Chapitre 28

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4 octobre

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4 octobre

Je fixe la sortie depuis un bon moment espérant le retour de Joan. Je suis un petit chien qui attend son maître en fin de journée. C’est pathétique, mais tellement réaliste.
Je finis par me rallonger sur le matelas et fermer les yeux. Je n’ai pas d’autres alternatives que de me reposer.
Après un énième réveil, j’écoute les éventuels bruits dans la maison. Le silence semble régner, mais au bout de quelques minutes, le parquet finit par grincer. Je me mets sur le côté et fais semblant de dormir. Je ne dois surtout pas bouger au risque de faire tinter les chaînes. La porte s’ouvre et j’entends des pas lourds avancer dans la pièce. Soudainement, notre lit de fortune finit par s’abaisser. Un nouveau son métallique vient se mêler au froissement de tissu. Je suppose qu’il est en train d’attacher Joan. Les paupières closes, j’attends qu’il s’en aille afin de pouvoir me blottir contre l’homme que j’aime.
Lorsque j’entends le bois claquer, je me retourne et sursaute en voyant l’état de Joan. Je retiens un sanglot étouffé dans ma paume. Sa lèvre est entaillée, son œil droit est bleu, son arcade sourcilière est ensanglantée. Ses plaies semblent nettoyées, mais il est très mal au point. Recroquevillé sur lui-même, il semble dormir. Ses poings fermés sont menottés comme les miens. Ça me brise le cœur. Je comprends que, contrairement à lui, je suis très épargnée sur le plan physique. Charles préfère user de torture psychologique sur moi. Il a bien saisi que je tenais à Joan. Il l’a lu dans mon regard quand il pointait son canon sur lui.
Je décide de le regarder se reposer le temps qu’il faut. Je veux veiller sur lui comme il le ferait sur moi. Je réfléchis à ce qu’il nous reste et envisage de lui donner ma part.
Assoupi face à moi, son visage ne cesse de se contracter au moindre mouvement qu’il fait. Je suis angoissée de son réveil, je m’inquiète de son état. Je suis sûre qu’il souffre bien plus qu’il ne me l’avouera. J’ai beau réfléchir dans tous les sens, je n’ai aucune idée de ce sur je peux faire pour le soulager.

Au bout de plusieurs heures, il finit par ouvrir les yeux, doucement. Je le laisse émerger, je ne veux pas le brusquer. Sans un mot, sa main enchaînée se pose sur ma joue. Il ferme les paupières comme pour savourer ce contact.
— J’ai eu peur de te perdre… confesse-t-il.
S’il savait comme moi aussi, j’ai été terrorisée de son absence. Je le laisse me caresser le visage, ce réconfort me fait un bien fou. Ces iris bleus rencontrent de nouveau mon regard et délicatement je m’avance pour déposer mes lèvres sur les siennes. Nous bougeons en symbiose, comme si nous faisions ça depuis des années. Nous nous détachons et je reste là, hypnotisé par cet homme.
— Avec toi, j’ai l’impression d’être au paradis.
Il vient de me toucher en plein cœur. Ses mots se frayent un chemin au creux de mon ventre et font écho à mes propres sentiments.
— Mais avant d’aller au paradis, je t’emmènerais partout dans le monde.
Il m’offre un léger sourire. S’il savait comme j’aimerais croire en ces mots. J’aimerais voyager dans différents pays, découvrir plein de cultures, mais j’ai conscience que c’est utopique. Ça n’arrivera jamais… Mais je ne veux pas briser ses rêves, alors je me tais.
Un bruit violent provenant du rez-de-chaussée nous coupe dans notre conversation. Finalement nos envies de voyage n’ont plus grand intérêt.
— Je t’avais dit de ne pas le blesser autant ! Comment veux-tu que tout se déroule à merveille si tu le tabasses à ce point là ? hurle Charles.
Je me redresse et je tends l’oreille pour entendre la réponse de son interlocuteur, mais rien ne semble venir.
— Oh bien sûr t’aimerais que je me taise, comme quand j’étais gamin, mais regarde-moi ! Je ne suis plus cet enfant ! reprend notre bourreau.
Je ne veux plus que tu reviennes.
Son ton est sans appel. Il est très en colère et j’espère que nous ne subirons pas ses foudres. Une porte claque et le silence revient immédiatement.
Je me tourne vers Joan. J’ai besoin qu’on parle de ce qu’on vient d’entendre. Il n’est pas seul quelqu’un vit avec lui. À moins qu’il soit encore plus fou que ce je pense et qu’il se parle à lui-même. Non c’est impossible.
— Pose-moi tes questions, lance Joan.
— Est-ce que tu l’as déjà entendu parler comme ça ? Est-ce que tu sais s’il y a quelqu’un qui est ici ?
— Oui je l’ai déjà entendu, mais je crois qu’il se parle à lui-même. Vu ce qu’il vient de dire, il n’y a pas d’autres explications. C’est Jean qui m’a battu pendant des heures et des heures, il n’y avait que lui. Donc Charles ne s’en prend qu’à lui-même.
Au fond, je ne suis pas particulièrement étonnée, mais ça me mine le moral encore un peu plus. Sa folie est sans limites et je n’ose imaginer ce qui nous attend. Des millions d’images traversent mon imagination et l’angoisse monte soudainement. Il faut que je lui en parle. Il faut que je lui fasse part de mes inquiétudes. Il est le seul qui peut m’apaiser.
— Joan, je sais que je t’ai dit que je me battrai, mais j’ai peur. Quand je vois à quel point il est taré, j’imagine le pire. Enfin non, je n’imagine pas. Je les ai vus les dix saisons d’esprits criminels et maintenant je sais de quoi sont capables les psychopathes. Ça m’angoisse de ne pas savoir ce qu’il nous veut. Peut-être qu’on va finir manger par les cochons.
Il pose soudainement sa main sur la mienne et se redresse pour s’asseoir face à moi. Il tire une grimace, mais fait de son mieux pour me montrer son soutien.
— Je ne sais pas ce qu’il nous veut, mais on est ensemble. Tant qu’on sera là l’un pour l’autre, je sais que tout ira bien. Tu m’as redonné espoir alors j’ai envie d’y croire. Bon je t’accorde que je n’ai clairement pas le physique de Derek Morgan, mais on va se battre tous les deux. 
Cet homme est parfait. Ses mots ont le don de me faire du bien, de me remonter le moral et en prime il connaît ma série préférée.
Au vu de son état, je l’aide rapidement à se rallonger, il faut qu’il se repose. En faisant le moins de bruit possible, je me dirige à l’extrémité du matelas et récupère un des sachets de fruits secs. Il faut qu’il récupère un peu d’énergie pour guérir au plus vite. Sans une explication, je l’ouvre et lui donne des amandes. Il m’adresse un sourire et mange petit à petit. Au bout de quelques minutes, je range à nouveau le petit ballotin et me rallonge à ses côtés pour me reposer à mon tour.

N'enferme pas nos coeursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant