Dans l'obscurité de la peur

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Je scrutai le visage de Nadia, cherchant une réponse dans ses yeux, mais elle détournait le regard, comme si même le simple fait de me parler l'effrayait.

« Tu peux pas me laisser dans le flou. J'ai besoin de savoir, » dis-je, ma voix se brisant sur ces mots.

La tension dans la pièce était palpable, une épaisse toile d'angoisse qui nous entourait.
Nadia soupira profondément.

« C'est compliqué, Adila... » Elle ferma les yeux un instant, comme si elle tentait de rassembler ses pensées.

Je me sentais impatiente, une tempête d'émotions tourbillonnant en moi. Je voulais la secouer, la forcer à parler, mais je savais que je devais être patiente.

« Écoute, je suis là pour toi. Tu peux me dire ce qui s'est passé. Je ne te jugerai pas. »

Je me penchai en avant, mon cœur battant à tout rompre.

Elle inspira profondément, ses mains se crispant sur les draps. « Il m'a suivie. Je pensais qu'il était juste un garçon comme les autres, quelqu'un avec qui je pourrais discuter, mais... il a commencé à devenir trop insistant. » Sa voix tremblait. « J'ai essayé de lui faire comprendre que je n'étais pas intéressée, mais il ne voulait rien entendre. »

Mon cœur se serra à l'idée que quelqu'un ait pu lui faire du mal. « Mais pourquoi ne m'en as-tu pas parlé ? Tu aurais pu me demander de t'accompagner, de t'aider. »

Elle me lança un regard désespéré. « Je ne voulais pas te montrer ma faiblesse, Adila. J'ai toujours été celle qui te consolait. Je pensais que je pouvais gérer ça toute seule. Mais quand je suis partie, il était là, caché dans l'ombre. » Elle marqua une pause, ses yeux se remplissant de larmes. « Il m'a attrapée dans la ruelle, m'a tirée en arrière... J'ai crié, j'ai lutté, mais il était trop fort. »

La colère, l'impuissance et la douleur s'entrechoquaient dans mon cœur. Je détestais ce monde qui laissait des monstres se cacher dans l'ombre, prêts à attaquer les plus vulnérables. « Mais... il t'a fait quoi, exactement ? »

Elle baissa les yeux, honteuse. « Je ne sais pas si je peux en parler, Adila. Ça me terrifie. » Sa voix était un murmure, presque inaudible.

Je pris une profonde inspiration. « Nadia, je suis ici. Peu importe ce qui s'est passé, tu peux me le dire. Je ne vais pas te juger. »

Elle ferma les yeux un instant, puis, lentement, elle reprit. « Il m'a... il m'a fait comprendre que je ne pouvais pas échapper à lui. Il a essayé de m'embrasser, mais j'ai résisté. Et puis, il a commencé à m'agresser verbalement, à me traiter de tous les noms. Il voulait me faire du mal. Et je l'ai laissé m'en faire, qu'est-ce que je suis devenu finalement, une pauvre victime ? » Me demanda t-elle pleine de désespoir et de vulnérabilité.

Les larmes coulaient maintenant sur ses joues, et je ne pouvais m'empêcher de ressentir une immense vague de colère pour ce qu'elle avait subi.

Je pris sa main dans la mienne, la serrant avec force. « Tu n'es pas une victime, Nadia. Tu es une survivante. Et je suis là pour toi. Quoi qu'il arrive, tu n'as pas à porter ce poids seule. »
Elle me regarda, et dans ses yeux, je vis une lueur d'espoir. « Je ne veux pas que ça me définisse. Je veux être forte, comme avant. »
« Tu l'es, » lui dis-je fermement. « Mais accepter de parler, c'est aussi une forme de force. Et je te promets que je ne te laisserai pas tomber. Nous allons faire face à ça ensemble. »

Je sentais le lien entre nous se renforcer à ce moment-là, comme si la vulnérabilité de Nadia ne faisait qu'ajouter à notre amitié. Je savais que ce chemin serait long et difficile, mais j'étais prête à marcher à ses côtés, dans les ombres et vers la lumière. Le bip régulier des machines et l'odeur antiseptique de l'hôpital semblaient s'atténuer, laissant place à une nouvelle détermination. Je savais que nous devions signaler ce qui s'était passé, que ce n'était pas juste une agression parmi tant d'autres. Il fallait que cela cesse.

« Tu es prête à en parler à quelqu'un, Nadia ? À la police, peut-être ? » Je posai cette question avec prudence, consciente de l'énormité de ce que cela impliquait.

Elle hésita, mais je vis la flamme de la détermination naître dans son regard. « Oui... je crois que oui. Si cela peut empêcher à quelqu'un d'autre de vivre la même chose, alors je le ferai. »

À cet instant, alors que Nadia semblait trouver une force nouvelle, la porte de la chambre s'ouvrit doucement. Aymen entra, un air soucieux sur le visage. Je le voyais dévisager Nadia, cherchant sans doute à comprendre la gravité de la situation.

« Comment elle va ? » demanda-t-il, mais sa curiosité était évidente.

Il voulait des réponses. Je pouvais presque lire dans ses pensées : pourquoi cette situation avait-elle eu lieu ? Qui avait osé s'en prendre à elle ?

« Aymen, ça suffit, » dis-je brusquement, ma voix résonnant dans le silence de la chambre. Je ne voulais pas qu'il interroge Nadia, pas maintenant.

Elle venait à peine de trouver le courage de parler, et je ne voulais pas qu'elle se sente à nouveau vulnérable face à des questions qui la déstabilisaient.

Il se renfrogna légèrement, conscient que j'étais en train de protéger Nadia, mais je ne me laissai pas attendrir.

Je pouvais voir la confusion dans ses yeux, mais je m'en moquais. À cet instant, il n'était pas là pour elle, il était là pour satisfaire sa propre curiosité. « Écoute, Aymen, je sais que tu veux comprendre, mais ce n'est pas le moment. Elle a besoin de calme, pas de pression. »

Il hocha la tête, l'air un peu déçu, et recula de quelques pas. Je savais que c'était mal de le repousser, mais j'avais besoin de protéger Nadia.

Elle avait déjà tant souffert.

Quand il sortit, je me tournai vers Nadia, ressentant une nouvelle vague de colère envers ce qui s'était passé. Pourquoi la vie prenait-elle cette tournure ? Pourquoi deux filles de seulement 17 ans devaient-elles faire face à des monstres ? Je repensai à toutes ces soirées passées à rêver de l'avenir, à rire et à penser que rien ne pourrait nous atteindre. Et maintenant, me voilà confrontée à une réalité brutale.

Je me sentais trahie par la vie, en colère contre tout ce qui était masculin, tout ce qui pouvait symboliser la force et la brutalité. Comment des jeunes comme nous pouvaient-elles se reconstruire après de telles expériences ? Nous étions forcées de devenir des femmes avant même d'avoir eu la chance d'explorer notre jeunesse. Une rage sourde montait en moi, une frustration contre un monde qui semblait nous abandonner.

À ce moment-là, les paroles de Rahyana résonnèrent dans ma tête. Je me rappelai son regard pieux, son attachement à sa foi. Elle m'avait souvent encouragée à me rapprocher de la prière. « Tu sais, Adila, tu devrais vraiment penser à te rapprocher de la prière, » disait-elle, sa voix douce et apaisante. « Je sais que ce n'est pas facile avec tout ce que tu vis, mais ça pourrait t'apaiser. »

Je me sentais coupable d'avoir écarté cette idée, mais je ne savais pas si j'étais prête. Pas maintenant. En quoi la prière pouvait-elle m'aider à apaiser ce chaos intérieur ? Je regardais ma vie, et je ne voyais aucune bonté, aucune miséricorde. Au contraire, je voyais des ombres qui menaçaient de m'engloutir.

Pourquoi devrais-je faire confiance à un Dieu qui permettrait de telles atrocités, qui laissait des jeunes filles comme nous se débattre dans l'obscurité ? Je ne comprenais pas comment je pouvais retrouver la force de croire en quelque chose alors que la vie nous montrait son visage le plus cruel.

Nous étions coincées entre l'innocence et l'obligation de devenir des adultes, un monde qui nous avait poussées à porter des fardeaux que personne ne semblait remarquer. Je pensais à la petite Adila qui jouait encore dans les rues, pleine de rêves et d'espoir. Où était-elle aujourd'hui ?
Luttant avec ces questions, je sentais que je ne pouvais pas laisser cette colère me consumer. Je devais être forte pour Nadia. Alors, je pris une décision. Peut-être que je n'avais pas encore de réponses, mais je ne pouvais pas abandonner. Je ne pouvais pas me laisser submerger par cette obscurité.

Je me tournai vers Nadia. « Nous allons surmonter ça, tu sais ? Même si c'est difficile, même si cela semble impossible. Nous sommes plus fortes que ce qui nous arrive. Et je serai toujours à tes côtés. »
Elle me regarda, une lueur de gratitude dans ses yeux. C'était un début, un pas vers la lumière. Peut-être qu'ensemble, nous pourrions retrouver cette petite fragilité que nous avions perdu, et la protéger, cette fois.

Adila - Entre Ombres et Lumière Où les histoires vivent. Découvrez maintenant