Chapitre 20

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13 septembre 2015

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13 septembre 2015

Depuis notre baiser, je ne sais pas comment réagir. La poursuite d'une quelconque histoire est proche de zéro pourtant il m'apaise, me motive, me pousse à me battre. Allongés face à lui, mes doigts tracent le contour de sa pommette encore marquée par les coups. J'aimerais pouvoir apaiser sa douleur, mais je n'en ai pas les moyens.
Son souffle s'abat sur ma joue et m'offre un instant de douceur. C'est la première fois depuis mon arrivée ici, qu'un sentiment de quiétude m'entoure.
Je suis impressionnée par sa force naturelle, par son courage et par toute la bienveillance qui le définit.
Il faut que je trouve une solution pour nous sauver. Son corps a déjà bien trop souffert. Je ne suis pas certaine qu'il puisse tenir plus longtemps.
Il se met à remuer délicatement et se colle un peu plus contre moi. Son visage vient chatouiller mon cou et m'arrache un sourire. C'est de la folie. Tout ça n'a aucun sens pourtant je n'ai pas envie d'arrêter.
Je sais bien que dans la vie réelle, il ne se serait jamais retourné sur moi. Je ne suis qu'une gamine sans intérêt. Je l'aurais évidemment admiré du coin de l'œil, lorgné sur ses beaux yeux, fixé son fessier, mais je n'aurais jamais attiré son attention. Et si par chance, c'était le cas, je n'arrive même pas à envisager une histoire. Mais on est là, ici, enfermés avec ce malade et le destin l'a mis sur ma route. Ou il m'a mise sur la sienne. Je ne sais pas. En tout cas, ce dont je suis sûre c'est que j'aime discuter avec lui. Je me sens bien à ses côtés et ce baiser... C'était tout simplement magique. Notre lien va bien au-delà de notre captivité.
Du bout des doigts je caresse son visage et tente de retrouver le sommeil.
- Clara ? Clara ? Tu dors ?
Je sens son index s'enfoncer dans ma chair pour me réveiller. Mais je refuse. Je ne veux pas. Je ne suis pas certaine de pouvoir cacher ma peur longtemps.
- Joue avec moi. T'es ma copine, t'es obligée. Surtout que si je pleure, Charles il va venir.
Malheureusement, il ne m'en faut pas plus. Je me relève subitement repoussant le bras de celui qui s'évertue à me protéger depuis mon arrivée. Je connais déjà Charles et je ne veux pas subir encore un de ses assauts. J'enfile mon masque et me lève. Je jette un œil à Joan qui continue de dormir paisiblement. Je m'éloigne du matelas et me poste devant celui qui se présente comme Mathis. J'essaie de ne faire aucun bruit, je ne veux pas réveiller mon partenaire.
Assis en tailleur face à moi, il ouvre son sac à dos et sort tout un tas de jouets. Heureux, il me tend une tasse en plastique.
- Bois ton chocolat, sinon Papa Jean, il va pas être content.
Je ne l'ai jamais rencontré, mais Joan en est effrayé dès que Mathis prononce ce prénom. Donc je me plie à sa demande. Comme à chaque fois que nous jouons, c'est vide. Le néant. Pourtant mon estomac crie famine. Je repense à la phrase de Joan. Il m'avait prévenu, il m'avait dit de savourer.
- J'aime bien être avec toi, en plus Hugo il dort alors t'es que pour moi.
Je porte le gobelet à mes lèvres et tente d'entamer la conversation avec lui, mais j'ai conscience que je dois faire attention aux questions que je pose.
- J'aime bien discuter avec toi Mathis. Tu vas à l'école ?
Gagner sa confiance est le plus important.
- Je vais pas à l'école, j'ai pas le droit. Je préfère rester ici.
D'un seul coup, il se lève et quitte la pièce sans un mot. Mais non ? Pourquoi ? Quant à moi, je reste là, assise par terre. Je me sens bête, je sais pas comment agir. Si je bouge et qu'il revient, je ne veux pas qu'il se mette en colère, mais s'il ne revient pas, je ne vais pas rester des heures entières comme ça.
Alors que je m'apprête à me lever, le parquet grince à nouveau. Je me rassois et attends sagement.
- Surprise !
Il me tend un petit sac dans lequel se trouvent plusieurs paquets de gâteaux. Je me sens tellement soulagée en cet instant qu'une larme coule le long de ma joue. La faim commençait à me faire souffrir.
- Non Clara, pleure pas, je voulais te faire plaisir... chuchote-t-il, triste de me voir dans cet état.
Je pose ma main sur la sienne et le remercie chaleureusement.
- Clara... Tu veux être mon amoureuse ?
Par réflexe, je tourne mon visage vers Joan. Je ne sais pas quoi lui répondre. Si je dis non, j'ai peur qu'il se fâche, mais si je dis oui, je ne sais pas ce que ça peut entraîner.
- C'est lui que t'aimes ?
Je secoue la tête négativement. Sa figure se ferme et je vois bien dans son regard qu'il est blessé. Je ne voulais pas lui faire de mal et cela m'inquiète beaucoup.
- Je n'ai pas d'amoureux Mathis. Tu sais on a le temps.
J'essaie de le rassurer, mais c'est peine perdue. Il se lève, regarde le sac qu'il vient de m'offrir et tourne les talons en boudant.
- Pardon, reviens !
La porte claque et je sens soudainement que mon lien avec Joan vient de créer une situation tendue. J'aurais dû maîtriser mon attitude. J'aurais dû faire plus attention. J'ai fait une erreur que l'on risque de payer très cher. J'ai peur. Je soupire lourdement et me relève. Je décide de retourner près de Joan afin de veiller sur lui.
- Viens ici !
Je suis réveillée violemment par les hurlements de Charles qui vient d'entrer dans notre pièce.
Sans mal, il m'extirpe du matelas en me tirant par les cheveux.
- Alors comme ça, on fait la fine bouche ? Mademoiselle se sent obligée de rabaisser tout le monde. Tu vas voir qui tu vas repousser !
Il est furieux et je sens que ma conversation avec Mathis y est pour beaucoup. Ma nuit va être très longue et sûrement difficile. Il me trimballe comme une vulgaire marionnette, je n'ai même pas vraiment le temps d'assimiler ce qui se passe. Je ne sais pas si je dois faire profil bas ou m'excuser. Tout est clairement confus. Nous arrivons dans cet éternel couloir qui grince. Je me retrouve dans cette salle de torture. Il me plaque contre le mur et vient se coller contre moi. Son buste se colle au mien et son nez vient se nicher dans mon cou.
- Ta peau est très douce... Malgré les conditions, tu as toujours cette odeur sucrée.
Ses mains se posent sur mes hanches et l'angoisse vient de monter d'un cran. Je n'ai pas peur de souffrir, mais je ne veux pas qu'il me viole. C'est une chose que je ne pourrais jamais encaisser, c'est la pire des destructions possibles. Je sens la pulpe de ses doigts faire remonter le tissu de ma robe. Mes cuisses se découvrent peu à peu et je prie pour qu'il ne franchisse pas cette limite. Il faut voir la vérité en face, je ne suis clairement pas de taille à lutter.
Ses phalanges se faufilent sur mon abdomen. Il touche dangereusement la couture de ma culotte. Je ferme les yeux et essaie de me déconnecter de ce corps qu'il frôle. Sa bouche se rapproche de mon oreille et son souffle s'immisce dans ma nuque. Ça me dégoûte.
- Même si je rêverais de pouvoir t'avoir dans mon lit, ce n'est pas pour ça que tu es là. J'ai d'autres projets pour toi.
Je frissonne et crains le pire. Il détache et se mets à caresser mon ventre comme on le ferait pour une femme enceinte. Je ne sais pas ce qu'il s'imagine, mais je crois qu'il rêve s'il songe à avoir un enfant de moi.
- Il sera parfait ! lâche-t-il avant d'attraper mon poignet et de me menotter sur la chaise.
Cet homme est fou, cela me laisse sans voix. Il quitte la pièce et me laisse planter ici, comme une greluche.
J'écoute attentivement le moindre bruit, mais rien, le néant. Il ne se passe rien. Je ne sais pas si ça doit me rassurer ou au contraire me faire paniquer. J'ai au moins la certitude qu'il ne fait pas de mal à Joan.
Le temps passe et il ne revient toujours pas. Est-il en train de préparer son prochain plan pour me torturer ? Est-il sorti ? Je ne me suis jamais questionnée sur ses éventuelles excursions. Va-t-il faire ses courses ? A-t-il un travail ? Est-ce qu'il rencontre des gens ? Est-ce qu'il a de la famille ? Est-ce qu'il a des amis ? Est-ce qu'il a des passions en dehors de notre séquestration ? Sort-il juste pour traquer des individus comme moi ?
Je suis noyée sous mes questions et envisage toutes les hypothèses possibles et inimaginables. Je fixe la porte, dans l'attente de son retour. Non pas que j'ai hâte de le revoir, mais j'aimerais retourner auprès de Joan. Malheureusement le temps défile et aucune présence de Charles. Être assise dans la même position sans pouvoir bouger commence à être dur. Mon corps s'ankylose et me tiraille. La fatigue me gagne peu à peu, mais je n'ai jamais réussi à m'endormir assise.
