont parfaitement dessinées, mais je remarque une légère cicatrice juste en dessous. J'aimerais lui demander son origine, mais c'est trop risqué. Je ne veux pas éteindre cette petite lueur. Je profite de cette parenthèse qu'il m'offre.
- Tu as des frères et sœurs ?
Je lui explique alors qu'avec le divorce de mes parents je suis fille unique. Il semble désolé pour moi, mais il n'a pas de quoi l'être. C'est la vie. Finalement, nous entrons dans les confidences. Il me parle de son ainé, Arnaud, de leurs différences, de leur éducation plutôt classique, de sa chance d'avoir grandi dans une famille aisée. Il me raconte quelques-unes de leurs bêtises. Je bois ses paroles et m'évade. Je lui raconte mon enfance tiraillée par une mère exigeante et un père laxiste. Mon surpoids qui m'a valu les moqueries de certains camarades. Les garçons sont vraiment méchants, violents dans leurs propos, mais les femmes sont bien pires... Mon envie impossible de faire d'autres études, ma passion cachée pour la photo. À son tour, il se livre sur la musique qui a sauvé son adolescence des mauvaises fréquentations. Je suis fascinée par sa façon de s'exprimer, sur son côté très posé. Il manie la langue française avec beaucoup de vocabulaire et de délicatesse. C'est presque poétique. C'est le jour et la nuit avec mon impulsivité et mon langage parfois trop familier. Merci maman que j'ai voulu provoquer si souvent avec mes gros mots. Cet échange m'apaise et me raccroche à la réalité. C'est sur nos voyages respectifs que nous clôturons cette conversation. Je profite de ce sentiment pour me rallonger et m'endormir profondément.
Je laisse mon imagination m'offrir un nouveau souffle. Mes songes nous emportent loin de cet endroit. Je me vois prendre un verre avec Joan. Discuter comme si nous nous connaissions depuis toujours, comme deux vrais amis. Peut-être que c'est ce qui nous attend à la sortie...

N'enferme pas nos coeursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant