Le poids de tout

3 1 0
                                    

Je dévalais les escaliers sans réfléchir, comme si mes jambes bougeaient seules. Les cris derrière moi – ceux de maman, de Nadia, de Rahyana – s'effaçaient dans le bruit sourd de mon cœur qui battait à mes tempes. Je ne pouvais plus les entendre. À vrai dire, je ne voulais plus rien entendre. Mes yeux étaient aveuglés par les larmes, et à ce moment-là, je ne contrôlais plus rien.

Je n'avais pris ni veste, ni sac, ni même mes clés. Rien. Comme si je n'avais plus rien à l'intérieur de moi non plus. C'était la première fois que maman avait levé la main sur moi. Elle qui ne m'avait jamais touchée ainsi... pourquoi aujourd'hui ? Pourquoi maintenant ? Je me posais mille questions sans réponses, toutes tournant autour du même point : pourquoi moi ?

Je m'étais toujours battue pour eux. Toute ma vie n'avait été que ça, me battre pour la famille.

Qu'est-ce que je n'avais pas fait  ? J'avais pris des responsabilités bien trop grandes pour mes 17 ans, je m'étais sacrifiée, sans jamais rien demander en retour. Alors pourquoi me le rendre comme ça  ? Ce n'était pas juste. Je sentais un vide s'installer en moi, comme si tout ce que j'avais construit, tout ce pour quoi j'avais lutté, s'effondrait à cet instant précis.

Et pourtant, je n'avais pas le droit de m'effondrer. J'étais celle qui portait tout sur ses épaules, celle qui ne pouvait pas montrer ses faiblesses.

Mais là, dans ce moment de désespoir, tout semblait trop lourd. Je ne comprenais plus rien, tout était flou, distordu. Était-ce moi la mauvaise personne ? Est-ce que, finalement, je n'avais que ce que je méritais  ? Peut-être que je n'avais jamais été assez. Pas assez forte, pas assez bonne, pas assez aimée.

La haine, la tristesse, la frustration se mélangeaient en moi, comme un orage qui menaçait d'exploser à tout moment. J'étais brisée, oui, complètement brisée. Je n'avais plus de force. Je courais sans réfléchir, sans regarder derrière moi. Il fallait que je m'en aille, que j'échappe à tout ça, que cette douleur cesse enfin. Il fallait que ça s'arrête, d'une façon ou d'une autre.

Personne ne pouvait me comprendre. Personne ne savait ce que c'était de porter ce poids, de devoir tout sacrifier, de ne jamais se plaindre. On ne pouvait même pas dire qu'on m'avait tout pris, parce qu'on ne m'avait jamais rien donné. Alors il fallait que ça finisse. Maintenant.

Je courais encore, mes pieds me menaient sans que je ne contrôle mes mouvements. Sans m'en rendre compte, je me dirigeais vers le pont. Ce pont que je connaissais si bien, qui surplombait la route principale de la ville. Les voitures passaient à toute vitesse, et leurs phares se mêlaient à mes pensées comme un tourbillon. Je ne voyais plus rien clairement. C'était comme si mon cerveau s'était déconnecté de la réalité.

Arrivée sur le pont, je regardais en bas, les lumières des voitures devenaient floues à cause de mes larmes. Sans trop réfléchir, j'avançais vers la barrière. Une jambe passa par-dessus, puis l'autre. Tout semblait irréel, comme dans un cauchemar dont on ne peut pas se réveiller. Je réalisais à peine ce que j'étais en train de faire.

Je voulais que tout cesse, que cette douleur insupportable disparaisse. Alors, je me penchai en avant, prête à tout lâcher. Prête à en finir. Mais, au moment où mon corps bascula légèrement, quelque chose me tira en arrière, violemment. Mon corps heurta le béton avec force, et ce fut là que je réalisai ce que je venais d'essayer de faire.

Je rouvris les yeux lentement, le corps toujours lourd, affaibli par l'impact sur le sol. Ma tête me tournait, mes pensées brouillées par la douleur et le tourbillon d'émotions qui m'avaient envahie.

C'est alors que je le vis. Une silhouette, comme une lumière douce au-dessus de moi. Je ne comprenais pas... Comment était-il là  ? Pourquoi  ?

Mais, au fond, peu importait. Ce qui comptait, c'est qu'il était là. Ses traits se dessinaient clairement malgré la pénombre. Ses longs cils, ses yeux noirs et profonds qui semblaient percer le chaos en moi. Son visage était serein, presque apaisant.

Adila - Entre Ombres et Lumière Où les histoires vivent. Découvrez maintenant