Lutter contre l'épuisement est une véritable torture, mais la faim est bien pire. Elle me torture le bide et je n'ai aucune issue de sortie, aucune solution pour ne pas souffrir.
Après m'être assoupie, j'ouvre enfin les yeux. Je ne sais pas depuis quand je suis ici, mais j'ai l'impression que le soleil se lève. Je suis vraiment épuisée et cela joue sur mon moral. Joan n'est pas là pour réconforter et je me retrouve seule avec mes angoisses. Plus les jours avancent, plus je sais que je vais pourrir dans cet endroit. Je ne sais pas comment fait mon compagnon d'enfer pour tenir aussi longtemps. Je sais que je n'ai pas sa force et encore moins son courage. Je ferme les paupières et arrive à revoir son regard. J'essaie de m'imaginer auprès de lui. Je réalise qu'il me manque, sa présence, son sourire, ses yeux. Une boule se forme au creux de ma gorge. Putain. C'est la merde. Je ne peux pas m'attacher, enfin si, mais pas comme ça. J'ai peur de ce que ça implique. Je ne suis pas prête à affronter ça. Une larme coule sur ma joue. Je suis complètement perdue. J'ai besoin de lui, je le ressens. J'ai besoin qu'il soit à mes côtés pour continuer à me battre, mais j'angoisse pour notre sort. Et si je le perdais ? Non, c'est impossible. On va s'en sortir tous les deux.
- Charles ! Charles !
Je crie à m'en époumoner, je veux retourner avec Joan. J'ai besoin de lui, peu importe combien de temps je vais devoir hurler, mais je continuerai.
- Charles !
Au bout de quelques minutes, j'entends ses pas dans les escaliers. Il déverrouille la porte et entre. Au vu de sa tenue, je comprends que j'ai dû interrompre sa préparation.
- J'aurais dû te bâillonner.
Il attrape mes poignets, me détache et essaie de me lever. Seulement à peine ai-je réussi à être sur mes jambes que je m'écroule au sol. Après être restée aussi longuement assise, mon corps est engourdi.
- En plus de geindre, je vais devoir te porter, râle-t-il en me poussant d'un coup de pied dans le dos.
Je crie de douleur et n'ose plus bouger. Je ravale mes larmes et tente de me focaliser sur Joan. Lui et rien que lui. Il m'attrape par le coude et tente de me lever, mais c'est un échec.
- Lève-toi ! Dépêche-toi !
Il sort son pistolet et le braque sur moi. L'angoisse monte d'un cran. Je tente tant bien que mal de prendre appui sur mes avant-bras et essaie de me mettre debout. J'ai du mal à tenir sur mes jambes, mais faut que je tienne le coup. Le visage de Joan me frappe de plein fouet et je me refuse à l'abandonner. Je respire un profondément et me tiens droite. D'un signe de la main, il m'indique la sortie. J'ouvre la porte doucement ne sachant pas comment me comporter.
Le canon braqué à l'arrière de mon crâne, mon bourreau me fait avancer dans le couloir. Il n'a même pas besoin de ça, je serais prête à courir pour retrouver celui qui m'a manqué pendant plusieurs heures. Lorsqu'il glisse la clé pour déverrouiller, je me sens soulagée de retrouver cette pièce. Joan se redresse immédiatement et n'ose bouger en voyant l'arme pointée sur moi. À son visage, il sent presque apaisé de me voir revenir.
- C'est la dernière fois que je dois te corriger ! claque-t-il.
J'attends qu'il ferme la porte et me précipite dans les bras de Joan. Il me serre contre lui et je laisse enfin les larmes couler. Je vide tout ce que j'ai contenu à l'écart de lui : la peur d'un viol, l'angoisse de ma solitude et le manque de lui. Ses mains caressent mes cheveux et il me réconforte. S'il savait à quel point, j'étais terrifiée loin de lui. S'il pouvait savoir que j'ai compris que j'ai besoin de lui pour continuer. Une fois les vannes fermées, il se détache lentement et pose son front contre le mien. Cette proximité me perturbe alors sans réfléchir je pose mes doigts sur sa nuque et l'embrasse. Sans douceur, j'ai cette nécessité de lui transmettre ce que je ressens. Je veux qu'il sache à quel point il est devenu important. Je suis soulagée de voir qu'il ne me repousse pas. Ses paumes finissent par se poser sur mes hanches et il approfondit notre baiser. L'espace de quelques minutes, j'oublie où nous sommes et retrouve un semblant de normalité.

N'enferme pas nos coeursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant