Je courais, mon souffle coupé, mes pensées brouillées, mais je ne ralentissais pas. Le message de Nadia me hantait : « Viens me sauver, s'il te plaît. » Je ne comprenais pas pourquoi elle avait envoyé ça. Nadia, si indépendante, ne me mêlait jamais à ses problèmes. Quelque chose n'allait pas. Mon cœur se serrait à chaque foulée.
Je pris une rue que je connaissais bien, celle qui menait vers chez elle. Plus je m'approchais, plus une angoisse sourde me rongeait. Je passai devant les boutiques fermées, les voitures garées le long du trottoir. Et là, sous la lumière vacillante d'un réverbère, je la vis.
Elle était là, adossée à un mur, les bras autour de son corps comme pour se protéger du froid, ou de quelque chose de pire. Mon cœur s'arrêta. Nadia, d'ordinaire si forte, était brisée. Ses vêtements étaient froissés, ses cheveux en désordre, et son visage... Mon estomac se tordit en voyant les bleus qui marquaient sa peau, les petites coupures sur sa lèvre. C'était à peine si je la reconnaissais.
« Nadia... qu'est-ce qui t'est arrivé ? Qui t'a fait ça ? » demandai-je, ma voix tremblante.
Elle ne répondit pas. Elle baissa les yeux, figée dans un silence qui m'était insupportable. Je m'approchai d'elle, avec précaution, comme si elle pouvait se briser encore plus à mon contact.
Je la pris doucement par le bras. « On va partir d'ici, d'accord ? Je t'emmène à l'hôpital. » Elle ne réagit toujours pas, mais elle se laissa faire, comme un automate.
Je l'aidai à marcher, chacun de ses pas semblait peser une tonne. Elle était à moitié consciente, perdue dans ses pensées, mais au moins elle me suivait. Nous arrivâmes à ma voiture, et je l'installai sur le siège passager. Je me précipitai pour démarrer, priant que tout fonctionne.
Mais rien.
« Non... c'est pas vrai... » Je tournai la clé encore et encore, mais le moteur ne répondait pas. Le silence assourdissant de la voiture me plongea dans une panique grandissante. Pas ce soir. Pas maintenant.
Je frappai le volant, les larmes me montaient aux yeux. « Putain... pourquoi ça arrive maintenant ?! » Ma respiration se faisait plus rapide, mes mains tremblaient. Je ne pouvais plus réfléchir clairement. L'angoisse s'empara de moi, je suffoquais. C'était trop.
Je sortis mon téléphone, mes doigts tremblant tellement que je faillis le faire tomber. Je n'avais pas le choix. Aymen. C'était le seul à qui je pouvais m'adresser dans un moment pareil. Je tapai son numéro en espérant qu'il réponde vite.
Après quelques sonneries, il décrocha. « Adila ? Ça va ? »
« Non, ça va pas, Aymen ! J'ai besoin de toi, c'est... c'est Nadia, elle est... elle est dans un sale état. Je suis devant chez elle, mais ma voiture démarre pas. Il faut que tu viennes, s'il te plaît ! »
Il y eut un court silence à l'autre bout du fil, puis sa voix se fit plus ferme. « J'arrive. Bouge pas. »
Je raccrochai et m'effondrai contre le siège. Mon cœur battait à tout rompre. Nadia restait silencieuse, ses yeux vides fixant le pare-brise. Je ne savais pas quoi dire, je ne savais même pas si elle m'entendait. Tout ce que je pouvais faire, c'était attendre.
Quelques minutes plus tard, Aymen arriva dans sa voiture. Il sortit rapidement et vint ouvrir la portière du côté de Nadia. Son regard se durcit en voyant son état, mais il ne dit rien. Il la souleva avec douceur et la porta jusqu'à sa voiture.
Je le suivis, mes jambes tremblant encore sous l'effet de l'angoisse. Je m'installai à l'arrière, laissant Nadia allongée, la tête sur mes genoux. Je caressai doucement ses cheveux, essayant de la réconforter, même si elle semblait loin de moi.
Aymen démarra sans un mot. Le silence dans la voiture était lourd, pesant. De temps en temps, il jetait un coup d'œil dans le rétroviseur, mais il ne disait rien. J'étais perdue dans mes pensées, mon cœur battant encore la chamade. Tout ce qui venait de se passer me paraissait irréel.
Le trajet vers l'hôpital me parut durer une éternité. Je fixais la route, mes mains tremblantes, incapables de me calmer. Nadia respirait faiblement, et chaque respiration me brisait un peu plus.
Quand nous arrivâmes enfin à l'hôpital, Aymen sortit rapidement pour alerter les médecins. Ils prirent immédiatement Nadia en charge, l'emmenant sur un brancard à travers les portes battantes. Je restai figée là, incapable de bouger.
Le monde autour de moi semblait flou, irréel. Je sortis de l'hôpital pour reprendre un peu d'air, mais c'était comme si l'angoisse me poursuivait, m'enserrant le cœur.
Soudain, je craquai. Tout ce que je retenais depuis des semaines, tout ce que je tentais de cacher, explosa. Je tombai à genoux sur le trottoir, frappant le sol de mes poings, des larmes dévalant mes joues sans retenue. J'étais submergée par la peur, l'impuissance. Je ne pouvais plus respirer.
Aymen sortit de l'hôpital à ce moment-là. Il se précipita vers moi, s'accroupissant à mes côtés. « Adila... Adila, calme-toi. »
Je tremblais de partout, mon corps refusant de répondre. C'était comme si mes poumons se refermaient sur eux-mêmes. « Je... j'y arrive pas... Aymen, je peux pas... »
Il posa ses mains sur mes épaules, me forçant à le regarder. « Respire, Adila. Concentre-toi. Inspire. Expire. »
Je tentai de suivre ses instructions, mais c'était si difficile. Mes respirations étaient saccadées, mes larmes ne cessaient de couler. Il resta à mes côtés, patient, rassurant, sa présence ancrée dans la réalité alors que la mienne s'étiolait.
Petit à petit, je parvins à reprendre le contrôle de ma respiration. Mes mains cessèrent de trembler, mais l'épuisement me submergeait. Aymen m'aida à me relever, me guidant vers un banc. Je m'assis lourdement, le corps vidé de toute énergie.
« Ça va aller, » murmura-t-il doucement. « Nadia est entre de bonnes mains. »
Je hochai la tête, même si je n'en étais pas vraiment convaincue. Le silence s'installa entre nous, mais il n'était pas oppressant. Aymen resta à mes côtés, sans poser de questions. Je pris mon téléphone pour envoyer un message à Rahyana.
« Est-ce que tu peux gérer les petits demain matin ? Je suis à l'hôpital avec Nadia, c'est compliqué... »
Rahyana répondit presque instantanément : « Bien sûr, t'inquiète pas, je m'occupe de tout. Reste avec elle. »
Je soufflai de soulagement, au moins ça, c'était réglé. Aymen était toujours là, me regardant sans dire un mot, attendant que je sois prête à parler.
« Merci d'être venu... Je savais pas qui appeler, » dis-je, la voix encore tremblante.
Il hocha simplement la tête. « T'as bien fait. »
On resta là, assis en silence pendant ce qui me sembla être des heures. Aymen était une présence stable, quelqu'un sur qui je pouvais compter, même si on ne se connaissait pas si bien que ça. Sa présence me rassurait, même dans le chaos.
Au petit matin, après avoir passé une nuit blanche, les médecins vinrent m'informer que Nadia était stabilisée. Un poids se souleva de ma poitrine, même si l'angoisse ne disparaissait pas complètement. Aymen m'accompagna jusqu'à la chambre de Nadia.
Je rentrai doucement, l'odeur aseptisée de l'hôpital me frappant immédiatement. Le bip des machines, le blanc clinique des draps, tout était calme. Trop calme.
Nadia était allongée sur le lit, encore pâle et abîmée, mais vivante. C'était tout ce qui comptait.
Je m'approchai, une boule dans la gorge. « Eh bah... t'as une sacrée gueule ce matin. »
Nadia ouvrit un œil, esquissant un sourire. « T'as vu l'autre. »
Je tirai une chaise et m'assis à côté d'elle. Un long silence s'installa avant que je demande : « Qu'est-ce qui s'est passé, Nadia ? »
Son regard s'assombrit. Elle détourna les yeux.
« Tu peux pas me laisser dans le flou. J'ai besoin de savoir. »
Elle soupira, sa voix à peine audible. « C'est compliqué, Adila... »
Mon ventre se noua. Je savais que la vérité serait difficile à entendre.
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Adila - Entre Ombres et Lumière
RomansaDans un monde où les responsabilités pèsent lourdement sur ses épaules, Adila, 17 ans, se bat pour tenir sa famille à flot. Aînée de trois frères, elle jongle entre ses études, ses deux emplois et le désespoir silencieux de sa mère, dévastée par l'a...